LESAULNIER, AURÉLIE, première supérieure au Québec de la Société des Filles du cœur de Marie, née le 16 janvier 1834 à Paris ; décédée le 2 février 1922 à Caughnawaga (Kahnawake, Québec).

On sait très peu de chose sur la vie d’Aurélie Lesaulnier avant son entrée comme postulante dans la Société des Filles du cœur de Marie en 1870, à l’âge de 36 ans. Elle fait sa profession religieuse à Paris en 1877. Cette décision tardive est caractéristique des vocations de cette congrégation très spéciale fondée en 1790, durant la Révolution française, par le jésuite Pierre-Joseph Picot de Clorivière et Marie-Adélaïde Champion de Cicé pour suppléer aux congrégations religieuses supprimées à cette occasion. La Société des Filles du cœur de Marie se caractérise par l’absence d’habit, de nom religieux et de couvent, et constitue une congrégation clandestine en quelque sorte, dont le charisme n’est pas « adonné à une œuvre particulière […] sans se proposer rien en particulier que le bien spirituel et temporel du prochain ». Chaque groupe communautaire forme une « réunion » où œuvrent quelques « amies », souvent à l’insu de leurs familles, à cause du secret qui entoure l’existence de la société (ce secret ne sera levé qu’en 1957). La congrégation agit presque toujours dans l’aire d’influence des jésuites et connaît, à compter du milieu des années 1840, un développement international. Implantée en Grande-Bretagne et en Irlande dès 1846, elle est présente aux États-Unis en 1851, en Italie en 1858, au Canada, dans la région des Grands Lacs, en 1862, et en Belgique en 1866. Elle s’occupe d’œuvres variées : écoles, ouvroirs, orphelinats, patronages, catéchismes, bibliothèques, ateliers, maisons de protection des jeunes filles, maisons de retraite, missions, associations féminines, visite des malades à domicile, hôpitaux. À compter de 1877, Aurélie Lesaulnier occupe divers emplois en France, dont des postes de responsabilité : elle est maîtresse des novices à Lyon en 1888, assistante à Dijon en 1889 et, deux ans plus tard, elle remplace la supérieure à Orléans. En 1894, à 60 ans, elle est envoyée à Buffalo, aux États-Unis, comme enseignante, mais « elle parle mal l’anglais et réussirait peut-être mieux dans un pays où la langue française est cultivée », selon l’assistante générale des Filles du cœur de Marie.

Pendant ce temps, les responsables de la congrégation demandent à l’abbé Henri-Raymond Casgrain*, de passage à Paris, de rédiger l’histoire de leur congrégation. Une fille du cœur de Marie, Anne de Tanquerel, lui est assignée comme secrétaire, d’abord à Paris durant l’hiver de 1897–1898, puis à Québec à compter du 24 avril 1899. La congrégation, de concert avec Mgr Louis-Nazaire Bégin, archevêque de Québec, envisage alors d’ouvrir une « réunion » dans cette ville. Mlle de Tanquerel y réunit une dizaine de postulantes, et c’est la provinciale d’Amérique, Adèle Senil, veuve Perronno, qui prend la décision d’envoyer Aurélie Lesaulnier comme supérieure en 1899. Tout est à faire dans ce nouveau poste et cette dernière y consacre « tous ses revenus » et sa personnalité maternelle. Rapidement, la nouvelle supérieure met en place plusieurs œuvres : visite des malades, ouvroir, bureau de placement et surtout, en 1906, une maison de protection, sise au 6, côte du Palais. Fondée pour accueillir les jeunes filles de la campagne qui viennent s’embaucher comme domestiques, l’Œuvre de la protection de la jeune fille en placera plus de 5 000 en trois décennies. Aurélie Lesaulnier s’occupe également de la formation religieuse des nouvelles recrues. Les protectrices de l’œuvre viennent des plus hautes sphères de la société.

En 1907, malgré son grand âge, Aurélie Lesaulnier est envoyée à Montréal pour y ouvrir une nouvelle « réunion ». Mgr Paul Bruchési*, archevêque de Montréal, s’oppose d’abord à la venue des Filles du cœur de Marie : le début du siècle, en effet, a été marqué par les multiples demandes de congrégations françaises désireuses de s’établir dans son archidiocèse. Toutefois, après bien des discussions au sujet de l’affiliation des maisons canadiennes – la supérieure générale veut qu’elles relèvent du provincialat de New York, tandis que Mgr Bruchési souhaite que ce soit de Paris –, l’archevêque accepte, sans doute en raison de l’indépendance financière et canonique de la congrégation, qui est de droit pontifical.

La « réunion » que dirige Aurélie Lesaulnier à Montréal compte au départ deux ou trois personnes, mais dès 1909 on accepte 19 novices. Elle s’occupe d’œuvres diverses dans la paroisse de l’Immaculée-Conception, dirigée par les jésuites : catéchisme pour les enfants retardés, instruction des adultes, visite aux malades des hôpitaux, maison de retraites fermées, assistance aux tribunaux chargés de juger les jeunes délinquants. Les ecclésiastiques avec qui Mlle Lesaulnier intervient se félicitent de son intelligence et de sa culture. Mgr Bégin affirmera que « rarement on rencontrait une femme aussi spirituelle et aussi renseignée ».

En 1912, on consent enfin à libérer Aurélie Lesaulnier de ses responsabilités. La Société des Filles du cœur de Marie compte alors une quarantaine de membres dans la province de Québec. Mlle Lesaulnier choisit de se retirer à l’hôpital de Caughnawaga, fondé en 1905 par Mme Adèle Perronno. Elle continue pendant dix ans à se rendre utile en visitant les malades, en recopiant des manuscrits des deux « réunions » de la province et en assurant une vaste correspondance. Devenue aveugle et malade, elle se dirige doucement vers la mort le 2 février 1922, anniversaire de sa profession religieuse.

Micheline Dumont

Arch. de la Soc. des Filles du cœur de Marie (Montréal), Albums de photographies ; Annales de Montréal, 1907–1913 ; Dossiers de correspondance ; Lettres annuelles, 1898–1914 ; Montréal-Historique ; Notice nécrologique d’Aurélie Lesaulnier ; Procès-verbaux des conseils, 1904–1916 ; Renouvellement des vœux.— L’Action catholique (Québec), 3 févr. 1922.— H.-R. Casgrain et les Filles du cœur de Marie, la Société des Filles du cœur de Marie [...] (5 vol., Paris, 1899–1964).— Guy Laperrière, les Congrégations religieuses : de la France au Québec, 1880–1914 (2 vol. parus, Sainte-Foy, Québec, 1996– ), 1 : 143–145.— « L’Œuvre de la protection de la jeune fille, no 6, côte du Palais, Québec », Almanach de l’Action sociale catholique (Québec), 2 (1918) : 98s.— « La Société des Filles du cœur immaculé de Marie : le foyer de l’Œuvre de protection des jeunes filles », la Semaine religieuse de Québec, 7 déc. 1960 : 233–236.

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Micheline Dumont, « LESAULNIER, AURÉLIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lesaulnier_aurelie_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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