LECOURT, JOSEPH-PIERRE-MICHEL (baptisé Pierre-Joseph-Michel), architecte et fonctionnaire, né le 5 septembre 1824 à Québec, fils de Pierre-Michel Lecourt, navigateur, et de Julie Defoy ; le 15 novembre 1848, il épousa au même endroit Marie-Eulalie Pâquet, et ils eurent deux fils et au moins quatre filles, dont l’une épousa Joseph Tassé* ; décédé le 10 mars 1913 à Ottawa.
Joseph-Pierre-Michel Lecourt étudie de 1840 à 1844 au séminaire de Nicolet, puis reçoit une formation d’architecte et d’ingénieur auprès de Frederick Hacker, architecte britannique installé à Québec. À l’âge de 21 ans, il commence à exercer sa profession à Québec tout en poursuivant son apprentissage jusqu’en 1846, année du décès de son maître. Il est probable qu’il ait à ce moment travaillé aux côtés de l’architecte britannique Edward Staveley, dernier associé de Hacker. Associé en 1848 à l’architecte irlandais Goodlatte Richardson Browne, il quitte ce dernier quatre ans plus tard, pour entrer au service du gouvernement de la province du Canada, ce qui l’amène à Toronto en 1855. Par la suite, Lecourt exécute un certain nombre de plans pour la ville de Québec, dont le maire est Hector-Louis Langevin*, et s’illustre par quelques projets architecturaux avant de suivre le Parlement quand il se déplace à Ottawa, en 1865.
De sa fréquentation d’architectes formés outremer, Lecourt retient, surtout dans ses premières œuvres, le néo-classicisme ; ce style caractérise d’ailleurs la production de la firme Browne et Lecourt, dont l’hôtel de ville de Québec (1850) constitue un exemple éloquent. Ce n’est qu’après la conception de la halle du marché Champlain (1858) que Lecourt s’écarte de cet héritage stylistique pour se tourner vers la Renaissance italienne, moins sévère, qui exploite le vocabulaire classique en termes décoratifs. Dans l’ornementation de l’hôtel Beaver, rue Saint-Jean (1860), en particulier par la richesse décorative de l’étagement soutenu et du fenêtrage, Lecourt s’éloigne clairement de l’austérité néo-classique des Hacker, Browne ou Staveley.
Parmi les premières œuvres néo-Renaissance à Québec, l’Asile des dames protestantes de Québec (1862), œuvre de Lecourt, se distingue. Caractérisé par une corniche massive portée par des modillons ouvragés et par les formes variées de ses ouvertures, l’élégant édifice constitue en outre un des meilleurs exemples du style de la Renaissance italienne dans la ville. Dans sa pratique, l’architecte est moins guidé par une théorie architecturale que par une banque de modèles dans laquelle il puise les compositions qu’il adapte aux programmes : l’asile de Beauport (1864) adopte ainsi l’image plus sévère des palazzi urbains, qui convient davantage à sa fonction de réclusion qu’une architecture de villégiature. Par la subordination de l’ornementation à une composition rigoureuse, les œuvres néo-Renaissance de Lecourt se distinguent particulièrement de celles d’autres architectes qui feront un usage plus pittoresque du style. La porte Saint-Jean (1863), conçue en collaboration avec l’ingénieur Charles Maitland Tate, offre ainsi un traitement décoratif poussé contenu dans un cadre symétrique, nettement divisé horizontalement, qui inscrit l’ensemble dans la continuité du paysage urbain de la ville classique.
En 1873, Lecourt laisse son poste de dessinateur à la Direction des affaires indiennes, où il travaille depuis 1866, pour celui d’architecte surveillant, responsable des constructions au Manitoba, au département des Travaux publics ; le service d’architecture est alors dirigé par Thomas Seaton Scott*. Lecourt quitte la capitale pour le Manitoba où, en l’absence d’architectes locaux, il œuvre à l’implantation de l’image fédérale ; il supervise les constructions gouvernementales et dessine lui-même à Winnipeg les bureaux de poste et de douane (1873), la résidence du lieutenant-gouverneur (1880), et autres signes tangibles de la présence fédérale dans la nouvelle province. Si l’isolement professionnel de Lecourt au Manitoba permet de dégager ses réalisations de l’anonymat des Travaux publics, il n’en demeure pas moins que celles-ci s’inscrivent à compter de ce moment dans une conception uniformisée d’une architecture d’État, évoquant davantage l’œuvre des Travaux publics qu’un style personnel, ainsi qu’en témoigne son Hôtel du Parlement (1880), à Winnipeg.
Dès que Lecourt revient dans la capitale fédérale, dans les années 1880, son œuvre se fond dans l’anonymat de la production collective du service d’architecture des Travaux publics. Suivant la politique du département, il paraît ne plus accepter les commandes privées ; il ne signe plus que les rapports de ses inspections, notamment au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et au Québec.
Il est possible que Lecourt ait bénéficié d’appuis politiques : les invitations que l’architecte reçoit à Ottawa témoignent certes d’un entourage influent. Cependant, en 1881, après avoir été recommandé au poste d’architecte en chef du dominion du Canada, il se voit déclassé par Thomas Fuller*. Le caractère politique des nominations dans ce service était notoire. Peut-être s’était-il fait des ennemis en contestant, en 1852, le testament de son oncle l’abbé Louis-François Parent*, qui avait laissé ses biens à la corporation épiscopale de Québec. Lecourt avait tenté, mais sans succès, de faire abroger le droit de la corporation de recevoir ces biens, et il avait alors eu l’appui du Globe de Toronto et du Montreal Witness.
Habile dessinateur, Lecourt doit à sa formation les moyens graphiques nécessaires à l’élaboration d’une architecture de. composition originale pour laquelle seule l’exactitude d’un dessin, garante d’une exécution fidèle, lui permet de dicter ses propres choix sur un chantier auquel il ne participe pas. Son émancipation du répertoire formel adopté par la plupart des architectes de la province de Québec est sans doute due à sa fréquentation de professionnels européens enclins, de par leur formation, à la recherche de nouveauté plutôt qu’à la reproduction des formes traditionnelles. C’est dans leur répertoire que Lecourt, sans doute aussi nourri par son séjour à Toronto, puise les sources de l’œuvre qui l’inscrit parmi ces architectes responsables au xixe siècle du renouveau architectural urbain.
Un des premiers employés du service d’architecture des Travaux publics, Joseph-Pierre-Michel Lecourt conserve jusqu’à son décès le poste pour lequel il n’obtient la permanence qu’en 1908 ; la longévité de sa carrière, en dépit des remaniements organisationnels et des revirements politiques, mérite d’être soulignée. Comme architecte, Lecourt s’est distingué, et ce malgré le caractère sporadique de sa production, comme un pionnier à Winnipeg et un novateur à Québec ; à Ottawa, c’est dans l’architecture d’églises qu’il s’est révélé. Il laisse le souvenir d’un professionnel accompli et d’un homme profondément engagé dans son milieu social, tout particulièrement chez les Franco-Manitobains, qui louent tant son dévouement que son architecture.
AC, Québec, Minutiers, Philippe Huot, 3 sept. 1860.— ANQ-Q, CE1-1, 19 sept. 1824, 15 nov. 1848 ; CN1-43, 7 févr. 1862 ; CN1-53, 20 sept. 1850 ; CN1-97, 3 juin 1847 ; CN1-255, 17 avril, 10 déc. 1860, 10 mai 1861, 29 déc. 1863, 18 janv. 1864 ; CN1-294, 2 oct. 1845, 24 août 1864 ; M186, J.-M. Lecourt et Tate.— Arch. du séminaire de Nicolet, Québec, F085 (Séminaire de Nicolet).— Le Canadien, 25 oct. 1858.— Le Journal de Québec, 14, 19 déc. 1848, 21 oct., 14, 18 nov. 1865, 21 oct. 1881.— Le Métis (Saint-Boniface, Manitoba), 26 juill., 23 août 1873.— La Minerve, 27 janv. 1869, 6 mai 1881, 20 janv. 1882, 23 nov. 1887, 9 janv. 1888, 19 janv., 10 avril 1893, 2 janv. 1894.— Ottawa Evening Journal, 13 mars 1913.— Winnipeg Tribune, 24 févr. 1954.— Annuaire, Québec, 1850–1858.— Margaret Archibald, By federal design : the chief architect’s branch of the Department of Public Works, 1881–1914 (Ottawa, 1983), 6, 12, 17, 36.— France Gagnon-Pratte, l’Architecture et la Nature à Québec au dix-neuvième siècle : les villas ([Québec], 1980).— H. D. Kalman, Exploring Ottawa : an architectural guide to the nation’s capital (Toronto, 1983).— Luc Noppen et al., Québec : trois siècles d’architecture ([Montréal], 1979), 90, 142, 281.— A. J. H. Richardson et al., Quebec City : architects, artisans and builders (Ottawa, 1984), 119, 301, 348–351.
Lucie K. Morisset, « LECOURT, JOSEPH-PIERRE-MICHEL (baptisé Pierre-Joseph-Michel) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lecourt_joseph_pierre_michel_14F.html.
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |