LINDLEY, SARAH (Crease, lady Crease), artiste, femme du monde et auteure d’un journal, née le 30 novembre 1826 à Acton (Londres), fille aînée de John Lindley et de Sarah Freestone ; le 27 avril 1853, elle épousa dans cette ville Henry Pering Pellew Crease*, et ils eurent trois fils et quatre filles ; décédée le 10 décembre 1922 à Victoria.

Fille aînée d’un distingué botaniste, professeur d’université et auteur, Sarah Lindley grandit dans un milieu imprégné de curiosité scientifique où le jardinage, l’horticulture et l’herborisation étaient à l’honneur. Dans sa jeunesse, elle fréquenta l’école de Mme Gee à Hendon (Londres) et reçut des leçons particulières d’un portraitiste réputé, Charles Fox, ami de la famille. Ce fut Sarah Ann Drake, illustratrice en chef qui travaillait pour son père, qui lui montra à peindre des plantes à l’aquarelle et l’encouragea dans cette voie. Quant à Fox, il lui enseigna l’aquarelle et l’étude au crayon, et l’initia à la gravure sur bois de bout et sur cuivre. L’acquisition de ces techniques fut déterminante pour Mlle Lindley, car elle lui permettrait de transposer ses dessins en une forme publiable. De 1842 à 1858, elle réalisa des illustrations à la plume pour les multiples publications de son père, notamment le Gardeners’ Chronicle de Londres, qu’il contribua à fonder en 1841 et dont il serait rédacteur en chef jusqu’à son décès en 1865, et The vegetable kingdom […], paru à Londres en 1846. Elle produisit aussi des gravures sur bois à partir de nombre de ces dessins. Ainsi, elle put étudier la botanique et gagner de l’argent de poche, sans pour autant sortir de la sphère domestique ni acquérir l’autonomie financière.

En 1848, Sarah Lindley rencontra Henry Pering Pellew Crease, étudiant en droit et ami de son frère. Ils se fiancèrent en juin 1849, mais la nouvelle ne fut pas annoncée publiquement parce que Crease dut partir avec sa famille pour le Haut-Canada tout de suite après avoir passé les examens du barreau en juillet. Au cours de leur séparation, Crease chercha un emploi convenable : John Lindley tenait à un bon parti pour sa fille. Sarah et Henry correspondirent sans interruption durant près de 18 mois. Les charmantes lettres de la jeune femme dévoilent avec pudeur les pensées et les émois d’une amoureuse.

Crease rentra en Angleterre en décembre 1850 et le mariage eut enfin lieu le 27 avril 1853. Après s’être mis en ménage à Notting Hill (Londres), il trouva un poste de directeur dans une société d’exploitation minière en Cornouailles. Sa famille l’y rejoignit en 1856. À la suite de sa démission en 1857, il quitta l’Angleterre. L’année suivante, il s’installa dans l’île de Vancouver, où il devint barrister. Sarah arriva avec leurs trois filles en février 1860.

Les Crease vécurent à Victoria jusqu’en 1862, puis emménagèrent dans une maison appelée Ince Cottage, à New Westminster, capitale de la colonie continentale de la Colombie-Britannique, dont Henry avait été nommé procureur général en octobre 1861. Ils retournèrent à Victoria en 1868. Malgré l’incertitude de leur situation financière, ils entreprirent en 1872 la construction d’un manoir à l’italienne, Pentrelew, qui serait bientôt entouré de jardins luxuriants.

En 18 ans, soit de 1854 à 1872, Sarah Crease mit au monde sept enfants ; le dernier naquit quand elle avait 45 ans. Elle vint à bout de leurs maladies – rougeole, oreillons, diphtérie, scarlatine –, mais trois d’entre eux mourraient avant elle. Henry Hooker, né en 1869, disparut à un an. Barbara Lindley, affligée d’une santé fragile durant des années, s’éteindrait en 1883. Mary Maberly succomberait au cancer en 1915. Mme Crease était une mère aimante, mais elle ne badinait ni avec la discipline ni avec la morale.

Comme Henry Pering Pellew Crease était un notable – il avait obtenu un siège de juge en 1870 –, Sarah Crease et sa famille appartenaient à l’élite des immigrants. En dépit de leurs constants soucis financiers, ils affichaient distinction et culture, et participaient à une foule d’activités sociales. Les garçons achevèrent leurs études en Angleterre. Les filles se rendirent dans ce pays pour étudier les beaux-arts, rencontrer des parents et élargir le cercle de leurs relations. Jusqu’en 1875, Mme Crease eut des domestiques seulement de manière irrégulière. La tenue du foyer reposait donc principalement sur ses épaules et elle montra à ses filles à faire leur part. Le soir, elle transcrivait la correspondance d’affaires de son mari et l’aidait à faire les comptes. Ce travail de bureau non rétribué était une nécessité économique. Malheureusement, il lui abîmait les yeux.

Comme il convenait à une dame de la haute société, Sarah Crease s’absorbait dans les œuvres de bienfaisance. Elle-même et son mari, généreux donateurs de l’Église d’Angleterre, contribuaient dans la mesure de leurs moyens à des projets spéciaux. Jamais tout à fait à l’abri des ennuis d’argent, Mme Crease préférait souvent donner de son temps et prêter son nom à des bonnes causes au lieu de verser des fonds. Ainsi, elle enseigna à l’école du dimanche pendant plus de dix ans, appartint à des comités en vue de créer un dispensaire pour femmes, participa de 1899 à 1901 à des souscriptions au profit du Royal Jubilee Hospital avec les dames auxiliaires, collabora en 1894 à la fondation du Local Council of Women of Victoria and Vancouver Island – dont elle fut présidente honoraire – et devint en 1910 protectrice de l’Island Arts and Crafts Society.

Sarah Crease consacrait une grande part de ses temps libres à son art. En 1860, elle avait représenté le fort de la Hudson’s Bay Company et la ville de Victoria dans une série de 12 aquarelles qui demeurent de précieux documents historiques. Beaucoup de gens purent voir ces peintures d’un réalisme minutieux à l’Exposition universelle de Londres en 1862, où elles furent montrées pour la première fois et présentées comme « l’œuvre d’une amatrice coloniale ». Deux de ces aquarelles, reprises sous forme de lithographies, servirent à illustrer un ouvrage de Richard Charles Mayne publié à Londres en 1862, Four years in British Columbia and Vancouver Island […], et elles seraient reproduites dans de nombreuses publications au fil des ans. En 1862, Mme Crease dessina des paysages de New Westminster, de Hope, de Yale et du fleuve Fraser. Une décennie plus tard, elle prit pour sujets la maison et les jardins de Pentrelew. Les dessins qu’elle fit en 1877 de la rivière Courtenay et de l’église St Andrew de Comox, nouvellement consacrée, furent reproduits au moyen du procédé de la gravure sur bois de bout dans le rapport annuel de l’Église d’Angleterre sur les missions britanno-colombiennes. Moins productive à la fin des années 1870, Mme Crease dut renoncer peu après à tout travail artistique : non seulement s’était-elle usé les yeux durant des années, mais son acuité visuelle diminuait (elle apprit finalement qu’elle souffrait de glaucome). En 1880, elle accompagna son mari en tournée pendant trois mois, de New Westminster à la région de Cariboo. Le journal dans lequel elle notait quotidiennement des détails sur les événements, les gens et les paysages conserve une place de choix dans les relations de voyage en Colombie-Britannique. Mme Crease devint lady en 1896, lorsque son mari reçut le titre de chevalier. Ce dernier prit sa retraite la même année, ce qui mit fin à ses obligations mondaines de personnage public. Jusqu’à ce qu’elle se fracture une hanche en 1919, Mme Crease continua de participer activement à des activités communautaires et correspondit avec des amis et des parents un peu partout dans le monde.

Communicatrice avant tout, Sarah Lindley Crease a laissé un héritage impressionnant. Plusieurs centaines de ses œuvres à la plume, au crayon et à l’aquarelle subsistent. Cet ensemble remarquable, sa volumineuse correspondance et les nombreux carnets de son journal constituent une documentation sans égale sur la société que formaient les immigrants en Colombie-Britannique à l’époque coloniale et dans la période qui suivit l’entrée de cette province dans la Confédération.

Kathryn Bridge

L’importante correspondance et les journaux de Sarah Lindley Crease se trouvent aux BCA (MS-0054 ; MS-0055 ; MS-0056 ; MS-2879) ainsi que plus de 400 de ses peintures et esquisses ; elle a transmis son amour pour la conservation des documents à ses enfants, dont les œuvres artistiques, les lettres et les journaux personnels sont aussi conservés aux BCA.

K. A. Bridge, Henry & self : the private life of Sarah Crease, 1826–1922 (Victoria, 1996) ; « Lindley documents in the British Columbia Archives », dans John Lindley (1799–1865) : gardener-botanist and pioneer orchidologist : bicentenary celebration volume, W. T. Stearn, édit. (Suffolk, Angleterre, 1999), 191s. ; « Two Victorian gentlewomen in the colonies of Vancouver Island and British Columbia : Eleanor Hill Fellows and Sarah Lindley Crease » (mémoire de m.a., Univ. of Victoria, 1984).— C. B. Johnson-Dean, « The Crease family and the arts in Victoria, British Columbia » (mémoire de m.a., Univ. of Victoria, 1981) ; The Crease family archives : a record of settlement and service in British Columbia (Victoria, 1982).

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Kathryn Bridge, « LINDLEY, SARAH (Crease) (lady Crease) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lindley_sarah_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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