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LONG, SYLVESTER CLARK, dit Sylvester Chahuska Long Lance, Buffalo Child et Chief Buffalo Child Long Lance, soldat, journaliste, conférencier, auteur et acteur, né le 1er décembre 1890 à Winston (Winston-Salem, Caroline du Nord), fils de Joseph Sylvester Long et de Sallie Malinda Carson ; décédé célibataire le 20 mars 1932 à Arcadia, Californie.
Les parents de Sylvester Clark Long étaient tous deux nés esclaves. Joseph Sylvester Long pensait que son père était Blanc et sa mère, Eastern Cherokee. On avait dit à Sallie Malinda Carson que ses ancêtres étaient également autochtones (Croatans, qui seraient connus sous le nom de Lumbees) et européens. En dépit de ce qu’ils croyaient, ils n’étaient pas reconnus par le gouvernement fédéral comme Amérindiens et, par conséquent, ils n’avaient aucun statut juridique en tant qu’autochtones. Même s’il en avait été autrement, Winston n’était divisé qu’en deux catégories raciales : les Blancs et les personnes de couleur. En tant que non-Blancs, les Long vivaient au sein de la communauté afro-américaine et subissaient en grande partie la discrimination dont étaient victimes leurs voisins noirs.
En 1897, Sylvester Clark apprit tout ce qu’être étiqueté comme personne de couleur signifiait. Son père travaillait comme concierge dans une école primaire située à trois pâtés de maisons seulement de leur domicile, mais le garçon de six ans ne pouvait s’y inscrire, car l’établissement n’acceptait que des enfants blancs. Il dut fréquenter la Depot Street School for Negroes à deux milles de la maison. À Winston, la ligne de démarcation raciale était indélébile et Sylvester Clark aurait du mal à accepter les humiliations quotidiennes qu’elle imposait.
Les Amérindiens avaient peuplé le monde imaginaire de Long dès son jeune âge. À 13 ans, puis à 17 ou 18 ans, il participa à des spectacles du Far West, où ses cheveux raides, noirs comme jais, ses pommettes saillantes et sa peau cuivrée le faisaient passer pour un autochtone. En 1909, falsifiant son ascendance amérindienne, misant sur son apparence et sur le fait qu’il avait appris un peu de cherokee au cours de ses pérégrinations, Long fit une demande d’inscription à la renommée Indian Industrial School de Carlisle, en Pennsylvanie, et y fut accepté.
Dans cet établissement financé par le gouvernement fédéral, la population étudiante incluait des membres de près de 100 groupes aborigènes des quatre coins des États-Unis et l’équipe de football avait attiré l’attention de tout le pays. Long excella autant dans ses études que dans les sports. Cette école changea complètement sa vie. Il disait être Eastern Cherokee, ce qui n’était pas tout à fait faux, étant donné les ancêtres présumés de son père. En outre, à l’époque, un certain nombre de Croatans, dont sa mère se réclamait, se présentaient eux-mêmes comme étant Eastern Cherokees, groupe qui, contrairement aux Croatans, jouissait de la reconnaissance fédérale. L’école offrait également de nouveaux débouchés. Grâce à ses bons résultats, Long fut admis, en 1912, au Conway Hall de Carlisle, école préparatoire au Dickinson College. Après un an, il décrocha une bourse d’études à la St John’s Military Academy à Manlius, dans l’État de New York, où il « autochtonisa » son nom en Sylvester Chahuska Long Lance. Il termina ses études secondaires en 1915, à l’âge de 24 ans, et étudia au même endroit une année de plus. Pendant ce temps passé à l’école, il ne put éviter des soupçons quant à ses origines ; ces questions continueraient de le poursuivre.
Peut-être en quête d’aventure ou d’un salaire régulier, Long Lance mit le cap vers le Nord et, au début de 1916, arriva à Montréal où il s’enrôla dans le Corps expéditionnaire canadien. En 1917, il se trouva dans le feu de l’action pendant quatre mois en France. Blessé à deux reprises, il fut hospitalisé en Angleterre la deuxième fois, puis affecté à des tâches de non-combattant. À son retour au Canada en 1919, il monta à bord d’un train militaire à destination de l’Ouest et reprit la vie civile à Calgary, loin du Sud américain qu’il tentait de fuir. Se présentant comme Cherokee de l’Oklahoma, c’est-à-dire Western Cherokee, première déformation importante de son identité, il fut engagé comme reporter au Calgary Daily Herald.
Au cours de ses trois années de service pour ce quotidien, Long Lance fit de fréquentes visites dans les réserves du sud de l’Alberta. Vétéran accompli, il fut adopté en février 1922 par les Gens-du-Sang, l’une des quatre nations de la confédération des Pieds-Noirs, à titre de chef honoraire ; on lui donna alors le nom de Buffalo Child. Lorsqu’il partit pour Vancouver deux mois plus tard, après avoir été congédié du Calgary Daily Herald à cause d’une farce imprudente, il emporta avec lui son nouveau nom et sa nouvelle identité d’Amérindien des Plaines. Si on lui demandait qui il était, il disait en général qu’il était Pied-Noir, parfois Gens-du-Sang. Bien entendu, il n’était d’aucune façon membre en règle ni d’un groupe, ni de l’autre.
Au début et au milieu des années 1920, le talentueux écrivain Chief Buffalo Child Long Lance – comme il se désignait désormais – signa des articles étayés de ses recherches personnelles sur les peuples aborigènes de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba. Des journaux et magazines importants d’Amérique du Nord achetaient ces textes dans lesquels l’auteur donnait une interprétation positive de l’histoire des Premières Nations du Canada et faisait état de leur situation contemporaine. En 1927, après de nombreux voyages dans l’Ouest et ailleurs pour chercher matière à reportages, couvrir des matches de boxe et donner des conférences, il s’installa à New York où, un an plus tard, il fit paraître Long Lance, ouvrage qu’il voyait comme roman historique, mais que son éditeur insista pour publier comme autobiographie. Le livre fut dans l’ensemble loué par la critique. Dans un article du New York Herald-Tribune daté du 14 octobre 1928, Paul Radin, anthropologue américain bien connu, le qualifia d’« authentique » et de « compte rendu exceptionnellement fidèle d’une enfance et d’une jeunesse […] Je ne peux imaginer aucun autre ouvrage qui pourrait mieux rectifier les idées ridicules qui circulent encore au sujet des Amérindiens. » Dès lors, la réinvention de l’identité de Long fut complète.
L’« autobiographie » de Long Lance lui valut d’être largement reconnu, d’accéder aux milieux littéraires et sociaux les plus en vue de New York, et d’être invité à jouer un des rôles principaux dans un film, The silent enemy (l’« ennemi silencieux » étant la faim), sur la vie des Sauteux du centre-nord du Canada avant l’arrivée des Européens. Au lancement du film en 1930, le magazine Variety, de New York, loua la performance de l’acteur dans son numéro du 21 mai : « Chief Long Lance est un portrait idéal de l’Indien, car il en est un de race pure […] auteur éminent sur les coutumes indiennes, et maintenant acteur consacré. »
Pourtant, à l’apogée de sa gloire, Chief Buffalo Child Long Lance vit l’envergure de sa personnalité publique se mettre à décliner. Sa notoriété avait éveillé la curiosité et il devint de plus en plus difficile d’éviter les enquêtes sur ses origines. Des rumeurs commencèrent à circuler à New York selon lesquelles il était afro-américain. Bien qu’il ait continué à envoyer de l’argent à sa famille à Winston-Salem, un retour là-bas aurait été une révélation assurée ; or, il ne voulait aucunement vivre à nouveau dans un ghetto. L’angoisse de se faire démasquer à tout moment commença à peser sur lui et il se mit à boire. En 1931, il s’installa en Californie pour travailler comme secrétaire et garde du corps d’une riche héritière qui s’embarquait pour l’Europe. Quelque chose l’ébranla davantage au cours de ce voyage ; il connut des épisodes de dépression et continua de consommer beaucoup d’alcool. Après son retour, en novembre, il devint de plus en plus instable et, le 20 mars 1932, il se donna la mort d’un coup de fusil, dans la résidence de sa patronne, à Arcadia, près de Los Angeles.
Sylvester Clark Long laissa en héritage ses écrits sur les Premières Nations, dans lesquels il mena une bonne lutte contre de nombreux stéréotypes négatifs sur les peuples aborigènes. Comme l’a noté l’historien Hugh A. Dempsey, pour écrire ces articles, il effectua « de précieuses enquêtes sur le terrain à une époque où peu d’ethnologues et encore moins de journalistes s’intéressaient à l’histoire des Amérindiens ».
Cet article s’inspire principalement de notre biographie exhaustive de Sylvester Clark Long, intitulée Chief Buffalo Child Long Lance : the glorious imposter (éd. rév., Red Deer, Alberta, 1999). Les GA conservent la collection la plus complète de documents écrits par et sur Long (M 690, M 6240, M 6348, M 6426, NA 1811 (1–22), NA 3264, NA 3771, NB 25, PA 1086, PB 310, PE 38, S 28). L’« autobiographie » de Long, Long Lance, a d’abord paru à New York en 1928. La plus récente édition est celle qu’ont publiée en 1995 les University Press of Mississippi à Jackson. Roberta Forsberg a compilé Redman echoes : comprising the writings of Chief Buffalo Child Long Lance, and biographical sketches by his friends (Los Angeles, 1933). Ce livre est également mentionné dans Bibliothèque nationale du Canada, « Bibliographie Peel sur microfiche » (Ottawa, 1975– ), no 3328.
Donald B. Smith, « LONG, SYLVESTER CLARK (Sylvester Chahuska Long Lance, Buffalo Child, Chief Buffalo Child Long Lance) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/long_sylvester_clark_16F.html.
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Auteur de l'article: | Donald B. Smith |
Titre de l'article: | LONG, SYLVESTER CLARK (Sylvester Chahuska Long Lance, Buffalo Child, Chief Buffalo Child Long Lance) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |