LEFRANÇOIS, CHARLES, imprimeur et libraire, né probablement en 1773 à L’Ange-Gardien, Québec, fils de Nicolas Lefrançois et de Marie Vézina ; le 2 juin 1801, il épousa à Québec Louise Ledroit, dit Perche ; décédé le 1er avril 1829 à Québec.
Les Lefrançois étaient déjà établis depuis quatre générations dans la paroisse de L’Ange-Gardien, sur la côte de Beaupré, lorsque naquit Charles. Ne pouvant survivre sur la terre familiale, divisée et morcelée au fil des générations, Charles Lefrançois vint s’installer à Québec. Il résidait dans le faubourg Saint-Jean au moment de son engagement, le 12 mai 1798, en tant qu’apprenti imprimeur à l’atelier de Pierre-Édouard Desbarats et de Roger Lelièvre. Deux jours plus tard, ces derniers furent officiellement nommés imprimeurs des lois de Sa Majesté au Bas-Canada et, le 23 du même mois, acquirent la Nouvelle Imprimerie de William Vondenvelden*.
Afin de contrer la propagande hostile aux Canadiens que diffusait le Quebec Mercury et de défendre les intérêts des francophones de professions libérales, Pierre-Stanislas Bédard fonda le journal le Canadien, avec l’appui de quelques compatriotes. Le premier numéro parut le 22 novembre 1806 et Charles Roi (Roy) en était l’imprimeur. Au cours de l’année 1807, Lefrançois lui succéda et, jusqu’en 1810, fut chargé de l’impression du journal à l’Imprimerie canadienne, située rue Saint-François. Cette année-là, le gouverneur sir James Henry Craig*, exaspéré par les critiques à l’égard de son gouvernement, décida de bâillonner le journal le Canadien. Les conseillers exécutifs Thomas Dunn*, François Baby* et John Young* signèrent un mandat d’arrêt contre l’imprimeur Lefrançois et, dans l’après-midi du samedi 17 mars, des soldats firent soudainement irruption dans l’imprimerie du Canadien. Ils arrêtèrent Lefrançois, perquisitionnèrent dans tous les coins de l’atelier, s’emparèrent du matériel d’impression et saisirent les papiers de la rédaction. Les pièces confisquées furent déposées au palais de justice en présence du juge de paix Ross Cuthbert*. Dans les jours qui suivirent, les propriétaires et éditeurs du Canadien, Bédard, François Blanchet et Jean-Thomas Taschereau, furent eux aussi incarcérés.
Lefrançois ne recouvra sa liberté qu’au mois d’août, sans avoir subi aucune forme de procès. Quelques mois plus tard, en octobre 1810, il acquit la maison en pierre de deux étages qu’il louait depuis mai 1809 dans l’étroite rue Laval, située à l’arrière du séminaire de Québec, auquel il devait d’ailleurs verser une rente seigneuriale. Dans cette maison où il résidera jusqu’au moment de son décès, il ouvrit une imprimerie à laquelle il adjoignit au cours des ans une librairie et un atelier de reliure. Dans les années 1810 et la décennie qui suivit, de nouvelles imprimeries ouvrirent leurs portes à Québec, notamment les établissements des Flavien Vallerand, Charles Vallée, François Lemaître, George J. Wright et William H. Shadgett, et la concurrence devint vive et acharnée. Bénéficiant de son expérience, Lefrançois réussit tant bien que mal à se faire une clientèle dans le milieu de l’imprimerie, que dominaient largement l’entreprise de la Gazette de Québec des Neilson, déjà en fonction depuis plus d’un demi-siècle, et la Nouvelle Imprimerie de Desbarats et de Thomas Cary* fils. Après 1810, Lefrançois n’imprima plus de journaux, mais des livres et des brochures, pour la plupart des ouvrages de dévotion destinés en grande partie à des établissements ou à des groupes religieux de Québec, tels le grand séminaire et la communauté des ursulines, qui comptaient parmi ses clients. Il imprima aussi un imposant manuel de droit criminel de Joseph-François Perrault*.
Atteint d’une maladie du foie, séquelle de son emprisonnement, Charles Lefrançois mourut à Québec le 1er avril 1829. Il fut inhumé trois jours plus tard dans l’église actuelle de Charlesbourg, alors en construction, avec l’assentiment du curé Antoine Bédard, cousin de Pierre-Stanislas Bédard. L’imprimerie fut fermée, mais la veuve de Lefrançois réussit à vivre en maintenant la librairie ouverte au public. La Gazette de Québec rendit hommage à Lefrançois en soulignant qu’il avait été « un citoyen honnête, industrieux et utile ». À une époque où les métiers de l’imprimé étaient souvent synonymes de précarité, il avait tenu le coup plus de deux décennies. Jusqu’à quel point avait-il partagé et défendu la position politique du journal le Canadien qui sortait de ses presses ? Artisan et homme de métier avant tout, il se contentait d’imprimer les textes des autres et n’a laissé aucun écrit. Les événements de 1810 révélèrent que la liberté de la presse demeurait bien aléatoire. Les gouverneurs, voyant leur administration ouvertement critiquée par certains journaux et ne sachant trop comment réagir, s’en prirent parfois directement à des imprimeurs en les envoyant derrière les barreaux. Lefrançois, comme l’avait été auparavant Fleury Mesplet* et comme le sera Ludger Duvernay*, fut tout à la fois une cible et un bouc émissaire.
ANQ-Q, CE1-1, 2 juin 1801 ; CE1-7, 4 avril 1829 ; CN1-208, 20 janv. 1820, 2 oct. 1822 ; CN1-262, 12 mai 1798, 1er juin 1801, 21 oct. 1810, 3 nov. 1813, 12 janv., 18 oct. 1815.— « Les Dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 163.— Recensement de Québec, 1818 (Provost), 245.— La Gazette de Québec, 22 mars 1810, 2 avril 1829.— Hare et Wallot, les Imprimés dans le B.-C., 217, 229, 315, 352.— Quebec directory, 1822.— Raymond Gariépy, les Terres de L’Ange-Gardien (Québec, 1984), 602–603.— J.[E.] Hare et J.-P. Wallot, « les Imprimés au Québec (1760–1820) », l’Imprimé au Québec : aspects historiques (18e–20e siècles), sous la direction d’Yvan Lamonde (Québec, 1983), 110–111.— P.-G. Roy, Toutes Petites Choses du Régime anglais, 1 : 232–233.— Charles Trudelle, Paroisse de Charlesbourg (Québec, 1887), 198.— N.-E. Dionne, « l’Emprisonnement de Pierre Bédard », BRH, 6 (1900) : 58, 60.— Claude Galameau, « les Métiers du livre à Québec (1764–1859) », Cahiers des Dix, 43 (1983) : 148, 150, 154.— J.-E. Roy, « l’Imprimeur Charles Lefrançois », BRH, 2 (1896) : 95.— Charles Trudelle, « l’Imprimeur Charles Lefrançois », BRH, 2 : 126.
Jean-Marie Lebel, « LEFRANÇOIS, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lefrancois_charles_6F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |