MALLORY, CALEB ALVORD, fermier, homme politique et militant agrarien, né le 30 septembre 1841 près de Cobourg, Haut-Canada, fils de Caleb Robin Mallory (Mallery) et d’une prénommée Harriet L. ; le 9 octobre 1866, il épousa Harriet Ann DeFurlong (décédée en 1902), de Warkworth, Ontario, et ils eurent cinq fils et deux filles, puis Margaret Ann Berry (décédée en 1918) ; décédé le 6 décembre 1926 près de Cobourg et inhumé à Grafton, Ontario.

Aîné d’une famille de sept enfants, Caleb Alvord Mallory naquit dans le comté de Northumberland et y passa toute sa vie. Son père, fermier, participa à diverses entreprises commerciales. Après ses études élémentaires et secondaires, Mallory, qui était méthodiste, fréquenta le Victoria College de Cobourg, mais il dut le quitter pour des raisons de santé avant l’obtention de son diplôme. Il acheta des terres en 1863 près de Warkworth, dans le canton de Percy, et défricha une ferme. À divers moments, il appartint au conseil municipal à titre de simple membre, de vice-président et de président. En 1888, il fut choisi comme préfet des comtés unis de Northumberland et de Durham.

Mallory faisait déjà partie des Protecteurs de l’industrie agricole lorsqu’il s’intéressa aux Patrons of Industry, organisation agricole fondée au Michigan en 1887. Des unités de cet organisme furent mises sur pied dans des comtés de l’Ontario et, en février 1890, Mallory et d’autres délégués locaux se réunirent à Sarnia afin de former un regroupement affilié à l’organisme américain. Mallory fut élu vice-président ; il conserverait cette fonction dans l’association autonome fondée à London en septembre 1891. Devenu président l’année suivante, il le resterait jusqu’en 1898. En usant de la rhétorique pompeuse du radicalisme agrarien et urbain, les Patrons of Industry réclamaient de vastes réformes : élimination des droits de douane sur « les biens nécessaires à la vie », amélioration des mécanismes démocratiques, « pureté » dans la vie publique. En tant que président, Mallory, dans d’éloquents discours qui avaient beaucoup de retentissement, exhortait les agriculteurs à rompre enfin leurs liens avec les partis conservateur ou libéral, à combattre les monopoles et les autres pratiques commerciales corrompues et à édifier une société plus égalitaire et plus démocratique. Les Patrons fondèrent ou soutinrent plusieurs coopératives, par exemple une usine de ficelle à lier à Brantford et une compagnie de sel à Kincardine. En outre, ils s’allièrent au journal lancé par George Weston Wrigley* en 1892, le Canada Farmers’ Sun (London puis Toronto). Pendant une courte période, vers 1895, Mallory fut président de la Sun Publishing Company.

Les Patrons of Industry furent très populaires dans les premiers temps : dès 1893, ils rapportaient compter 35 000 membres en Ontario et au Québec. Aux élections ontariennes de l’année suivante, ils présentèrent des candidats dans une cinquantaine de circonscriptions. Chose étonnante, ils récoltèrent 17 sièges et faillirent en conquérir 20 autres. Ils semblaient destinés à représenter un réel danger pour les vieux partis, quoique leur leader en Chambre, Joseph Langford Haycock, se soit révélé inefficace. Les Patrons of Industry ne devinrent jamais vraiment habiles en politique parlementaire.

En 1895–1896, Mallory, ancien libéral, participa à deux tentatives secrètes de collusion avec les libéraux fédéraux. En 1895, son frère Albert Ethanan, médecin à Colborne, en Ontario, informa le chef du parti, Wilfrid Laurier*, qu’un « personnage haut placé dans les conseils des Patrons » (presque certainement Caleb Alvord) souhaitait s’entendre avec les libéraux afin qu’ils ne présentent pas de candidats dans les circonscriptions où ceux des Patrons avaient de bonnes chances de l’emporter, et vice versa ; le but ultime était d’empêcher les conservateurs de gagner grâce à une division des suffrages. Cependant, aucun pacte ne fut conclu.

La deuxième tentative en vue de troquer des circonscriptions, qui mettait en cause des médiateurs libéraux et Caleb Alvord Mallory en personne, fut connue du public. Mallory se défendit faiblement en signalant que, au bout du compte, les libéraux avaient fait marche arrière. Cependant, le fait qu’il avait négocié en sous-main avec les libéraux et avec le franc-tireur D’Alton McCarthy* démoralisa encore davantage le mouvement des Patrons, déjà en proie à des dissensions internes et incapable de s’allier aux syndicalistes urbains. En outre, son geste alimenta les accusations selon lesquelles les Patrons étaient tout bonnement des libéraux déguisés, et non pas la force politique indépendante qu’ils prétendaient être. En faisant ce qui était sans aucun doute un effort sincère pour assurer aux Patrons une présence aux Communes et empêcher les conservateurs protectionnistes de gagner des sièges, Mallory, de l’avis de bien des membres, et particulièrement du secrétaire-trésorier L. A. Welch, avait commis une faute impardonnable : il avait intrigué avec un des vieux partis honnis et rongés par le favoritisme.

Mallory réussit pourtant à conserver sa crédibilité et la direction du mouvement. Il se présenta dans la circonscription de Northumberland East aux élections fédérales de juin 1896 et encouragea publiquement les sections locales des Patrons à appuyer des candidats dans les autres circonscriptions. Il perdit de justesse contre le conservateur Edward Cochrane*. Mais déjà, les Patrons of Industry connaissaient un déclin irréversible et, dépassés par la question des écoles du Manitoba et d’autres grands débats politiques, ils parvinrent à faire élire seulement trois députés.

Dans l’espoir de revitaliser le mouvement agricole dans la province, Mallory et d’autres leaders agrariens formèrent la Farmers’ Association of Ontario en septembre 1902. Son but était d’exercer des pressions pour l’adoption de lois favorables aux agriculteurs. À l’assemblée inaugurale, tenue à Toronto sous sa direction, Mallory fut élu président, mais il conserva ce poste seulement un an. Bien qu’il ait été encore vigoureusement opposé aux tarifs protecteurs qui favorisaient les manufacturiers, il parut heureux de passer le flambeau à de plus jeunes militants tels James Lockie Wilson, James J. Morrison* et Ernest Charles Drury*. Âgé de plus de 60 ans, il avait probablement perdu une grande part du dynamisme qu’il avait manifesté dans les premières années des Patrons, quoique, vers 1909–1910, il ait joué un certain rôle dans la formation du Canadian Council of Agriculture, ce pour quoi le Weekly Sun de Toronto le félicita.

Au début des années 1900, Mallory n’habitait plus à Percy mais dans sa ferme natale, à l’est de Cobourg. Le 10 décembre 1902, un train frappa le traîneau dans lequel lui-même et sa femme se trouvaient. Cette dernière mourut sur le coup. Mallory subit des blessures graves mais se remit vite. Franc-maçon et membre de la congrégation unie Grafton, il passa tranquillement ses dernières années à Maple Grove, la ferme familiale, dont l’exploitation lui permit de recouvrer les pertes qu’il avait subies en militant dans les Patrons of Industry.

Au moment de la mort de Caleb Alvord Mallory en 1926, on ne se souvenait plus guère qu’il avait été une figure importante du mouvement agrarien de l’Ontario. Il semble que le Farmers’ Sun de Toronto, alors l’organe officiel des Fermiers unis de l’Ontario, ne lui rendit aucun hommage. Pourtant, il avait beaucoup contribué au populisme agrarien. Ses attaques solides contre la loyauté aveugle à tel ou tel parti, les tarifs élevés et les monopoles de même que ses appels en faveur d’un Canada plus démocratique et plus égalitaire avaient touché bon nombre de ses auditeurs ou lecteurs. En outre, les leaders agricoles ontariens qui lui succédèrent, dont Drury, Morrison et William Charles Good*, bénéficièrent tous du travail de pionnier accompli par les Patrons sous sa direction compétente, quoique parfois incohérente.

Kerry Badgley

Caleb Alvord Mallory est l’auteur de « The Patrons of Industry Order » paru dans Canada, an encyclopædia (Hopkins), 5 : 100–105.

AO, F 179 ; RG 22-191, nº 10947 ; RG 80-8-0-677, nº 29182 ; RG 80-27-2, 39 : 47–48.— BAC, MG 26, G : 3548–3551, 3561–3563 ; RG 31, C1, 1871, Hamilton Township, Ontario, div. 1 : 66.— Northumberland East Land Registry Office (Colborne, Ontario), Percy Township, deeds, 1862–1869 : 231–232 (mfm aux AO).— TRL, SC, Biog. scrapbooks, 12 : 18.— Canada Farmers’ Sun (London, Ontario ; Toronto), 7 févr., 7 mars 1893, 27 mai 1896.— Cobourg World (Cobourg, Ontario), 12 déc. 1902, 21 juin 1918, 9 déc. 1926.— London Free Press, 30 mai, 6 juin 1896.— Weekly Sun (Toronto), 17 déc. 1902.— Canadian annual rev., 1903 : 85, 442.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Farmers’ Assoc., The Farmers’ Association : grounds on which it seeks the cooperation of all farmers ([Toronto, 1903]) ; The Farmers’ Association : origin and purpose of the organization (Toronto, s.d. ; exemplaire aux AO, Pamphlet coll., s.d., F, nº 2).— From a farmer’s standpoint (s.l., 1904 ; exemplaire aux AO, Pamphlet coll., 1904, nº 25).— W. C. Good, Farmer citizen : my fifty years in the Canadian farmers’ movement (Toronto, 1958).— Patrons of Industry of North America, Grand Assoc. of Ontario, Minutes of the annual meeting (Strathroy), 1893–1895.— S. E. D. Shortt, « Social change and political crisis in rural Ontario : the Patrons of Industry, 1889–1896 », dans Oliver Mowat’s Ontario : papers presented to the Oliver Mowat colloquium, Queen’s University, November 25–26, 1970, Donald Swainson, édit. (Toronto, 1972), 211–235.— L. A. Wood, A history of farmers’ movements in Canada (Toronto, 1924 ; réimpr., introd. par F. J. K. Griezic, Toronto et Buffalo, N.Y., 1975).

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Kerry Badgley, « MALLORY, CALEB ALVORD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mallory_caleb_alvord_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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