LEHMAN, BERTHA (Rosenthal), philanthrope et leader d’une communauté juive, née le 2 août 1849 (certaines sources donnent 1850 ou 1852) à Berlin, fille de Lewis Lehman ; le 27 mars 1867, elle épousa Aaron Rosenthal, et ils eurent cinq fils ; décédée le 10 décembre 1922 à Ottawa.

Bertha Lehman rencontra et épousa Aaron Rosenthal au cours d’une visite en Australie. Il avait quitté la Prusse à l’âge de 13 ans, était passé par l’Inde et Ceylan (Sri Lanka) et se trouvait en Australie dans les années 1850 au moment de la ruée vers l’or. Après avoir vécu en Angleterre au début des années 1870, les Rosenthal immigrèrent au Canada en 1874 et s’installèrent à Montréal, où Aaron fonda une bijouterie de gros, la Rosenthal, Benjamin and Company. Le couple s’établit en 1878 à Ottawa, où Aaron ouvrit un magasin de bijoux. En 1911, deux ans après sa mort, la Henry Birks and Sons Limited [V. Henry Birks] achèterait son commerce.

Les Rosenthal, tout comme la famille de Moses Bilsky, figurent parmi les fondateurs de la communauté juive d’Ottawa. Dans les années 1870 et 1880, il fallait rassembler des Juifs de la vallée de l’Outaouais, de l’Ouest québécois et de l’Est ontarien afin d’avoir le minyan (quorum) pour prier les jours saints. Toutefois, de 1891 à 1901, la communauté juive d’Ottawa passa de 46 à 398 membres, surtout à cause de l’immigration en provenance de la Russie et de la Lituanie, et dans la décennie suivante, elle ferait plus que quadrupler. Au début des années 1890, il y avait donc assez de fidèles pour fonder la congrégation Adath Jeshurun, communément appelée shul de l’avenue King Edward. Sous la direction de Mme Rosenthal, la Ladies Auxiliary Society de cette congrégation organisait des représentations musicales à l’occasion de fêtes telles la Hanoukka et la fête de Pourim. En 1904, Aaron Rosenthal posa la première pierre de la nouvelle synagogue, de style oriental.

Comme Bertha Lehman Rosenthal était arrivée tôt dans la capitale, disposait de moyens financiers et avait le sens de l’organisation, elle était en mesure de diriger des activités d’aide aux immigrants. Regroupés dans la basse ville et aux abords du marché By, la plupart des nouveaux arrivants étaient camelots, colporteurs, boutiquiers ou artisans. Bon nombre d’entre eux, pauvres à leur arrivée, recevaient des secours de la Ladies’ Hebrew Benevolent Society d’Ottawa ; fondée en 1898, cette association était la première œuvre de bienfaisance juive de la ville (et resta pendant quelque temps la seule). Mme Rosenthal en était présidente au moment de la fondation et conserverait ce poste jusqu’à sa mort. La société, qui ne recevait pas d’assistance municipale, se finançait par des donations, des concerts et des initiatives comme l’Economical cook book, le premier livre de recettes juives produit pour un organisme collecteur de fonds au Canada et publié à Ottawa en 1915. En outre, Mme Rosenthal fut présidente honoraire de l’Ottawa Hebrew Ladies Sewing Circle, qui fournissait des vêtements.

D’après une biographie, la « charité et [la] bienveillance [de Bertha Lehman Rosenthal] ignoraient les barrières religieuses ». Elle œuvra pour plusieurs établissements non juifs, notamment le Perley Home for Incurables et l’Hôpital général d’Ottawa. Pendant la guerre de 1914–1918, elle organisa de l’aide pour les familles de soldats. Le Disraeli Chapter de l’Imperial Order Daughters of the Empire, fondé en juillet 1918, était issu d’un cercle de couture de la Société canadienne de la Croix-Rouge que Mme Rosenthal avait créé en 1910. Ce chapitre meubla une salle de loisirs pour les anciens combattants, vint en aide aux enfants de soldats morts sur le champ de bataille et recueillit des fonds pour la Croix-Rouge. Il mit fin à ses activités en 1923, lorsque le dernier des enfants parrainés par lui eut terminé sa formation à l’Ottawa Technical High School.

Symbole de la réussite de la famille Rosenthal et de la communauté, un des fils, Samuel, devint une vedette sportive locale et fut le premier Juif à détenir un poste municipal à Ottawa. Élu échevin en 1902, il occupa son siège pendant quatre mandats, fut réélu en 1921 et servit aussi à titre de magistrat.

Bertha Lehman Rosenthal mourut d’une pneumonie en 1922. La veille du sabbat, dans les familles traditionnelles, les Juifs rendent hommage à leur épouse et à leur mère en récitant le proverbe 31 : 10–31, qui décrit la femme vertueuse, celle qui crée un foyer sûr pour sa famille et tend les bras à l’indigent. Ce portrait correspond à Mme Rosenthal. Cette dernière participa à l’établissement d’une communauté juive dans la capitale du Canada et aida à façonner, dans cette ville, le rôle des femmes juives. Elle apporta du réconfort par ses œuvres philanthropiques. En même temps, sa contribution à l’effort de guerre rapprocha les Juifs d’Ottawa du reste de la population du pays et des autres parties de l’Empire.

David Kimmel

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David Kimmel, « LEHMAN, BERTHA (Rosenthal) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lehman_bertha_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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