MACKENZIE, JOHN JOSEPH, scientifique, fonctionnaire, professeur et officier, né le 24 mars 1865 à St Thomas, Haut-Canada, fils de Donald Kennedy Mackenzie, marchand, et de Mary McAdam ; le 2 juin 1892, il épousa à Toronto Agnes Kathleen Rogers, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 1er août 1922 à Gravenhurst, Ontario.
D’ascendance écossaise, John Joseph Mackenzie fréquenta le St Thomas Collegiate Institute. Grâce à de « grands sacrifices » de son père, il entra en 1882 au University College de Toronto, où il tomba bientôt « sous le charme » de la science en suivant les cours de biologie de Robert Ramsay Wright*. Il fut l’un des premiers, en 1886, à obtenir le diplôme du programme spécialisé en sciences naturelles instauré par Wright à la University of Toronto. Son intention était de faire carrière dans ce domaine, même si, à l’époque, le « point de vue scientifique ne prévalait pas encore ».
Sur l’avis du professeur Archibald Byron Macallum*, Mackenzie alla se perfectionner en Allemagne. Il étudia la physiologie à l’université de Leipzig et la bactériologie à l’université de Berlin. Comme la recherche en biologie était peu subventionnée en Ontario, il suivit également des cours d’anatomie à Leipzig en vue d’obtenir un diplôme de médecine, car ses maîtres torontois lui avaient vivement conseillé de « se préparer aussi à une autre carrière ». Étant donné ses travaux ultérieurs, il vaut la peine de souligner ses études en biologie à Berlin, et particulièrement ses recherches en bactériologie à l’Institut Koch. En Europe, il acquit aussi une solide maîtrise du français et de l’allemand, ce qui, selon Robert Ramsay Wright, lui permit d’avoir de « vastes connaissances en pathologie moderne ».
De retour à Toronto en 1888, Mackenzie étudia la biologie à l’université durant deux autres années grâce à une bourse, après quoi il dut affronter la dure réalité : pour un chercheur, gagner sa vie était difficile. Sa femme, Agnes Kathleen Rogers, écrirait par la suite que, nullement intéressé à pratiquer la médecine mais « désireux de se marier », il fut « forcé » d’accepter en 1890 un poste dans la fonction publique ontarienne, celui de premier bactériologiste du Bureau de santé provincial [V. John Joseph Cassidy*]. C’est ainsi qu’il s’intégra à un petit groupe de réformateurs de l’hygiène publique qui, armés du microscope et de la théorie microbienne de la maladie, se battraient durant des décennies contre l’indifférence des milieux politiques et de la population. Le laboratoire de Mackenzie – le deuxième du genre au Canada, le premier ayant ouvert ses portes dans la province de Québec en 1887 [V. Wyatt Galt Johnston*] – se trouvait rue Yonge, dans les locaux du Bureau de santé, au-dessus d’un magasin. En 1893, on l’installa à l’université. Des crédits affectés à la recherche sur les maladies animales par le département de l’Agriculture en finançaient le fonctionnement. Mackenzie noterait un jour, avec une irritation évidente, qu’il était « plus aisé de faire adopter des lois en vue de dépenser de l’argent pour l’élevage que pour la protection de la vie humaine ».
Mackenzie avait une tâche énorme. Dès 1897, il tentait, selon le secrétaire du Bureau de santé, Peter Henderson Bryce*, d’accomplir « le travail relatif à la quasi-totalité des 800 municipalités d’une province de 2 250 000 [habitants] ». Le laboratoire ne put donc « réaliser plus qu’une minuscule portion des opérations courantes » nécessitées, cette année-là, par 10 000 cas de diphtérie, au moins 5 000 cas de tuberculose et 1 432 cas de typhoïde. Mackenzie était débordé : il faisait presque tout, depuis la préparation des milieux et des solutions pour les cultures jusqu’à l’examen de milliers de spécimens au microscope. Cette besogne extrêmement répétitive ne l’empêcha pourtant pas d’instaurer de nombreuses pratiques, entre autres des prélèvements pour la diphtérie et des tests de tuberculine pour le bétail. De plus, d’autres laboratoires gouvernementaux d’Amérique du Nord suivirent son exemple en procédant systématiquement à des examens bactériologiques et chimiques de prélèvements humains et d’échantillons d’eaux municipales en vue d’y déceler des signes de tuberculose et de typhoïde.
Malgré la monotonie, Mackenzie conservait sa curiosité de scientifique, ce qui donnait parfois des résultats impressionnants. Par exemple, il fut l’un des premiers à observer, en 1894, l’effet dégénératif de la rage sur le tissu des cellules nerveuses : « J’ai vu les structures appelées par la suite “corps de Negri” dans le cerveau de lapins en train de mourir de la rage, chez des chiens et dans le cerveau d’un enfant mort de la rage à Hamilton. » Dans son laboratoire, il étudiait aussi des micro-organismes infectieux, particulièrement ceux qui causent la diphtérie. Toutefois, il ne se contentait pas de faire de la recherche. Adepte de l’utilisation de l’antitoxine de la diphtérie, il en importa un lot de l’Institut Pasteur de Paris en 1895 pour le faire distribuer aux médecins qui traitaient des enfants. Ce geste, rappelait sa femme, « lui valut certaines injures » de la part de gens qui désapprouvaient l’usage de produits biologiques animaux sur des humains.
L’« insatisfaction grandissante » que Mackenzie éprouvait à l’égard de son emploi le ramena peu à peu à l’université. Tout en travaillant au laboratoire, il enseignait au Royal College of Dental Surgeons of Ontario et à la faculté de médecine, et il étudiait la médecine le soir. En 1899, l’université lui décerna une licence en médecine. Le 23 juillet 1900, il quitta la fonction publique provinciale et s’intégra à la faculté en tant que professeur de pathologie et de bactériologie. Sa carrière de chercheur prit un nouvel essor. Son objectif était simple – « jeter un pont entre la clinique et le laboratoire grâce à la pathologie » – et il croyait fermement à la recherche en milieu hospitalier. Comme il le dit un jour dans une allocution, il envisageait « les phénomènes de la maladie du point de vue plus vaste de la biologie, par contraste avec les plus anciennes méthodes qui les examinaient du point de vue étroit de l’anatomie humaine pathologique ». Élu en 1909 membre de la Société royale du Canada et président du Canadian Institute, il appartint à de nombreux organismes scientifiques, entre autres la Canadian Public Health Association, l’American Association of Pathologists and Bacteriologists et la Pathological Society of Great Britain and Ireland. De 1912 à 1916, avec son collègue Thomas Gregor Brodie, il étudia la physiologie et l’histologie du rein ; une partie de leurs travaux parut dans les Proceedings de la Royal Society of London. En tout, il publia plus de 30 communications sur ses recherches. Mackenzie était une sommité. D’un naturel plutôt réservé, il était d’une taille impressionnante (six pieds, six pouces). Ceux qui le connaissaient retenaient aussi sa « personnalité charmante », sa « vaste culture » et sa passion pour le golf et les voyages.
John Joseph Mackenzie s’enrôla pendant la Première Guerre mondiale et fut affecté à l’Hôpital général canadien no 4, où il devint capitaine en avril 1915 et directeur du laboratoire. Doté en grande partie avec du personnel de l’université et des hôpitaux de Toronto, l’unité s’en alla outre-mer le mois suivant. De novembre 1915 à août 1916, Mackenzie œuvra à l’hôpital à Thessalonique, en Grèce, où ses travaux sur la dysenterie aiguë permirent d’améliorer le traitement. Exposé à des conditions difficiles, il contracta une infection cardiaque dont il continua de souffrir après avoir repris l’enseignement à Toronto. Il mourut en 1922 dans la région de Muskoka, où sa femme et lui passaient l’été, et fut inhumé au Lakeview Cemetery de Gravenhurst.
Les publications de John Joseph Mackenzie comprennent : « A preliminary list of algae collected in the neighbourhood of Toronto », Canadian Institute, Proc. (Toronto), 7 (1889–1890) : 270–274 ; « A case of acute phlegmonous gastritis », Canada Lancet (Toronto), 40 (1906–1907) : 491–494 ; « Ultramicroscopic organisms » et « Presidential address : human evolution and human disease », Canadian Institute, Trans., 8 (1904–1909) : 53–62 et 535–547 ; et « Chairman’s address », Public Health Journal (Toronto), 10 (1919) : 265–269. Un rapport sur ses recherches avec T. G. Brodie figure sous le titre « On changes in the glomerules and tubules of the kidney accompanying activity », dans Royal Soc. of London, Proc., ser. B, 87 (1914) : 593–609. On trouve le meilleur résumé du travail annuel de Mackenzie pour le Bureau de santé provincial dans son « Report of the laboratory work for the board for 1899 » paru dans l’Annual report (Toronto) du Bureau de santé, 1899 : 29–32 (aussi publié dans Ontario, Legislature, Sessional papers, 1900, nº 32).
Les lettres que Mackenzie a écrites pendant la guerre ont paru à titre posthume sous le titre Number 4 Canadian Hospital : the letters of Professor J. J. Mackenzie from the Salonika front, with a memoir by his wife, Kathleen Cuffe Mackenzie (Toronto, 1933).
AO, RG 22-305, nº 45752 ; RG 80-5-0-201, nº 14508.— Univ. of Toronto Arch., A73-0026/279(70).— P. A. Bator et A. J. Rhodes, Within reach of everyone : a history of the University School of Hygiene and the Connaught Laboratories (1 vol. paru, Ottawa, 1990– ).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— A. B. Macallum, « J. J. Mackenzie – an appreciation », Univ. of Toronto Monthly, 23 (1922–1923) : 8.— J. W. S. McCullough, « Early history of public health in Upper and Lower Canada », Canadian Journal of Medicine and Surgery (Toronto), 51 (janv.–juin 1922) : 60–84.— Ontario, Bureau de santé provincial, Annual report, 1890–1900.— SRC, Mémoires, 3e sér., 17 (1923), proc. : iv–vii.
Paul Adolphus Bator, « MACKENZIE, JOHN JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/mackenzie_john_joseph_15F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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