Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3192000
LYNCH, JOHN JOSEPH, prêtre, lazariste et archevêque, né le 6 février 1816, probablement dans le comté de Fermanagh (district de Fermanagh, Irlande du Nord), fils de James Lynch et d’Ann Connolly, décédé le 12 mai 1888 à Toronto.
Suivant la croyance commune, John Joseph Lynch aurait vu le jour à Clones (République d’Irlande), mais il naquit probablement dans le comté de Fermanagh, situé tout près. Il fit ses premières études à Lucan, dans le comté de Dublin, puis fréquenta l’Academy of St Joseph à Clondalkin et, en 1835, le St Vincent’s College des lazaristes à Castleknock. Il entra en 1837 au séminaire Saint-Lazare à Paris et, quatre ans plus tard, il prononça ses vœux dans la Compagnie des prêtres de la Mission (dont les membres étaient également appelés lazaristes ou pères de Saint-Vincent). Étant entré dans une société missionnaire, Lynch s’attendait à être affecté outre-mer ; il ne manqua pas d’être déçu lorsqu’on l’envoya travailler dans son pays natal. Il retourna donc en Irlande où il fut ordonné prêtre à Maynooth, dans le comté de Kildare, en juin 1843. Sa déception première s’effaça lorsque, en 1846, après avoir travaillé trois ans au St Vincent’s College et, en tant que missionnaire, dans diverses régions de l’Irlande, il fut envoyé au Texas.
Lynch œuvra comme prédicateur itinérant dans cet état pendant la guerre américano-mexicaine (1846–1848). Malheureusement, au cours d’une tournée dans les états du Sud, il contracta la fièvre typhoïde et ne se remit pas complètement ; il fut donc envoyé dans l’un des établissements lazaristes, St Mary’s of the Barrens, situé à Perryville dans le Missouri. Après une courte convalescence, on le nomma supérieur de ce séminaire en 1848, poste qu’il occupa jusqu’en 1856. Il assuma par la suite une tâche qui lui tenait à cœur, la fondation d’un séminaire pour sa congrégation à Niagara Falls, New York. Lorsqu’on eut fait l’acquisition des terres et des fonds nécessaires au projet, il fonda le séminaire Our Lady of Angels (qui devint plus tard la Niagara University).
Au milieu des années 1850, le deuxième évêque de Toronto, Armand-François-Marie de Charbonnel*, promoteur énergique de l’expansion de l’Église catholique, voulut se libérer de sa charge épiscopale. On proposa Lynch comme successeur possible, et celui-ci fut invité à venir à Toronto en 1858 pour prêcher une mission durant l’été et, selon toute apparence, pour qu’on puisse le connaître de plus près. Ce qui plut à Charbonnel chez Lynch, en plus de ses talents d’administrateur et de prédicateur, ce fut son origine irlandaise, élément non négligeable, si l’on considère la composition ethnique de la population catholique de Toronto à cette époque. Lynch fut sacré évêque coadjuteur le 20 novembre 1859, avec droit de succession. Charbonnel obtint l’année suivante d’être déchargé de ses responsabilités afin de mener une vie monacale en France ; le 26 avril 1860, Lynch devint le troisième évêque de Toronto.
La situation dont héritait Lynch était encourageante. Sur les 45 000 personnes habitant Toronto, 12 000, pour la plupart Irlandais de naissance, étaient catholiques, nombre à peine inférieur à celui des fidèles de l’Église d’Angleterre. Fait encore plus positif, la population catholique augmentait à un rythme supérieur à celui de la population en général. Grâce en partie aux efforts de son prédécesseur, les écoles catholiques « séparées » (financées par des subventions gouvernementales et les taxes payées par les fidèles) étaient bien établies juridiquement, notamment par une loi qui avait été votée par le gouvernement de sir Allan Napier MacNab* et d’Étienne-Paschal Taché* en 1855, connue sous le nom de loi Taché. Charbonnel avait en outre veillé à la fondation du St Michael’s College sous la direction du basilien Jean-Mathieu Soulerin* et avait fait venir les Frères des écoles chrétiennes et les Sœurs de Saint-Joseph pour enseigner dans les écoles séparées.
Mais il existait tout de même certains problèmes. La croissance apparemment marquée du catholicisme et de ses institutions dans les années 1850 avait suscité une réaction de la part des protestants ; des propos durs, une atmosphère politique âpre et des luttes sanglantes caractérisèrent également cette décennie. L’expansion du catholicisme avait aussi diminué les ressources de l’Église dans le Haut-Canada, d’où il en résultait qu’en 1859 le diocèse de Toronto, qui comprenait les comtés d’Ontario, Peel, Simcoe, York, Lincoln et Welland, ne comptait que 43 églises et environ 36 prêtres. Ainsi, même si les perspectives d’avenir étaient bonnes, Mgr Lynch, qui avait la tête sur les épaules, savait que cela n’irait pas tout seul dans le futur.
La force croissante du catholicisme irlandais, comme aussi de la réaction protestante, obligea Lynch à s’engager sur la scène publique dans les années qui suivirent ; cette situation constitua aussi une des raisons de sa nomination au poste d’évêque assistant au trône pontifical en 1862 et de son élévation au rang de premier archevêque de Toronto le 15 mars 1870, au moment où il participait au concile du Vatican à Rome. (Par suite de la nomination de Lynch, Toronto devenait siège métropolitain, réunissant les évêques suffragants des diocèses de Kingston, de Hamilton et de London.) Egerton Ryerson consulta ainsi Lynch au sujet du projet de loi sur les écoles séparées présenté par Richard William Scott* en 1863 et qui, dans sa forme définitive, comblait certaines lacunes de la loi Taché. Lynch endossa le nouveau projet de loi et se déclara « très satisfait » lors de son adoption ; mais, à l’approche de la confédération, il aspira à de nouveaux arrangements touchant les écoles séparées en Ontario. La loi Scott servit cependant de base au système des écoles séparées de la province. Les consultations entre Lynch et Ryerson conduisirent également à la nomination de l’archevêque au conseil de l’Instruction publique, suivant la recommandation de Ryerson.
Après 1867, Lynch essaya simplement d’obtenir de meilleures conditions pour les écoles séparées, mais il ne s’y employa pas de façon aussi agressive que l’avait fait Charbonnel. Il aurait préféré l’établissement d’écoles secondaires et d’écoles normales séparées en Ontario, mais il se rendait compte que les contribuables catholiques, dont un grand nombre appartenaient à la classe ouvrière, ne pourraient supporter un fardeau additionnel. Quoi qu’il en soit, dans son optique traditionaliste, l’éducation de niveau secondaire pourrait faire naître chez les étudiants des attentes dépassant ce que la société pouvait offrir. Mgr Lynch fut donc satisfait des amendements mineurs apportés aux lois scolaires en 1877, 1879 et 1886, qui facilitèrent la répartition des taxes provenant des contribuables catholiques pour le soutien financier des écoles séparées et augmentèrent les pouvoirs d’emprunt des administrateurs de ces écoles. En raison de son évidente satisfaction et de ses relations amicales avec Oliver Mowat*, premier ministre libéral d’Ontario après 1872, Lynch fut l’objet de critiques de la part de ses collègues catholiques, dont les évêques James Vincent Cleary*, du diocèse de Kingston, et John Walsh*, du diocèse de London, qui désiraient une prise de position plus énergique en vue d’obtenir des concessions concernant les écoles séparées. Son manque de détermination venait du fait qu’il comprenait que, dans une province fortement protestante, aucun gouvernement n’oserait manifester une générosité excessive envers les catholiques. En outre, il devait probablement douter du bien-fondé d’un retour aux échanges passionnés et souvent stériles des années 1850. Enfin, il reconnaissait que les écoles séparées, quelles que soient leurs garanties constitutionnelles, n’existaient que grâce à la tolérance des protestants et, après 1867, sans le soutien que la majorité catholique de la province de Québec leur avait accordé sous l’Union. Le pourcentage de la population catholique à Toronto diminua graduellement durant les décennies 1870 et 1880 : les catholiques ne représentaient plus en 1881 que 19 p. cent de la population totale ; ils étaient surpassés en nombre non seulement par les anglicans mais également par les méthodistes. L’archevêque se montrait prudent ; sa préoccupation majeure consisterait à assurer une croissance modérée et non à rechercher résolument une victoire complète.
En dépit de sa prudence, Lynch fut entraîné dans des querelles tant avec les catholiques qu’avec les protestants. En mars 1876, des membres du « parti laïque » du Toronto Separate School Board, dont son président, Remigius Elmsley, commencèrent à réclamer de l’archevêque un rapport sur la gestion des propriétés scolaires assurée par la corporation épiscopale ; ils furent appuyés dans leurs efforts par l’Irish Canadian dirigé par Patrick Boyle*. Cette attaque fut suivie par des demandes en 1879, 1882 et 1887–1888 pour remplacer le vote découvert par un scrutin secret lors de l’élection du conseil des écoles séparées. En sa double qualité d’archevêque et de surintendant des écoles séparées, Lynch combattit les contestataires. Sa position inflexible et traditionaliste n’était pas inspirée uniquement par le désir de demeurer le chef incontesté des catholiques de Toronto ; il craignait fort que la division à l’intérieur du catholicisme ne prête le flanc à une attaque réussie des protestants, ce qui pourrait compromettre l’existence des écoles séparées. Il considérait par conséquent les mécontents comme plus que malfaisants ; ils étaient pervers. Il utilisa à chaque fois toutes les armes en sa possession – sa situation, des sermons, des lettres et le refus d’accorder l’absolution – pour combattre les éléments rebelles dans le parti laïque.
Ces querelles incitèrent les protestants à entrer dans la mêlée, particulièrement sur la question du scrutin secret. L’intervention de militants protestants tels que le député conservateur de Toronto West à l’Assemblée législative de 1875 à 1879, Robert Bell, était motivée en partie par le désir d’amener un dénouement qui entraînerait la chute d’Oliver Mowat, lequel, selon eux, avait des liens étroits avec l’archevêque Lynch, s’il n’était pas sous sa gouverne. Aussi, lorsqu’en 1882 le leader catholique proposa qu’on retranche des sujets d’examen de fin d’études le poème de sir Walter Scott intitulé Marmion, soutenant qu’il était injurieux à l’endroit des catholiques, et que le ministre de l’Éducation, Adam Crooks, accéda à cette demande, les conservateurs provinciaux et le Mail crièrent tout de suite à la domination papiste. En 1884–1885, Lynch fut mis au courant des extraits de la Bible choisis par le ministre de l’Éducation, George William Ross*, qui devaient être utilisés dans les écoles publiques ; ses suggestions d’ordre rédactionnel et administratif furent acceptées. Les conservateurs dirigés par William Ralph Meredith* relevèrent ce fait, notamment au cours de la campagne électorale provinciale de 1886. Mgr Lynch se trouva encore une fois au centre de la tourmente, à cause principalement de son souci concernant les enfants catholiques qui fréquentaient les écoles publiques. L’archevêque aurait préféré ne pas être entraîné dans le débat politique et travailler en paix avec Mowat, homme qu’il admirait et qui avait sans doute sa faveur, compte tenu surtout du comportement des conservateurs provinciaux pendant les dernières années de son épiscopat. Le fait que l’archevêque appuyait Mowat dut avoir une influence sur l’électorat catholique de la province.
Lynch surveilla également de près d’autres questions d’ordre politique, réclamant par exemple des postes de « patronage » pour les catholiques irlandais au niveau fédéral et provincial, exhortant John Alexander Macdonald* à songer aux catholiques comme candidats politiques et comme sénateurs en mars 1867, discutant également avec George Brown* de « l’opportunité de faire entrer un catholique irlandais dans le nouveau cabinet libéral » qu’Edward Blake* était en train de former en 1871 et dénonçant enfin devant le successeur de Blake, Mowat, l’adoption possible d’un projet de loi visant à constituer juridiquement l’ordre d’Orange en 1873. Les relations de Lynch avec les conservateurs fédéraux ne furent jamais aussi suivies et fidèles qu’avec les libéraux ontariens ; Macdonald rechercha néanmoins activement son appui à plusieurs occasions et obtint des réponses prudentes mais favorables.
L’activité politique de l’archevêque découlait de son souci du bien-être de son Église et des gens de sa race. Catholiques et protestants assistaient en grand nombre à ses nombreuses conférences sur la doctrine et les croyances catholiques. Peu après son retour de Rome en 1870, il parla du concile du Vatican et de l’appui qu’il avait donné au dogme de l’infaillibilité du pape au cours des assemblées du concile. Administrateur capable mais quelque peu autocratique, il surveilla de près l’expansion rapide de son diocèse. Pendant son archiépiscopat, 70 prêtres furent ordonnés ; deux prêtres du diocèse, Jean-François Jamot et John Walsh, devinrent évêques ; 40 églises, 30 presbytères et sept couvents furent par ailleurs construits. Lynch convoqua des synodes diocésains en 1863 et 1882, ainsi qu’un concile provincial en 1875 qui adopta des décrets concernant les dévotions, l’administration et les finances. L’archevêque prit de plus de nouvelles orientations concernant le développement des organismes charitables : il agrandit la House of Providence, fonda le St Nicholas Home for Working Boys, le Sunnyside Orphanage pour garçons et le Notre Dame Institute, pensionnat pour les femmes sur le marché du travail et les étudiantes fréquentant la Toronto Normal School ; les Sœurs de Saint-Joseph dirigeaient tous ces établissements. En encourageant ces nouvelles réalisations, l’archevêque non seulement montrait son souci du bien spirituel de ses ouailles, mais prouvait aussi qu’il était sensible aux problèmes sociaux croissants qui accompagnaient le développement urbain de Toronto.
L’archevêque Lynch s’intéressait vivement à l’Irlande, préconisant l’autonomie politique de son pays d’origine, soutenant qu’en Amérique du Nord les Irlandais s’étaient montrés des citoyens particulièrement responsables. Mais ses compatriotes représentaient plus que cela à ses yeux : ils étaient un peuple choisi destiné à préserver et à répandre la vraie foi partout dans le monde. En raison de cette destinée providentielle, il désirait vivement que les Irlandais fussent bien considérés de tous ; il ne connaissait néanmoins que trop bien les stéréotypes guère flatteurs qui circulaient en Ontario. Un Irlandais qui avait commis un méfait deux fois moindre que celui commis par un autre était blâmé doublement. Ainsi, bien qu’il ne fût pas lui-même abstème, il exhorta les Irlandais à la tempérance, croyant que, sous l’influence de l’alcool, « l’Irlandais perd[ait] davantage la tête que les hommes de tempérament différent, plus calme ». Il invita les travailleurs à ramener les victimes de l’alcool dans le droit chemin. L’expérience de Lynch au Texas et au Canada l’avait convaincu qu’on devait décourager les immigrants irlandais de s’établir dans des endroits où le clergé catholique n’était pas en nombre suffisant. L’émigration massive, disait-il, faisait perdre fréquemment la foi à ses compatriotes. Il fit part de ces préoccupations tout au long de sa carrière, envoyant des lettres ouvertes au clergé d’Irlande en 1865 et 1883 et luttant avec vigueur pour la protection des écoles séparées en Ontario.
Lynch, qui n’avait jamais été robuste, tomba malade en 1882 et obtint l’aide de Timothy O’Mahony comme évêque auxiliaire. Il demeura toutefois jusqu’à la fin un défenseur de son Église et de son peuple. En 1884, lorsqu’il célébra son jubilé épiscopal, des personnalités publiques et ecclésiastiques éminentes louèrent les réalisations des 25 dernières années. Preuve de son désintéressement, il laissa en mourant des biens évalués à moins de $500.
John Joseph Lynch est l’auteur de plusieurs lettres pastorales qui ont été publiées et de Questions and objections concerning Catholic doctrine and practice : answered by John Joseph Lynch, archbishop of Toronto (Toronto, 1877). G. J. Stortz a édité une lettre de Lynch, « Archbishop Lynch and the Knights of Labor », dans Committee on Canadian Labour Hist., Bull. (Halifax), 6 (automne 1978) : 2s.
APC, MG 26, A, 228.— Arch. of the Archdiocese of Toronto, Lynch papers.— Globe, avril–mai 1888.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose), I : 691s.— Dent, Canadian portrait gallery, I : 141–145.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), II : 245–248.— Daniel Conner, « The Irish-Canadian : image and self-image, 1847–1870 » (thèse de m.a., Univ. of British Columbia, Vancouver, 1976).— Jubilee volume, 1842–1892 : archdiocese of Toronto and Archbishop Walsh, [J. R. Teefy, édit.] (Toronto, 1892).— H. C. McKeown, The life and labors of Most Rev. John Joseph Lynch, D.D., Cong. Miss., first archbishop of Toronto (Montréal et Toronto, 1886).— J. S. Moir, Church and state in Canada West : three studies in the relation of denominationalism and nationalism, 1841–1867 (Toronto, 1959).— F. A. Walker, Catholic education and politics in Ontario : a documentary study ([Don Mills, Ontario], 1964 ; réimpr., Toronto, 1976) ; Catholic education and politics in Upper Canada : a study of the documentation relative to the origin of Catholic elementary schools in the Ontario school system (Toronto et Vancouver, 1955 ; réimpr., Toronto, 1976).
Charles W. Humphries, « LYNCH, JOHN JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lynch_john_joseph_11F.html.
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Auteur de l'article: | Charles W. Humphries |
Titre de l'article: | LYNCH, JOHN JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |