LORIMIER, CHARLES-CHAMILLY DE, avocat, professeur, juge et rédacteur, né le 13 septembre 1842 à Dubuque (Iowa), fils de Jean-Baptiste-Chamilly de Lorimier et de Christine-Rachel Cadieux ; le 27 novembre 1865, il épousa à Montréal Marie-Malvina St Jean, et ils eurent huit enfants, dont deux garçons et deux filles qui vécurent au delà de la petite enfance ; décédé le 24 mai 1919 à Montréal et inhumé au cimetière Notre-Dame-des-Neiges.
Le père de Charles-Chamilly de Lorimier, Jean-Baptiste-Chamilly, était avocat à Montréal ; le frère aîné de celui-ci, Chevalier*, était notaire. Un de leurs jeunes frères émigra à Dubuque, où sa famille se distingua dans la politique et l’exploitation de mines de plomb. Les deux frères plus âgés affermirent leur position sociale en épousant des filles de Jean-Marie Cadieux, réputé l’un des plus riches notaires montréalais. Participant important de la rébellion de 1837–1838, Chevalier de Lorimier fut le patriote le plus renommé à mourir sur l’échafaud. Jean-Baptiste-Chamilly de Lorimier, qui joua un rôle déterminant au Comité central et permanent du district de Montréal, prit part à la bataille de Saint-Eustache et s’enfuit aux États-Unis avec Étienne Chartier* et Jean-Baptiste-Henri Brien* après l’échec de l’insurrection. Lui et sa femme s’installèrent à Dubuque, où Charles-Chamilly vit le jour.
Dès 1843, ils étaient de retour à Montréal et, dès la fin des années 1840, Jean-Baptiste-Chamilly avait rouvert son cabinet d’avocat. Le couple ne tarda pas à vivre dans l’aisance. Charles-Chamilly fit ses études classiques au collège Sainte-Marie. Les cours de droit de François-Maximilien Bibaud*, qu’il suivit ensuite au collège, eurent une influence profonde sur la formation de ses idées. Bibaud était un ardent défenseur du régime seigneurial, de la famille traditionnelle et d’une approche classique du droit civil, et il craignait les effets du capitalisme sur ces institutions au Bas-Canada. Sans aucun doute, ce fut en partie sous son influence que Lorimier acquit la conviction que le droit civil était l’un des remparts des valeurs canadiennes-françaises et catholiques. Pour bien comprendre la vie et la carrière de Lorimier, il vaut d’ailleurs mieux les placer dans le contexte de la bourgeoisie francophone du Montréal de la fin du xixe siècle. Ses antécédents familiaux, son éducation, sa profession et l’omniprésence de l’ultramontanisme dans son entourage façonnèrent sa vision sociale, résolument conservatrice, et sa pensée clérico-nationaliste. Lorimier serait président de l’Union catholique [V. Ignace Bourget*] et représenterait en 1880 l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal à une assemblée tenue à Québec en faveur de l’union de toutes les sociétés canadiennes-françaises.
Reçu au barreau le 4 septembre 1865, Lorimier pratiqua d’abord le droit avec son frère aîné Tancrède-Chevalier, puis avec Désiré Girouard et enfin avec son gendre Albert-Emmanuel de Lorimier. Il fut avocat du Crédit foncier franco-canadien. Cette société de construction, établie en 1881 avec l’appui solide de banques françaises, était étroitement liée au gouvernement conservateur de Joseph-Adolphe Chapleau* et à la Banque nationale. Elle se spécialisait dans les prêts – hypothécaires surtout – aux municipalités, aux agriculteurs et aux commissions scolaires.
L’ascension de Lorimier dans la profession juridique avait été constante : il avait été examinateur du barreau de Montréal durant plusieurs années et procureur de la couronne dans le district de Terrebonne de 1873 à 1875. Nommé conseiller de la reine en 1882, il reçut la même année un doctorat en droit de l’université Laval. En 1880, il avait commencé à enseigner le droit criminel à la succursale montréalaise de l’université ; c’est probablement pour cette raison qu’il composa un « Cours de droit criminel ». Les conservateurs fédéraux le nommeraient juge de la Cour supérieure du district de Joliette le 15 avril 1889. Une dizaine d’années plus tard, il serait transféré au district de Montréal, où il siégerait jusqu’au début de sa retraite en 1914.
Au début des années 1880, Lorimier prit part à la campagne en faveur de la limitation de l’influence de la Cour suprême du Canada. Après l’échec des tentatives visant à faire abolir ce tribunal, son associé Girouard tenta sans succès d’en restreindre la juridiction sur les questions de compétence provinciale, celles qui touchaient le droit civil au Québec surtout. En février 1881, au cours d’une réunion du barreau de Montréal, Lorimier vota, avec une minorité de membres, en faveur d’un amendement selon lequel la Cour suprême présentait « des dangers pour la pureté [du] droit civil [de la province] ». Il est connu surtout pour la Bibliothèque du Code civil de la province de Québec. Commencé en 1871 et achevé en 1890, cet ouvrage en 21 volumes regroupait les références sur lesquelles s’appuyait le Code civil de 1866. Bien que Charles-Albert Vilbon ait collaboré aux trois premiers volumes, Lorimier fut le maître d’œuvre et le principal compilateur de l’ensemble. Pour lui, le « noble et patriotique » Code civil était inextricablement lié au Canada français ; c’était l’un des « liens qui uniss[aient] les membres de la grande famille canadienne-française, resserrés par l’unité et l’homogénéité dans les lois ». Le code constituait « un nouvel anneau à cette chaîne d’or qui [devait] toujours relier [les] destinées [du Canada français] à celles de [son] ancienne mère-patrie ».
Lorimier participa en 1879 à la fondation de la Thémis, revue mensuelle de droit qui complétait le Commentaire sur le Code civil du Bas-Canada (2 volumes, Montréal, 1873–1879) de Thomas-Jean-Jacques Loranger* et sa propre Bibliothèque. Dans son premier éditorial, la Thémis souligna à la fois l’importance d’une « connaissance théorique du droit » et de son « contexte social » – ce que la rédaction appelait « la partie vivante et dramatique du droit ». Contrairement aux autres périodiques juridiques qui se consacraient surtout au droit commercial, la Thémis privilégiait les questions sociales : la famille, le mariage et les successions.
En 1895, Lorimier devint rédacteur en chef d’un mensuel qui rapportait les jugements des tribunaux ruraux du Québec, la Revue de jurisprudence. Comme elle avait des correspondants dans 19 districts judiciaires, Lorimier faisait valoir que, sans négliger Montréal et Québec, elle était « destinée principalement à être l’organe des districts ruraux ». Il en demeura rédacteur en chef jusqu’à son décès en 1919.
À la mort de Charles-Chamilly de Lorimier, la faculté de droit de l’université Laval à Montréal lui rendit hommage pour les services qu’il avait rendus à la profession juridique et à la profession notariale. Sur la scène publique, il avait été éclipsé par Loranger, plus âgé et plus flamboyant, et par des pairs ultramontains plus portés à exposer leurs points de vue, tel Joseph-Édouard Lefebvre de Bellefeuille. Néanmoins, par son insistance sur la dimension essentielle du Code civil de 1866 dans le maintien de l’identité canadienne-française, par sa défense du droit civil de la province contre l’ingérence de la Cour suprême et par ses fonctions d’avocat, de professeur, de juge et de rédacteur, il joua un rôle marquant en tant qu’intellectuel du milieu juridique.
Pour connaître l’histoire de la famille Lorimier, on consultera Michel de Lorimier, « Chevalier de Lorimier, notaire et patriote montréalais de 1837–1838 » (mémoire de m.a., univ. du Québec à Montréal, 1975), la biographie de Chevalier de Lorimier rédigée par le même auteur dans le DBC, 7, et É.-Z. Massicotte, « la Famille de Lorimier : notes généalogiques et historiques », BRH, 21 (1915) : 10–16, 33–45. On peut se faire une idée de la contribution de Charles-Chamilly de Lorimier dans le domaine des écrits juridiques en consultant son principal ouvrage la Bibliothèque du Code civil de la province de Québec [...], qu’il a compilé (aidé de C.-A. Vilbon pour les trois premiers volumes), ainsi que la Thémis (Montréal), 1 (1879–1880)–6 (1884–1885), et la Rev. de jurisprudence (Montréal), 1 (1895)–25 (1919) ; ce dernier ouvrage comprend plusieurs des jugements de Lorimier prononcés dans les districts de Joliette et de Montréal. Le débat sur la Cour suprême est décrit dans J. G. Snell et Frederick Vaughan, The Supreme Court of Canada : history of the institution ([Toronto], 1985). Aucun historien ne s’est encore penché sur l’histoire complète de la profession juridique au Québec, mais on trouve une description de l’attitude procapitaliste des milieux d’affaires francophones de la fin du xixe siècle dans Fernande Roy, Progrès, Harmonie, Liberté : le libéralisme des milieux d’affaires francophones de Montréal au tournant du siècle (Montréal, 1988). On découvre la puissance de pénétration de l’idéologie clérico-nationaliste au sein de la bourgeoisie dans l’ouvrage de Philippe Sylvain et Nive Voisine, les XVIIIe et XIXe siècles : réveil et consolidation (1840–1898), et dans celui de Jean Hamelin et Nicole Gagnon, le XXe siècle (1898–1940), qui composent les volumes [3] et [1] respectivement de l’Histoire du catholicisme québécois, sous la dit. de Nive Voisine (4 vol. parus, Montréal, 1984-). Dans l’ouvrage de P.-G. Roy, les Juges de la prov. de Québec, on trouve une photo de Lorimier et une description de sa carrière juridique. La notice nécrologique la plus complète a paru dans La Patrie, 26 mai 1919. [b. y.]
ANQ-M, CE1-51, 27 nov. 1865.
Brian Young, « LORIMIER, CHARLES-CHAMILLY DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lorimier_charles_chamilly_de_14F.html.
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Auteur de l'article: | Brian Young |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
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