LESSEL, ARTHUR C., charpentier et chef syndical, né en 1840 ou 1841, probablement à Halifax, fils de James Lessel, teneur de livres, et d’une prénommée Catherine ; le 1er juin 1887, il épousa en secondes noces, à la baie St Margarets, Nouvelle-Écosse, Caroline Smith, née Dauphine, et de ces deux mariages naquirent quatre enfants ; décédé le 29 octobre 1895 à Halifax.

En 1888, dans son témoignage devant la Commission royale sur les relations entre le capital et le travail au Canada, Arthur C. Lessel déclara qu’il avait travaillé 30 ans comme charpentier et avait fait son apprentissage dans ce métier. Comme beaucoup de leaders du mouvement syndical de Halifax à la fin du xixe siècle, il était à la fois artisan propriétaire d’un petit atelier de charpenterie et ouvrier. De son vivant, il se tailla une réputation d’intellectuel en matière de relations de travail. Après sa mort, un « vieil artisan » qui l’avait connu allait le décrire, dans l’Acadian Recorder, comme un « penseur profond au raisonnement serré » ; il ajoutait qu’il avait été un « théoricien de ce genre dès son enfance ».

Toutefois, c’est à titre d’organisateur et de militant que Lessel contribua le plus au mouvement syndical. Principal fondateur de la section locale 83 de la Brotherhood of Carpenters and Joiners of America, qui s’établit à Halifax en 1885, il compta dans la décennie suivante parmi ceux qui défendirent les artisans (ouvriers qualifiés) de la ville avec le plus de talent et de cohérence. Ceux-ci tentaient de protéger le statut de leurs métiers, menacé non seulement par les longues heures et les bas salaires souvent imposés par les employeurs, mais aussi par l’intrusion des travailleurs non syndiqués et non qualifiés. Lessel s’employa à consolider la position des charpentiers de Halifax en améliorant leur organisation et en excluant du syndicat ceux qui ne satisfaisaient pas aux normes du métier. « Nous sommes vraiment très pointilleux quant aux hommes que nous admettons, dit-il à la commission royale en 1888. Nous désirons ne prendre que des ouvriers qualifiés mais, dans un milieu comme celui-ci, il est impossible de n’avoir que des ouvriers qualifiés, néanmoins, nous faisons de notre mieux. »

Ce que Lessel visait, et il allait l’atteindre partiellement à titre de président de la section locale 83 à la fin des années 1880, c’était d’avoir un syndicat discipliné et efficace, avec atelier fermé, application stricte des règlements du travail et exclusion des ouvriers non qualifiés, et de soumettre l’apprentissage à des contrôles gouvernementaux. La section locale contribua aux progrès suivants : assistance aux syndiqués malades et prestations de décès pour les veuves et les orphelins, augmentations de salaire et amélioration des conditions de travail, régularisation de nombreux aspects des relations de travail par l’emploi de délégués d’atelier et l’application stricte des règlements syndicaux. Sous la présidence de Lessel, la plus grande victoire fut sans doute l’obtention, après une courte grève en 1889, de la journée de neuf heures sans réduction de salaire.

Partisan du syndicalisme de métier tel que le pratiquait l’American Fedération of Labor, Lessel et l’influente section locale des charpentiers prirent leurs distances par rapport à l’Amalgamated Trades Union, organisation haligonienne de travailleurs qui tentait de coordonner les activités de ses syndicats membres. Lessel soutenait plutôt un regroupement d’un modèle plus traditionnel, qui prônait le syndicalisme de métier : le Trades and Labour Council de Halifax, fondé en 1889. La grève qui avait eu lieu cette année-là avait accentué le fossé entre maîtres et compagnons, si bien que le traditionnel syndicalisme de métier défendu par Lessel fut forcé de s’adapter. La concentration et la consolidation du capital dans l’industrie de la construction, qui se caractérisaient par l’émergence d’entrepreneurs généraux, la mécanisation et l’emploi croissant d’ouvriers non qualifiés firent échouer nombre de ses idéaux, mais la section locale qu’il avait fondée subsiste toujours. En lisant les procès-verbaux des réunions qu’elle tint au xixe siècle, on voit revivre des artisans dont le sens des convenances était si développé qu’ils pouvaient discuter durant des heures avant de décider s’ils porteraient des gants de couleur claire ou foncée aux défilés annuels de la fête du Travail. Le 17 septembre 1895, le syndicat condamna sévèrement ceux qui n’avaient pas participé aux festivités ; parmi eux se trouvait le « frère A C Lessel », qui s’était déclaré malade pour s’excuser. Il mourut le mois suivant.

En février 1896, un article de l’Acadian Recorder reconnut ainsi la contribution d’Arthur C. Lessel au mouvement syndical de Halifax : « C’est à lui que revient le mérite d’avoir formé le noyau des organisations ouvrières qui sont nées et ont fleuri dans notre collectivité et qui, sauf dans quelques cas, ont été bénéfiques, reconnaissent les travailleurs en général. »

Ian McKay

Camp Hill Cemetery (Halifax), Reg. of burials, 1er nov. 1895.— PANS, MG 20, 16341637.— Canada, Commission royale sur le travail et le capital, Rapport, Nouvelle-Écosse, 38.— Carpenter (Washington), 18851893.— Acadian Recorder, 1889, 30 oct. 1895, 8 févr. 1896.— Evening Mail (Halifax), 30 oct. 1895.— Eugene Forsey, Trade unions in Canada, 1812–1902 (Toronto, 1982).— Ian McKay, The craft transformed : an essay on the carpenters of Halifax, 1885–1985 (Halifax, 1985).

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Ian McKay, « LESSEL, ARTHUR C. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lessel_arthur_c_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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