MAISONNAT, dit Baptiste, PIERRE (habituellement désigné sous le nom de Baptiste), capitaine, corsaire, né en France en 1663 à Bergerac, fils d’Hélie Maisonnat et de Jeanne Ségure (Chignac ?), décédé après le mois d’août 1714.
Baptiste se maria plusieurs fois. Vers 1693, il est évident qu’il épousa Madeleine Bourg à Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.). Toutefois, Frontenac [Buade*] écrivait à Pontchartrain, le 2 novembre 1695, que Baptiste avait plusieurs autres femmes en France et en Hollande, et que Vaudreuil [Rigaud] en connaissait une qui vivait près du Languedoc. Au début de l’année suivante, Baptiste arriva à Port-Royal, venant de France, avec Judith Soubiron, qu’il avait épousée, semble-t-il, avant 1687. Cette dernière mourut en 1703, et, en 1707, Baptiste épousa une veuve, Marguerite Bourgeois (fille de Jacques). Ils vivaient toujours ensemble à Beaubassin le 29 août 1714.
La première fois que Robinau* de Villebon mentionne Baptiste dans ses rapports, c’est pour signaler qu’il avait fait escale à la baie de Pesmocadie le 5 janvier 1692, avec une prise qu’il menait à Port-Royal. Il y avait à l’époque un assez grand nombre de corsaires qui, comme Baptiste, avaient choisi Port-Royal et Beaubassin pour ports d’attache [V. Guion]. Ils recrutaient leurs équipages dans ces ports, parmi les jeunes Acadiens qu’attirait la double perspective d’une vie libre et d’un éventuel butin. Le clergé s’opposait à l’activité des corsaires, considérant qu’ils exerçaient une mauvaise influence sur ces jeunes gens. Sans doute Baptiste se livrait-il à des incursions le long des côtes de la Nouvelle-Angleterre depuis un certain temps, puisqu’on lui prêtait un long séjour à Boston, au cours duquel il aurait été emprisonné à deux reprises, et aussi la connaissance de Manate (New York).
Baptiste se présenta devant Villebon à son arrivée à la rivière Saint-Jean le 4 mai 1692, y arma ses deux petits vaisseaux et en repartit le 10 mai. Il était de retour dès le 22 juin après avoir capturé, en vue de Boston, un brigantin de 45 tonneaux chargé de blé et de farine. C’était au moins le neuvième navire anglais dont il s’emparait en six mois.
En octobre, Simon-Pierre Denys de Bonaventure et Pierre Le Moyne d’Iberville arrivèrent à la baie Verte avec leurs navires, le Poli et l’Envieux. Villebon alla les rejoindre et, quand ils décidèrent de rallier l’escadre de Jean Du Paty (Patés) pour faire une descente sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, il arrangea un rendez-vous avec Baptiste à Pentagouet (dans la baie Penobscot). Celui-ci devait leur servir de pilote et prendre part aux coups de main. Toutefois Maisonnat ne put être au rendez-vous, les manœuvres des Anglais à Port-Royal l’ayant empêché d’y réarmer ses navires.
En octobre 1693, Frontenac écrivit au ministre de la Marine que Baptiste irait à Paris le consulter sur des plans d’attaque contre la Nouvelle-Angleterre et Boston. L’on peut croire que cette rencontre fut un succès puisque c’est à titre de commandant de la corvette la Bonne que Baptiste retourna en Acadie en 1694. Peu après il captura cinq vaisseaux au large de la côte de la Nouvelle-Angleterre. Il continua d’attaquer sans répit les navires anglais et connut le succès jusqu’à ce qu’une frégate anglaise et un autre navire armé l’attaquent dans le port de Migascar (Musquash, N.-B.), à la fin du mois de mai 1695. Après avoir livré un long combat, il se réfugia à terre avec son équipage ; sa corvette fut saisie mais sombra en moins de 12 heures. Baptiste se rendit en France à la fin de la même année pour rendre compte à Louis XIV de la perte de son navire.
Il était avec Iberville et Bonaventure lorsqu’ils capturèrent la frégate anglaise Newport non loin de l’embouchure de la rivière Saint-Jean, le 14 juillet 1696 ; le 15 août (5 août ancien style), il prit part, à titre de pilote, à l’expédition qui s’empara du fort William Henry à Pemaquid. Baptiste était copropriétaire, avec Jean Martel, d’une concession située près du fort Naxouat (Nashwaak). Il s’y trouvait lorsque des troupes anglaises, sous le commandement du colonel John Hathorne, attaquèrent le fort le 18 octobre de la même année. Sur les ordres de Villebon, Baptiste rejoignit les Indiens et se mit à leur tête pour la durée du siège, qui fut d’ailleurs bref. En se retirant, les Anglais abandonnèrent deux petits bateaux que Baptiste dirigea aux Mines (Grand-Pré, N.-É.) où il les arma, y recrutant aussi des équipages dans le but d’effectuer une descente sur la côte de la Nouvelle-Angleterre. Il captura six bateaux de pêche au sud de la baie de Casco, en mars 1697. Il revint aux Mines chercher des approvisionnements et reprit la mer le 17 mai. Cette fois, il fut pris et amené à Boston où on le garda prisonnier pendant un certain temps, même après qu’on eut reçu la nouvelle de la signature du traité de Ryswick. Dans une lettre adressée au comte de Bellomont, datée du 8 juin 1698, Frontenac exige la libération de Baptiste et, le 21 juin, Villebon annonce qu’il est de retour à la rivière Saint-Jean. Quelques années plus tard, Baptiste et Martel se séparèrent.
Une clause du traité interdisait aux pêcheurs anglais de faire la pêche au large des côtes de l’Acadie. Il se peut que Baptiste ait été chargé de capturer ceux qui ne tenaient pas compte de cette interdiction. En tout cas, on le retrouve prisonnier à Boston en 1702 : le conseil du Massachusetts menace de le pendre comme pirate, parce qu’il a été capturé en temps de paix. On le garde dans une réclusion rigoureuse jusqu’en 1706 : il est alors échangé contre un prisonnier anglais, le révérend John Williams, capturé au cours d’une descente perpétrée par des Français et des Indiens à Deerfield (Massachusetts) en 1704.
Baptiste revint en Acadie et s’établit à Beaubassin. Par la suite il fut nommé capitaine de port et navigua le long de la côte entre Port-Royal et Plaisance (Placentia). L’on sait qu’en 1709 et 1711 il participa à l’armement de navires corsaires à Plaisance et qu’en 1714 il donna son avis au sujet de l’emplacement d’une place-forte à l’île Royale (île du Cap-Breton).
AN, Col., C11D, 5 ; Section Outre-Mer, G1, 466 (Recensements de l’Acadie, 1693, 1700) ; Section Outre-Mer, G3, cartons 2 053, 2 054. — Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., II : 108, 147s., 151–153, 159, 163, 173, 202, 244, 246, 298, 395, 432, 436, 453, 454. — Correspondance de Frontenac (1689–1699), RAPQ, 1927–28 : 156, 191. — NYCD (O’Callaghan et Fernow), IV, IX. — Webster, Acadia, 35s., 38, 39, 42–46, 53, 54, 56, 57, 70, 75, 78, 92, 94, 100–103, 111, 112, 114, 144, 148, 154, 160–162. — Bernard, Le drame acadien, 189, 194, 220, 237. — Casgrain, Les Sulpiciens en Acadie. — Coleman, New England captives. — Murdoch, History of Nova-Scotia, I : 210, 215, 230, 232, 233, 255, 279. — R. Roy, Le flibustier Baptiste, BRH, V (1899) : 8–17 ; BRH, III (1897) : 112 ; VI (1900) : 121–123. — [French Canadian and Acadian Geneal. Rev. (Québec), I (1968) : 251–256.]
W. Austin Squires, « MAISONNAT, dit Baptiste, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/maisonnat_pierre_2F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
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