LEFEBVRE, EUGÈNE (Charles-Pierre-Eugène), prêtre catholique, jésuite et missionnaire, né le 12 décembre 1854 à Saint-Guillaume, Bas-Canada, fils de François Lefebvre, fermier, et de Marguerite Rinfrette ; décédé le 27 janvier 1914 à Sudbury, Ontario.

D’abord élève au séminaire de Saint-Hyacinthe, Eugène Lefebvre entra au noviciat des jésuites à Sault-au-Récollet (Montréal-Nord) le 9 octobre 1876. Il poursuivit ses études de 1878 à 1880 au collège Saint-Acheul d’Amiens, en France, puis de 1880 à 1882 au Stonyhurst College, en Angleterre, où il se spécialisa en philosophie et en sciences. De retour au Canada, il se joignit au personnel enseignant du collège Sainte-Marie à Montréal et commença à étudier la théologie en 1885 au scolasticat de l’Immaculée-Conception.

Lefebvre fut ordonné prêtre à Montréal le 19 mars 1888 et fit une autre année d’études au collège Sainte-Marie. En 1889, il alla pour la première fois dans le nord de l’Ontario, où il passa un an comme missionnaire et instituteur auprès des Sauteux à Wikwemikong dans l’île Manitoulin. De retour au collège Sainte-Marie à titre de préfet des études, il entreprit ensuite une dernière année de formation spirituelle au noviciat de Sault-au-Récollet. En septembre 1892, il partit pour Sudbury afin de faire du travail missionnaire dans les collectivités clairsemées de la région. Il prononça ses vœux perpétuels à cet endroit le 2 février 1893. Née en 1883 au moment de la construction du chemin de fer canadien du Pacifique, la localité de Sudbury s’était transformée en ville minière et forestière après la fin des travaux en 1885. Lefebvre y resta quatre ans, après quoi il fut missionnaire durant cinq ans à Massey Station (Massey), puis quatre ans à Chapleau. Le 27 janvier 1906, il retourna à Sudbury en tant que supérieur local des jésuites et curé de la paroisse Sainte-Anne. Il exercerait ces fonctions jusqu’à sa mort, exactement huit ans plus tard.

De par sa position, Lefebvre était un personnage important de la collectivité francophone de Sudbury, qui représentait environ un tiers de la population locale et progressait. Sudbury était alors une ville pionnière où l’on trouvait des hôtels fréquentés par des bûcherons et des mineurs ; c’est pourquoi Lefebvre créa en janvier 1912 l’Association pour protéger les filles d’hôtel, société philanthropique vouée à la préservation des bonnes mœurs des jeunes Canadiennes françaises qui travaillaient dans ces établissements. L’année suivante, il fonda une succursale de la Ligue du Sacré-Cœur, qui veillait au bien-être spirituel des hommes et garçons de la paroisse. En outre, il contribua à la fondation de la caisse populaire en facilitant la visite d’Alphonse Desjardins à Sudbury.

Ce fut dans le secteur de l’éducation que Lefebvre affronta le plus de difficultés. Dans des études récentes, on l’accuse d’avoir été, au mieux, un tiède défenseur de l’enseignement en français. Cependant, Lefebvre devait tenir compte du fait que plus de 40 % des familles de sa paroisse étaient anglophones (bon nombre d’entre elles étaient d’origine irlandaise) ; quelques années plus tard, on fonderait d’ailleurs une paroisse de langue anglaise. En tant que curé, Lefebvre était surintendant de l’école séparée, ce qui lui imposait la tâche délicate de maintenir l’équilibre entre les deux groupes linguistiques au moment même où l’enseignement en français devenait un sujet de controverse dans la politique ontarienne [V. sir James Pliny Whitney]. La fondation du collège du Sacré-Cœur de Sudbury, à laquelle il participa de près, nécessita aussi des compromis. Sur le modèle des collèges classiques de la province de Québec, ce collège jésuite était destiné aux jeunes Canadiens français de la région. Pour que Mgr David Joseph Scollard* en autorise la fondation en 1912, Lefebvre dut accepter que ce soit un établissement bilingue, disposition qui ne tarda pas à devenir lettre morte.

Eugène Lefebvre n’avait rien d’éblouissant. Peut-être la meilleure façon de le définir est-elle de dire qu’il était représentatif des membres du clergé catholique qui dirigèrent ou suivirent la migration canadienne-française dans le nord-est de l’Ontario vers la fin du xixe siècle et jouèrent un rôle essentiel dans la transplantation et la survie d’institutions sociales et culturelles identiques à celles du Québec.

Angus D. Gilbert

Dans le certificat de décès d’Eugène Lefebvre (AO, RG 80-8-0-538, no 29872), le prénom qui figure est Eugène-Pierre, et dans J.-B.-A. Allaire, Dictionnaire biographique du clergé canadien français (6 vol., Montréal et Saint-Hyacinthe, Québec, 1908–1934), on donne Charles-Pierre-Eugène ; le registre de baptême aux ANQ-MBF, CE3-11, indique cependant seulement Eugène.

Arch. de la Compagnie de Jésus, prov. du Canada français (Saint-Jérôme, Québec), Litteræ annuæ provinciæ canadensis Societatis Iesu a die 1a aug. 1912 ad diem 1am aug. 1917 (texte dactylographié, Montréal, 1923 ; photocopie aux Jesuit Fathers of Upper Canada Arch., Toronto).— Arch. des jésuites à l’univ. de Sudbury (Sudbury, Ontario), Paroisse Sainte-Anne de Sudbury, diarium, I (1883–1924).— Sudbury Star, 28 janv. 1914.— Biographies de la région de Sudbury (Sudbury, 1980), 71.— Catalogus missionis canadensis Societatis Jesu (Montréal), 1888–1907.— Gail Cuthbert Grant, « The development of French-Canadian social institutions in Sudbury, Ontario, 1883–1920 », Rev de l’univ. Laurentienne (Sudbury), 11 (1978–1979), no 2 : 5–22.— Alphonse Raymond, « Paroisse Sainte-Anne de Sudbury, 1883–1953 », Soc. hist. du Nouvel-Ontario, Doc. hist. (Sudbury), no 26 (1953).

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Angus D. Gilbert, « LEFEBVRE, EUGÈNE (Charles-Pierre-Eugène) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lefebvre_eugene_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
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