LENOIR, dit Rolland, JOSEPH, avocat et poète, né le 15 septembre 1822 à Montréal, fils de Nicolas Lenoir, dit Rolland, sellier, et de Marie-Angélique Cazelet, décédé le 3 avril 1861 à Montréal.

Joseph Lenoir, dit Rolland, fit de brillantes études au collège de Montréal de 1835 à 1843. Attiré très tôt par la poésie, il présenta le Génie des forêts, ode aux exercices littéraires lors de la distribution des prix en juillet 1843 ; ce poème fut publié dans la Minerve du 4 janvier 1844. Influencé par la poésie patriotique de François-Xavier Garneau, il composa, en 1840, son Chant de mort d’un Huron.

Après ses études de droit, Lenoir reçut sa commission d’avocat le 28 septembre 1847. En 1848, il ouvrit un bureau à Montréal avant de s’associer à Joseph Doutre*. Cependant, peu attiré par cette profession, il ne pratiqua guère. Lenoir, qui avait épousé Félicité Latour le 22 juin 1847 à Lachine, réussit quand même à subvenir aux besoins de sa famille – il aura six enfants – en faisant de la traduction et du journalisme.

Lenoir fut un des 13 collaborateurs qui participèrent, en 1847, à la fondation du journal l’Avenir. Considéré comme très libéral, ce journal avait des attaches avec l’Institut canadien de Montréal dont Lenoir fut membre actif. Le 6 février 1852, il y présenta un essai important sur la civilisation des peuples, publié dans le Pays trois jours plus tard ; selon lui, les institutions républicaines favorisent l’élan littéraire et les arts plus que toute autre forme de gouvernement, et le peuple où l’éducation et les lettres « se trouvent en honneur est éminemment civilisé ». Ses nombreuses lectures à la bibliothèque de l’institut l’amenèrent à prononcer au moins trois conférences sur la civilisation, les lettres et l’histoire. De 1853 à 1855, Lenoir collabora à la Ruche littéraire, fondée en février 1853 par Henri-Émile Chevalier*. En 1857, il devint assistant rédacteur du Journal de l’Instruction publique tout en cumulant les fonctions « de clerc de la correspondance française [et] de bibliothécaire » au département de l’Instruction publique.

Les années 1848–1853 marquèrent la période la plus intense dans la production poétique de Lenoir, dit Rolland ; en effet, plus de la moitié de ses poèmes connus date de cette période. En 1848, par exemple, il publia plusieurs poèmes et nouvelles dans l’Album littéraire et musical de la Revue canadienne. À la fin de l’année 1852, Lenoir songea à réunir en un recueil sa poésie sous le titre « les Voix occidentales, ou chants nationaux ». Toutefois son projet échoua, faute de souscripteurs. Il faudra attendre 1916 avant de voir publier par Casimir Hébert Poèmes épars de Joseph Lenoir-Rolland, 1822–1861, recueil d’une vingtaine de poèmes de cette période. Lenoir aurait compilé les textes de la Lyre (nouvelle) canadienne ou Chansonnier de tous les âges, paru à Montréal en 1858. Le 27 mars 1860, la Guêpe reproduisit un conte de Lenoir, « Légina, légende chippeouaise » ; malheureusement, un autre conte, annoncé dans le même numéro, ne vit jamais le jour. À l’occasion de la visite du prince de Galles à Montréal en août 1860, il publia un guide de la ville, Montréal et ses principaux monuments.

Sans doute un des meilleurs poètes canadiens-français avant Émile Nelligan*, Lenoir jouit d’une grande popularité dans les années 1850. Selon Louis-Honoré Fréchette*, « [il] fut à peu près le seul [poète de cette époque] qui sut s’affranchir de cet attirail mythologique dont raffolait le dix-huitième siècle, et de toutes ces périphrases de convention que l’abbé Delisle [Jacques Delille] avait mises à la mode ». Plusieurs courants marquèrent la poésie de Lenoir, bien au fait de la littérature contemporaine. Il puisa chez les premiers romantiques, surtout Lamartine, une extrême tendresse et un penchant pour les thèmes exotiques. Par contre, l’étude des poètes anglais surtout lui apporta une vigueur de pensée qui se manifesta dans ses poèmes par une grande violence contre les institutions et les gens en place. Son audace n’alla pas sans quelque crainte toutefois, puisqu’il signa ses vers trop virulents de pseudonymes : Un Canadien, Peuple, Jean Meunier.

Environ une quarantaine de poèmes de Lenoir n’ont jamais été publiés en recueil. Leur tonalité varie, allant de la sentimentalité à la violence et même jusqu’au goût prononcé du macabre. Poète de talent, Lenoir n’a pas pu se dégager de ses modèles, mais il témoigna à sa façon de la volonté d’affranchissement littéraire et politique de la génération de 1845.

Les dures réalités de la vie dans « une société d’épiciers », selon le mot d’Octave Crémazie*, eurent raison cependant de cette âme sensible. Plus d’un siècle après la mort de Lenoir, dit Rolland, survenue en avril 1861, son œuvre demeure encore dispersée dans les journaux et les revues.

John Hare

[Joseph Lenoir, dit Rolland], Montréal et ses principaux monuments (Montréal, 1860) ; Poèmes épars de Joseph Lenoir-Rolland, 1822–1861, Casimir Hébert*, édit. (Montréal, 1916) ; le poème « les Deux Voix » n’est pas de Lenoir.  [j. h.]

APC, MG 30, D62, 18, pp.843–847.— Album littéraire et musical de la Revue canadienne (Montréal), 1848.— La Guêpe (Montréal), 27 mars 1860.— La Minerve, 4 janv. 1844.— Le Pays, 9 févr. 1852.— Monique Biron, Essai bio-bibliographique sur Joseph Lenoir-Rolland, poète canadien (thèse de bibliothéconomie, université de Montréal, 1948).— Gabriel Leclerc, L’introduction du romantisme dans la poésie canadienne-française (thèse de m.a., université de Montréal, 1950), 62–74.— J. d’A. Lortie, Les origines de la poésie au Canada français, Archives des lettres canadiennes (Montréal), IV (1969) : 44–46.

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John Hare, « LENOIR, dit Rolland, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lenoir_joseph_9F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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