LENEUF DU HÉRISSON, MICHEL, seigneur, membre de la Communauté des Habitants, syndic, gouverneur intérimaire de Trois-Rivières, juge royal, né vers 1601 à Caen (Normandie) de Mathieu Leneuf et de Jeanne Le Marchant, décédé probablement en 1672.

Michel Leneuf débarqua à Québec le Il juin 1636 en même temps que d’autres membres de sa nombreuse parenté : sa fille adoptive ou naturelle, Anne ; sa mère, Jeanne Le Marchant, veuve de Mathieu Leneuf ; sa sœur, Marie Leneuf (qui épousera le pionnier trifluvien Jean Godefroy de Lintot) ; son frère, Jacques Leneuf de La Poterie, qui emmenait sa fille Marie-Anne et sa femme, Marguerite Legardeur de Repentigny ; Pierre Legardeur, de Repentigny et Charles Legardeur de Tilly. Ils formaient un véritable clan de famille, comme on le dit plus tard, qui pendant plusieurs années chercha à s’approprier le monopole de la traite des fourrures, et fut à l’origine de la Communauté des Habitants.

La famille Leneuf alla se fixer à Trois-Rivières l’année même de son arrivée., Michel se fit accorder d’intéressantes concessions de terres : entre autres, le fief Dutort (plus tard Bécancour), le 1er décembre 1637 ; 50 arpents le long du fleuve Saint-Laurent à Trois-Rivières, le 16 juillet 1638 ; le fief de Vieux-Pont, le 29 mars 1649 ; une partie de la seigneurie du Cap-des-Rosiers (le reste appartenant à son frère, aux Le Gardeur et à quelques autres), le 9 mars 1652. Secondé par son frère puîné Jacques, chez qui il demeurait, il en arriva à diriger avec lui le bourg trifluvien. Le recensement de 1667 inscrit à son actif 100 arpents en valeur à Trois-Rivières. Il possédait également un moulin à farine. Il faisait cultiver ses terres par des fermiers avec lesquels, étant donné son tempérament violent, il était sans cesse en difficultés et en procès, particulièrement avec Sébastien Dodier et Guillaume Isabel. Il fut aussi continuellement en brouille avec les Jésuites au sujet des bornes de leurs concessions limitrophes.

Sa vie publique fut également fort active. Il profita du prestige de son frère Jacques, qui fut gouverneur de Trois-Rivières presque sans interruption de 1645 à 1662. Michel Leneuf fut choisi syndic des habitants en 1648 et en 1649. En 1661, son frère étant toujours gouverneur et Charles Legardeur de Tilly, son beau-frère, étant membre du Conseil de la Nouvelle-France, Michel n’eut aucune difficulté à obtenir le poste de lieutenant général civil et criminel de la Sénéchaussée de Trois-Rivières ; puis, à partir de 1664, il remplaça le juge royal Pierre Boucher*, démissionnaire. Lorsque les frères Leneuf eurent bien en main les postes de commande, ce qu’ils désiraient depuis longtemps, l’abus qu’ils en firent leur créa de nombreuses difficultés. En 1665–1666, une enquête sur la traite de l’eau-de-vie avec les Indiens prouva que l’épouse même du gouverneur, Marguerite Legardeur, était une des têtes dirigeantes de ce florissant commerce. Le Conseil souverain suspendit Michel Leneuf de son poste de juge par un arrêté du 29 mai 1665 et le remplaça temporairement par le conseiller Louis Peronne de Mazé, nommé pour l’occasion « commissaire spécial ».

Peu après, Michel Leneuf fut rétabli dans ses fonctions. À une audience du 19 mai 1666, il est qualifié de lieutenant civil et criminel, et l’année suivante, le 8 juin, une supplique à lui adressée par Michel Gamelain le nomme « Juge Royal ».

Les archives du palais de justice de Trois-Rivières ont conservé quelques-uns des jugements rendus par Michel Leneuf. De façon générale, ils sont empreints d’équité et de bon sens. Ces archives conservent également le récit savoureux des nombreux procès survenus entre le bouillant seigneur et ses fermiers. Il était le type du véritable hobereau normand, intelligent et finaud, mais chicanier.

Les documents nous renseignent bien peu sur sa vie privée. À son arrivée en Nouvelle-France, il était célibataire, ou veuf, car il emmenait une fillette de quatre ans, toujours nommée Anne Du Hérisson, et non Anne Leneuf Du Hérisson. Il est possible, comme on l’a prétendu, qu’elle ait été sa fille naturelle. Aucune précision n’est donnée dans le contrat de mariage de cette jeune fille avec Antoine Desrosiers, le 24 novembre 1647.

L’acte de sépulture de Michel Leneuf n’est pas inscrit aux registres de catholicité de Trois-Rivières, qui sont conservés intacts depuis 1634. Nous pouvons supposer toutefois qu’il mourut en 1672, car il fut remplacé à son poste de juge par Gilles de Boyvinet, le 26 octobre de cette année-là.

Leneuf avait agi comme gouverneur de Trois-Rivières en 1668, remplaçant temporairement à ce poste René Gaultier de Varennes.

Raymond Douville

AJTR, MSS, Registres des audiences de la cour de juridiction civile et criminelle.— APQ, Documents de la prévôté de Trois-Rivières.— Papier terrier de la Cie des IO. (P.-G. Roy).— Recensements de 1666 et de 1667.— P.-G. Roy, Inv. concessions, I, II, V.— Raymond Douville, La Dictature de la famille Le Neuf, Cahiers des Dix, XX (1955) : 61–89 ; Visages du vieux Trois-Rivières (Trois-Rivières, 1955).— Godbout, Les Pionniers de la région trifluvienne.— Sulte, Mélanges historiques (Malchelosse), XI : 7–38 ; XIV : 65–67 ; XIX.

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Raymond Douville, « LENEUF DU HÉRISSON, MICHEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/leneuf_du_herisson_michel_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    1 décembre 2024