LOLA (Laurent, Lawlor), NOEL (connu aussi sous le nom de Newell Lolar), chasseur malécite, guide et figure légendaire ; décédé avant 1861 à Woodstock, Nouveau-Brunswick.
Les recensements de 1841 et de 1851, pour la région de la rivière Tobique, mentionnent Noel Lola comme adulte. Celui de 1851 précise que Lola est marié ; sa femme était probablement Louise St Pierre (Sappier). En avril 1852, leur fils, prénommé lui aussi Noel, fut baptisé à Woodstock à l’âge de dix jours.
Selon la tradition orale des Malécites de la réserve indienne de Woodstock, Lola, qui était guide de chasse, vivait à cet endroit à la fin des années 1850, avec une femme qu’il n’avait pas épousée. Ayant été parmi les premiers à se fixer dans la réserve nouvellement créée [V. Peter Lola], Lola avait choisi un bon emplacement voisin de la rivière Saint-Jean. En raison de sa situation matrimoniale et de son intempérance de plus en plus marquée, les autres Malécites décidèrent de s’installer à une certaine distance du couple.
Un soir, on aperçut deux étrangers de race blanche qui s’approchaient du campement de Lola. Personne n’ayant vu Lola ni sa compagne les jours suivants, un habitant de la réserve alla s’enquérir de ce qui se passait. Il trouva le cadavre de Lola, mais nulle trace des deux étrangers et de la femme. On demanda alors au prêtre catholique résidant de célébrer un service funèbre, mais il refusa en alléguant que Lola avait vécu dans le péché. Ce dernier fut donc enterré dans une fosse prés de son campement. À la longue, les Indiens finirent par oublier cette histoire et construisirent des maisons autour de la tombe non consacrée.
Après quelque temps, les Malécites commencèrent à entendre un étrange hululement chaque fois qu’un membre de la réserve allait mourir. Ce cri fut attribué à un kéht∂kws ou fantôme – dans le cas présent, l’apparition d’un défunt à qui l’on avait refusé une sépulture chrétienne – qui annonçait ainsi une mort prochaine. C’est aux environs de 1938 ou 1939 que l’on entendit pour la dernière fois ce cri avant-coureur de la mort. À cette époque, un résident qui creusait sa cave déterra un squelette. Une analyse laissa supposer que ces ossements étaient ceux d’un homme mort depuis 80 ou 90 ans, et les habitants de la réserve s’accordèrent alors pour dire qu’il s’agissait vraisemblablement de Lola. Une fois que ces ossements furent enterrés dans un lieu bénit par le prêtre, on n’entendit plus le hululement.
La plupart des souvenirs que l’on a gardés de Noel Lola appartiennent à la légende ; toutefois, les détails de sa vie reflètent les valeurs et les aspirations des Malécites qui vécurent en même temps que lui. Fortement influencés par la religion catholique, aussi bien que par les traditions populaires venues de France et d’Irlande, les Malécites croyaient que l’âme d’un défunt ne pouvait reposer en paix aussi longtemps que sa dépouille n’avait pas reçu une sépulture chrétienne. Ces influences sont également manifestes dans l’histoire du Dungarvon Whooper. On raconte qu’un hululement se fit entendre sporadiquement au coucher du soleil dans un camp de bûcherons, parce qu’un Irlandais, victime d’un meurtre vers 1860, n’avait pas été inhumé en terre sainte. Ce cri persista jusqu’au moment où la dépouille reçut une sépulture convenable en 1912.
Les Malécites avaient ajouté un élément moralisateur à leur légende, que l’on ne trouvait pas dans le folklore irlandais. Pour eux, si une personne, homme ou femme, péchait, elle pouvait devenir un revenant, son âme ne trouvant la paix qu’après avoir reçu le pardon officiel de l’Église. Mais plus significatif encore, le hululement cessa lorsque la croyance des Malécites dans les présages commença à fléchir. Un niveau d’éducation de plus en plus élevé et une profonde transformation des valeurs morales chez les Indiens et les Blancs firent disparaître peu à peu les sanctions morales attachées à certaines légendes.
APC, RG 31, A1, 1851, Victoria, recensement de la Tobique Indian Reserve ; 1861, Woodstock, N.-B.— Musée du N.-B., W. F. Ganong coll., box 38, item 10 (« Return of Indians at Tobique and Madawaska, June 1841 »).— St Gertrude’s Roman Catholic Church (Woodstock), St Malachy’s Church, Woodstock, reg. of baptisms, marriages, and burials.— Handbook of North American Indians (Sturtevant et al.), 15.— Rayburn, Geographical names of N.B., 98, 289.— Carole Spray, Will o’ the wisp : folk tales and legends of New Brunswick (Fredericton, 1979).— Stuart Trueman, Ghosts, pirates and treasure trove : the phantoms that haunt New Brunswick (Toronto, 1975).— V. O. Erickson, « The Micmac Buoin, three centuries of cultural and semantic change », Man in the Northeast (Rindge, N.H.), nos 15–16 (printemps–automne 1978), 3–41.— N. N. Smith, « Notes on the Malecite of Woodstock, New Brunswick », K. H. Capes, édit., Anthropologica (Ottawa), no 5 (1957) : 1–39 ; « Premonition spirits among the Wabanaki », Mass. Archaeological Soc., Bull. (Attleboro, Mass.), 15 (1954) : 52–56.
Vincent O. Erickson, « LOLA (Laurent, Lawlor), NOEL (Newell Lolar) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lola_noel_8F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
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