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LOSSING, PETER, colonisateur, chef religieux quaker et arpenteur, né le 11 octobre 1761 dans le comté de Dutchess, New York, fils de Nicholas Lossing et de Christina Woolweaver ; le 15 octobre 1781, il épousa Hannah Brill, et ils eurent quatre fils et au moins deux filles, puis, entre 1799 et 1806, Catherine Delong (dont le nom de femme mariée était probablement Vanderburg), et de ce mariage naquit une fille ; décédé le 23 avril 1833 dans le canton de Norwich, Haut-Canada.
Les ancêtres de Peter Lossing étaient hollandais et avaient immigré dans la colonie de New York au milieu du xviie siècle ; deux siècles plus tard, un de ses neveux, Benson John Lossing, allait être un historien américain bien connu. Lossing lui-même était probablement fermier et meunier dans l’état de New York ; en outre, il était membre de l’Oswego Monthly Meeting de la Société des Amis. En 1806, cet organisme l’expulsa parce qu’il avait « été négligent dans [sa] présence aux réunions et a[vait] épousé une femme qui n’appart[enait] pas au groupe des amis, après s’être rendu coupable de fornication avec elle ». Ce n’est qu’en 1810, à la veille de son départ pour le Haut-Canada, que Lossing reconnut ses erreurs et demanda avec succès d’être admis de nouveau dans la société.
Lossing avait décidé de s’installer dans le Haut-Canada pour satisfaire son ambition de fonder un établissement agricole. Comme il était alors impossible d’obtenir de grandes terres à bas prix dans l’état de New York, lui-même et son beau-frère Peter Delong avaient pensé pouvoir réaliser leur projet dans cette province. En 1809, Thomas Dorland, un de ses parents qui habitait le Haut-Canada, plus précisément dans le canton d’Adolphustown, leur ménagea une entrevue avec William Chewett* et Thomas Ridout, du bureau de l’arpenteur général. L’idée d’un grand établissement agricole plut au gouvernement et même le lieutenant-gouverneur Francis Gore* en discuta avec Lossing et Delong.
Les deux entrepreneurs rencontrèrent ensuite William Willcocks*. En 1800, le gouvernement avait vendu de vastes terres dans les cantons de Norwich et de Dereham (canton de Southwest Oxford) afin d’aider à financer la construction d’une route reliant York (Toronto) à l’embouchure de la rivière Trent [V. Asa Danforth]. Willcocks était l’un des acheteurs, au nombre desquels on retrouvait aussi Peter Russell*, Robert Hamilton*, ainsi que les pasteurs Edmund Burke* et Robert Addison. Dès 1809, Willcocks, endetté, était impatient de vendre une partie de ses propriétés. En juin 1810, Lossing et Delong acceptèrent de lui acheter, dans le canton de Norwich, 15 000 acres pour la somme de £1 875, qu’ils lui paieraient au fil des années, à mesure que des colons viendraient et achèteraient des lots. Une fois cette entente conclue, Lossing et son beau-frère retournèrent chez eux et convainquirent plusieurs personnes, des quakers pour la plupart, d’immigrer dans le Haut-Canada. Les premiers colons arrivèrent dans le canton de Norwich à la fin de 1810 avec Lossing et sa famille ; pendant deux ans, ce mouvement de population s’intensifia considérablement. Pendant la guerre de 1812, Norwich échappa à la dévastation que des partis de maraudeurs dirigés par des hommes comme Joseph Willcocks* et Andrew Westbrook infligèrent aux villages voisins. Après la guerre, surtout pendant les années 1820, l’établissement fondé par Lossing prospéra.
Pendant quelques années, Lossing exerça son leadership sur les colons. Des offices religieux quakers se tinrent chez lui à compter de 1811 et une école y fut ouverte en 1813. Par la suite, il fit don d’un terrain pour la construction d’un temple. Il fit également office d’arpenteur. Le canton de Norwich avait été arpenté dans les années 1790, d’abord par Augustus Jones* puis par William Hambly, mais ils avaient procédé si rapidement que dès 1811 on eut besoin de levés plus complets. Le gouvernement n’ayant personne à affecter à ce travail, Lossing se porta volontaire. Il n’avait pour cela aucune formation, mais il réalisa l’arpentage du canton avec un assistant qu’il avait fait venir des États-Unis et régla en même temps les problèmes créés par les levés originaux.
Très perspicace, Lossing savait combien il importait d’afficher sa loyauté envers la couronne. Dès son installation dans la province, il révéla à Gore son aversion pour le gouvernement américain « attrayant en théorie, mais incommode et souvent divisé en pratique », et lui rapporta avec satisfaction que des habitants du district de London, d’abord mal disposés envers le gouvernement du Haut-Canada, découvraient que « leurs craintes étaient illusoires, et leurs griefs pour la plupart imaginaires ». En tant que colon loyal et colonisateur ayant à son actif des réalisations concrètes, il fut en mesure de nouer des liens étroits avec les autorités, notamment avec les lieutenants-gouverneurs en poste jusqu’à l’époque de sir John Colborne*. Il proposa souvent des mesures susceptibles d’améliorer le climat moral et économique de la province. Dès le début, on le consulta sur l’admissibilité des personnes qui demandaient à louer des terres dans les réserves du clergé et de la couronne et, dans la plupart des cas, il aidait à rédiger les demandes. Il prévenait aussi le gouvernement lorsqu’il y avait des squatters ou des voleurs de bois sur les terres de la couronne dans le canton de Norwich. En 1830, sa maison accueillit le premier bureau de poste du canton.
Lossing travailla sans relâche à promouvoir la croissance économique du canton de Norwich et des environs. Il convainquit un meunier de venir s’installer dans le canton et l’aida à lancer son entreprise. Quand un promoteur de l’endroit, Hugh Webster, exprima le désir de créer de petites propriétés pour les pauvres qui ne pouvaient pas s’en offrir de grandes, Lossing obtint la location d’un lot dans une réserve du clergé. Il encouragea sans relâche les projets visant à améliorer la navigation sur le ruisseau Otter, qui traversait son canton, et sur la rivière Grand. En le présentant à William Warren Baldwin*, agent de Maria Willcocks, Lossing permit à l’industriel George Tillson* d’acquérir dans le canton de Dereham des terres où construire une fonderie de fer.
Néanmoins, Lossing ne perdait jamais de vue ses propres intérêts, et il lui arrivait d’abuser de la confiance que lui accordaient les autres colons et le gouvernement. Lorsqu’il avait arpenté le canton de Norwich, il avait résolu les problèmes causés par les erreurs passées en créant une enclave triangulaire adjacente à sa terre. Cette enclave barrait l’accès à la route qui longeait le rang 3. Il tenta d’obtenir que cette enclave soit déclarée terre de la couronne afin de l’acheter et de l’annexer à sa ferme. Lorsque quelques colons protestèrent auprès du gouvernement, il profita de ses relations à York pour minimiser l’opposition à son projet et l’ampleur des travaux que d’autres avaient réalisés dans l’enclave. Une longue lutte s’ensuivit qui ne se termina qu’en 1835, soit deux ans après sa mort. Les lots dans le rang 1 et le rang 2 furent alors agrandis et l’enclave y fut intégrée.
Ardent partisan de la tempérance, Peter Lossing critiqua dès 1819 la « multiplication inutile des débits de boisson » dans la province. En politique, il était du côté des réformistes, surtout parce que ceux-ci, et particulièrement Charles Duncombe*, prônaient la tempérance et l’amélioration de l’éducation. Mais son fils aîné ne se montra pas un réformiste aussi modéré que lui. En effet, après sa mort, Solomon Lossing prit sa succession comme porte-parole de la communauté quaker du canton de Norwich et, en 1837, il recruta des hommes qui se joignirent au soulèvement mené par Duncombe.
Carson D. Bushell de Simcoe, Ontario, a gracieusement fourni des données généalogiques sur la famille Lossing. [r. j. s.]
AO, Hist. plaque descriptions, « Historical plaque to be unveiled at Norwich », 26 juin 1964 ; RG 1, A-I-6 : 4646–4648, 6573, 6655–6656, 9394–9396, 9437–9438, 9975–9976 ; C-IV, Norwich Township.— APC, RG 1, L3, 287a : L12/2 ; 289 : L13/155 ; 290 : L14/113 ; 305 : L leases, 1801–1836/50 ; RG 5, A1 : 4128–4131, 5192–5193, 20230–20233.— Norwich and District Museum (Norwich, Ontario), Norwich Pioneer and Hist. Soc., geneal. coll., no 293 ; Stella Mott coll., nos 104, 117 (mfm aux AO, Mott coll.).— UWOL, Regional Coll., London District, Surrogate Court, estate files, 1800–1839, no 219 (mfm aux AO).— C. D. Bushell, Gleanings by the Bushell ([Norwich, 1984]).— Brian Dawe, « Old Oxford is wide awake ! » : pioneer settlers and politicians in Oxford County, 1793–1853 (s.l., 1980).— R. W. Macaulay, « The land dispute in Norwich Township in the London District of Upper Canada, 1811–1840 » (thèse de m.a., Univ. of Toronto, 1982).— [A. E. Poldon], 1810–1910, centenary souvenir, Norwich, Ont. (Norwich, 1910).— C.[F.] Read, The rising in western Upper Canada, 1837–8 : the Duncombe revolt and after (Toronto, 1982).— G. E. Reaman, The trail of the black walnut (Toronto, 1957).— Max Rosenthal, « Early Oxford County post offices », BNA Topics (Toronto), 26 (1969) : 204–206.
Ronald J. Stagg, « LOSSING, PETER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lossing_peter_6F.html.
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Auteur de l'article: | Ronald J. Stagg |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |