MARCHAND, GABRIEL, marchand, officier de milice, homme politique, juge de paix et fonctionnaire, né le 21 novembre 1780 à Québec, fils de Louis Marchand, capitaine de navire, et de Françoise Roussel ; décédé le 10 mars 1852 à Saint-Jean (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec).

Gabriel Marchand descendait d’une famille dont l’ancêtre, Jean Marchand, originaire de Saint-Sauveur-le-Vicomte, près de La Rochelle, en France, était venu s’établir à Québec sous le Régime français. Durant le siège de Québec en 1759, son grand-père, Nicolas Marchand, servit comme officier de milice dans l’artillerie et mourut après avoir été frappé d’un boulet. Marin bien connu à Québec, son père exerça pendant de nombreuses années le métier de capitaine au long cours et navigua sur les hautes mers.

Après une année d’études au petit séminaire de Québec en 1790–1791, Marchand entra en qualité de commis dans l’importante maison d’importation de John Macnider, rue de la Fabrique, à Québec. Son caractère entreprenant devait lui permettre d’accéder rapidement au poste de gérant de cet établissement. En 1803, Marchand s’associa avec son patron et François-Xavier Durette pour former une maison de commerce à Saint-Jean sous le nom de Gabriel Marchand et Compagnie. Cette année-là, il se rendit dans cette localité où il ouvrit un bureau et des entrepôts destinés à recevoir le bois qu’on irait chercher sur les bords du lac Champlain et qu’on transporterait ensuite à Québec en passant par la rivière Richelieu. En 1806, Macnider, Durette et Marchand décidèrent de mettre un terme à leur association, et ce dernier continua de faire du commerce pour son propre compte. Il devint ainsi l’un des premiers marchands de Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu) et le pionnier du commerce du bois dans la région de la rivière Richelieu.

Le 1er janvier 1807, Marchand épousa à Dorchester Amanda Bingham, fille d’Abner Bingham, loyaliste originaire de Hero Island (North Hero), près de Plattsburgh, dans l’état de New York, et ils eurent une fille qui mourut à peine âgée d’un mois. Après la mort de sa femme, survenue en 1809, Marchand se remaria le 6 octobre de l’année suivante, à la cathédrale Holy Trinity de Québec, avec Mary Macnider, fille de son ancien patron ; de ce second mariage naquirent six enfants.

Au cours de la guerre de 1812, Marchand servit comme major en second dans le 2e bataillon de milice de Belœil. En 1816, deux ans après la fin de la guerre, ses deux frères, François et Louis, vinrent le rejoindre à Dorchester. L’entreprise de Marchand avait pris une expansion considérable et il avait amassé une belle fortune grâce à une demande accrue pour le bois servant à la construction de navires, surtout entre 1812 et 1814. Il céda alors son commerce à François et décida de se retirer à la campagne, près de son village d’adoption, où il avait acquis une belle ferme sur les bords de la rivière Richelieu, qu’il avait baptisée Beauchamps. Il y partageait ses loisirs « entre la surveillance de ses champs et une petite promenade à pied qu’il faisait régulièrement tous les jours à Saint-Jean », veillant aux intérêts de ce village dont il suivait avec attention les progrès.

Au cours des années 1820, Marchand s’associa avec ses frères et d’autres citoyens de Dorchester dans le but de fonder la paroisse Saint-Jean-l’Évangéliste. Il multiplia personnellement les démarches afin d’obtenir un prêtre et recueillir l’argent nécessaire pour bâtir l’église. À cette fin, il avait été élu syndic pour la construction de l’église, le 21 décembre 1826. L’édifice religieux fut finalement ouvert au culte en 1828 et, la même année, Rémi Gaulin était nommé premier curé. Dès lors, la paroisse prenait forme et s’organisait en élisant ses trois premiers marguilliers le 16 novembre 1828. Fait étonnant, Marchand ne figurait pas parmi les membres du premier conseil de la fabrique. Peut-être refusa-t-il cet honneur par excès de modestie. Quoi qu’il en soit, à la fin de 1833, il était élu marguillier et, l’année suivante, on le nomma secrétaire-trésorier de la paroisse ; il occupa ces deux fonctions jusqu’en 1837.

À l’époque de la rébellion, Marchand se montra favorable à la cause des patriotes. Le 5 novembre 1837, il prit une part active à l’assemblée de Saint-Athanase (Iberville) où il présenta 24 propositions réformistes qui furent adoptées par la majorité. Cependant, lorsque les patriotes décidèrent de prendre les armes, il s’abstint de les suivre. Pour signifier son opposition à la politique du gouvernement, Marchand préféra refuser le poste de conseiller législatif auquel il avait été nommé le 22 août 1837, de même que l’offre de faire partie du Conseil spécial que lui avait faite le gouverneur sir John Colborne* le 31 mars 1838.

En 1840, le gouvernement du Bas-Canada créa des municipalités de district et, le 23 août 1841, Marchand fut désigné comme conseiller de la paroisse Saint-Jean-l’Evangéliste au conseil municipal du district de Saint-Jean. Cet organisme regroupait les représentants d’une vingtaine de localités de la vallée du Richelieu. Marchand remplit cette charge avec dévouement et assiduité jusqu’à l’expiration de son mandat le 8 janvier 1844.

Marchand s’intéressait au progrès de l’agriculture. En juillet 1845, il fondait à Dorchester la section Saint-Jean, Saint-Luc et L’Acadie de la Société d’agriculture du comté de Chambly dont il fut président jusqu’en février 1847. Il s’occupa également d’éducation. Il fut nommé président de la commission scolaire de la municipalité de paroisse de Saint-Jean-l’Évangéliste, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort, et à ce titre il participa à la création de l’académie de Saint-Jean, constituée juridiquement en 1850.

Selon ses contemporains, Marchand était un homme dont « la noble simplicité de ses dehors inspirait le respect à tous ceux qui le voyaient et conversaient avec lui ; et il était en même temps remarquable par une urbanité de manières et de conversation qui rendait sa société des plus attrayante ». Sa personnalité ne pouvait que lui assurer la confiance des autorités qui l’avaient nommé à plusieurs charges publiques : juge de paix du district de Montréal en 1815 et 1830 ; commissaire chargé de faire prêter serment aux comptables publics en 1823 ; commissaire chargé de l’amélioration de la route entre Dorchester et Laprairie (La Prairie) et commissaire chargé de la construction du canal de Chambly en 1829 ; commissaire chargé de la macadamisation du chemin de Laprairie et commissaire chargé de faire prêter serment à certains fonctionnaires en 1830 ; et commissaire chargé de faire prêter le serment d’allégeance en 1837. Lieutenant-colonel du 2e bataillon de milice de Belœil en 1827, Marchand avait été promu colonel du 3e bataillon de milice du comté de Rouville trois ans plus tard. Le 1er juillet 1831, il avait démissionné de ce dernier poste et de sa charge de juge de paix du district de Montréal, dégoûté et insulté par le refus du gouverneur en chef du Canada, lord Aylmer [Whitworth-Aylmer*], de nommer magistrats les personnes qu’il avait recommandées à la demande expresse de ce dernier.

Gabriel Marchand mourut subitement d’une crise d’apoplexie le 10 mars 1852 à Saint-Jean. Cette mort soudaine créa un grand émoi dans la petite ville, d’après l’auteur de sa notice nécrologique parue dans la Minerve. « Tout Saint-Jean est dans l’affliction, écrivait-il, parce qu’il vient de perdre un de ces dignes et respectables citoyens qui laissent toujours après eux un vide difficile à remplir ; et la reconnaissance rappelle aussi à la paroisse, que c’est en plus grande partie aux efforts, à la persévérance et aux sacrifices particuliers de celui qu’elle regrette, qu’elle doit l’avantage d’exister comme paroisse et de posséder une église. » Marchand laissait derrière lui sa femme, qui mourra trois ans plus tard, et deux fils, dont Félix-Gabriel*, futur premier ministre du Québec.

Lionel Fortin

ANQ-M, CE4-10, 15 mars 1852.— ANQ-Q, CE1-1, 15 sept. 1778, 22 nov. 1780 ; CE1-61, 6 oct. 1810 ; CN1-262, 11 nov. 1806 ; P-174.— AP, Saint-Jean-l’Évangéliste (Saint-Jean-sur-Richelieu), Livre des délibérations de la fabrique, 25 déc. 1833, 4 mai 1834, 25 déc. 1836, mars 1837.— APC, MG 30, D1, 20 : 277–280 ; RG 4, B36, 5 : 1500–1611 ; RG 68, 4 : 187–189 ; 7 : 467–468 ; 10 : 363–365 ; 11 : 32–37, 228–229, 394–404 ; 12 : 222–223 ; 15 : 102–106 ; General index, 1651–1841 : 199, 202, 213, 282–283, 285, 369, 638.— Arch. du diocèse de Saint-Jean-de-Québec (Longueuil, Québec), 14A/47, 112, 156.— ASQ, Fichier des anciens.— Canada, prov. du, Statuts, 1844–1845, chap. 53 ; 1850, chap. 124.— La Minerve, 9 nov. 1837, 19 mars 1852.— F.-J. Audet, « les Législateurs du B.-C. ».— Officers of British forces in Canada (Irving), 188.— P.-G. Roy, Fils de Québec, 3 : 5–7.— Turcotte, le Conseil législatif, 128–129.— J.-D. Brosseau, Saint-Jean-de-Québec ; origine et développements (Saint-Jean[-sur-Richelieu], 1937), 165–205.— J.-J. Lefebvre, Félix-Gabriel Marchand (1832–1900) notaire, 1855, premier ministre du Québec, 1897 (Montréal, 1978), 7–8, 29–30.— J.-Y. Théberge, « Saint-Jean, 1848–1973 : 125e anniversaire de l’érection du village » (copie dactylographiée, [Saint-Jean-sur-Richelieu], 1973), 35.— « La Famille Marchand », BRH, 40 (1934) : 40–42.— « La Mort de l’Hon. Félix-G. Marchand », le Canada français et le Franco-Canadien (Saint-Jean-sur-Richelieu), 28 sept. 1900 : 1.

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Lionel Fortin, « MARCHAND, GABRIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/marchand_gabriel_8F.html.

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Auteur de l'article:    Lionel Fortin
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    1 décembre 2024