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LECLERC, FRANÇOIS (baptisé François-Xavier), homme d’affaires et manufacturier, né le 20 janvier 1865 à Saint-Pierre, île d’Orléans, Bas-Canada, fils de François Leclerc, cordonnier, et de Marie-Rosalie Ferland ; le 20 janvier 1890, il épousa dans la paroisse Saint-Sauveur, à Québec, Zélia Richard (décédée le 5 juillet 1918), et ils eurent 11 enfants, dont 5 moururent en bas âge ; décédé le 30 janvier 1939 à Québec.
Aîné d’une famille nombreuse, François Leclerc ne fait pas de longues études : il ne fréquente que l’école de son village, qu’il quitte adolescent afin d’assister son père dans les travaux de la ferme et dans ses tâches de cordonnier. Vers l’âge de 18 ans, il s’installe à Québec, vraisemblablement chez son oncle Cléophas Leclerc, cordonnier dans le quartier Saint-Roch, et pendant six ans travaille chez un épicier pour un salaire modeste de 2 $ par mois. Après ces années d’apprentissage dans le commerce de détail, il ouvre une épicerie en 1889 au coin de la rue Saint-Olivier et de la côte Sainte-Geneviève, dans le quartier Saint-Jean. En 1892, il installe son magasin rue du Roi, dans Saint-Roch, puis ferme boutique l’année suivante. Le petit commerce de détail, surtout dans le domaine de l’alimentation, est un secteur difficile. Sans doute influencé par son jeune frère Louis, confiseur, et peut-être attiré par la perspective d’un salaire plus sûr, François s’oriente vers le domaine de la fabrication de biscuits. En 1893, il rejoint ainsi son frère dans l’entreprise de Désiré Charest, pâtissier et confiseur de la rue Saint-Joseph, dans le quartier Saint-Sauveur. Il y gravit peu à peu les échelons jusqu’à devenir contremaître à la manufacture de biscuits que Charest établira plus tard rue Sauvageau (De Mazenod). Leclerc demeure à l’emploi de Charest jusqu’à ce qu’il décide, à l’âge de 40 ans, de fonder sa propre biscuiterie.
Le secteur de la fabrication de biscuits à Québec est, au début du xxe siècle, hautement concurrentiel. D’abord dominé au xixe siècle par d’importants grossistes locaux approvisionnant directement les petits commerces de détail de la ville, il est ensuite marqué par l’ouverture de succursales des grands biscuitiers de Montréal et de Toronto. Ainsi, lorsque Leclerc met sa biscuiterie sur pied, il doit affronter près d’une vingtaine de fabricants et de grossistes, disséminés un peu partout sur le territoire, en plus des boulangers et confiseurs qui en font également. La liste des clients de son ancien employeur et les secrets de certaines recettes en main, au fait de toutes les opérations de fabrication, il fonde son entreprise le 17 juin 1905 avec quelques centaines de dollars comme mise de fonds initiale et l’installe dans une pièce de sa propriété de la rue Arago, dans Saint-Roch, qu’il a acquise en 1892 pour la somme de 1 000 $. Il emprunte 125 $ à un cousin pour acheter un cheval et une voiture. Avec l’aide de son épouse Zélia, il fabrique ses biscuits à la main avec un tout petit four. En 1906, il établit le commerce boulevard Langelier, mais le ramène au domicile familial l’année suivante et aménage, dans les dépendances arrière, une petite manufacture à deux étages munie d’un four en brique qui sera ultérieurement alimenté à l’électricité.
Dès les débuts de l’entreprise, Leclerc met au point le biscuit éponge à la gelée de pommes, qui deviendra sa spécialité, puis le biscuit Feuille d’érable. Jusqu’à son décès, il ajoute d’autres variétés à sa production telles que des biscuits sandwich, au vin, au thé et le biscuit Village. D’abord, il vend ses biscuits en faisant du porte-à-porte, puis en approvisionnant les épiceries des quartiers environnants. Dans les années 1920, ses produits se retrouveront déjà à Kamouraska et, dans les années 1930, de Trois-Rivières à Gaspé.
L’année 1918 est dure pour Leclerc. Il doit faire face au décès de son épouse, qui le laisse seul avec au moins quatre enfants sous le toit familial, et à un incendie qui endommage sa maison et sa manufacture. Sorti indemne des difficultés liées à l’approvisionnement en farine et en sucre occasionnées par le rationnement des denrées alimentaires décrété par le gouvernement canadien pendant la Première Guerre mondiale, il agrandit sa manufacture en 1920 et s’adjoint progressivement les services de ses fils Albini et Donat, qui s’initient au métier et prennent dorénavant part aux activités de l’entreprise.
Le 2 mai 1931, le feu endommage une seconde fois la maison et détruit complètement la manufacture de trois étages. Les pertes s’élèvent à environ 75 000 $, dont Leclerc recouvre près du tiers grâce à ses assurances. Deux mois plus tard, il achète l’ancienne manufacture de chaussures O. Goulet et Fils inc., rue Saint-Vallier, pour la somme de 12 000 $ qu’il paie immédiatement. D’une demi-douzaine d’employés en 1908, la biscuiterie en compte près de 50 lors de sa réouverture en 1931. Selon l’agence de crédit Bradstreet, son capital passe de la classe Z (0 $ à 500 $) en 1909 à la classe T (10 000 $ à 20 000 $) en 1927, pour ensuite diminuer légèrement jusqu’à la fin de la crise économique.
Leclerc a fait preuve de prudence dans ses investissements. Il acquiert d’abord en 1911 un immeuble rue Turgeon, qu’il cède ultérieurement à sa fille Marie-Berthe, puis, quelques années plus tard, un autre terrain dans la même rue, où il fait construire en 1929 un immeuble à logements au coût de 6 000 $. Quelques jours avant l’incendie de 1931, peut-être dans le but d’agrandir encore une fois la manufacture, il achète deux lots de terrain entre la manufacture et le coteau Sainte-Geneviève au prix de 1 500 $.
Fervent croyant, Leclerc s’implique dans les œuvres paroissiales, dont la conférence de la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Québec, la Ligue du Sacré-Cœur, l’Apostolat de la prière, le Tiers-Ordre de Saint-François-d’Assise et la Congrégation de la Sainte-Vierge. Il est de plus marguillier de la paroisse Notre-Dame-de-Jacques-Cartier de 1928 à 1930. Selon les notices nécrologiques, il laisse le souvenir d’un bienfaiteur et d’un homme d’une grande honnêteté qui faisait la charité, aidait et secourait les moins nantis très discrètement. C’est ainsi qu’après le décès de sa fille Marie-Berthe en 1928, il accueille son gendre et ses neuf petits-enfants, qu’il élève comme ses propres enfants jusqu’à sa mort.
Leclerc meurt le 30 janvier 1939, quelques jours après son soixante-quatorzième anniversaire. À ses fils Albini et Donat, il lègue la manufacture de biscuits, la maison familiale et un immeuble à logements estimés, sans la machinerie de la manufacture, à 47 200 $ selon l’évaluation municipale. Les funérailles ont lieu à l’église Notre-Dame-de-Jacques-Cartier le 2 février et rassemblent plusieurs travailleurs et représentants du monde des affaires de la basse ville. L’inhumation a lieu le même jour au cimetière Saint-Charles à Québec.
François Leclerc a su s’adapter aux conditions économiques de ce début de xxe siècle et se relever des épreuves qui ont compromis l’essor de son entreprise. Engagé dans son milieu, il a contribué à sa façon au développement des quartiers Saint-Roch et Saint-Sauveur en procurant du travail à plusieurs ouvriers que le déclin de l’industrie de la chaussure a laissés sans emploi. Grâce à ses 12 années d’expérience comme employé de la biscuiterie Charest, son sens des affaires développé, la succession assurée par ses deux fils et la croissance modérée de son entreprise, Leclerc a pu traverser la crise économique des années 1930 et survivre dans ce secteur manufacturier hautement concurrentiel. Biscuits Leclerc Limitée connaît depuis les années 1980 une importante croissance, si bien que, au début du xxie siècle, la compagnie centenaire possède cinq usines au Canada et aux États-Unis où sont fabriqués une centaine de produits, dont une partie est exportée dans plus de 20 pays.
AVQ, QA5, rôles d’évaluation et d’imposition, 1883–1939 ; QC2-6/746 ; QD1, permis de construction.— BAC, RG 31, C1, 1871, Montmorency, Saint-Pierre, Québec ; 1881, Montmorency, Saint-Pierre, Québec ; 1891, Montmorency, Saint-Pierre, Québec, et Québec, ville, quartier Saint-Jean et quartier Saint-Roch ; 1901, Montmorency, Saint-Pierre, Québec, et Québec Est, quartier Jacques-Cartier ; 1911, Québec Est, quartier Jacques-Cartier.— BAnQ-Q, CE301-S12, 20 janv. 1865 ; CE301-S96, 20 janv. 1890 ; CN301-S357, 1883–1937 ; TP11, S1, SS2, SSS1, dossier 1244 (1925) ; dossier 2207 (1889) ; dossier 31100 (1935).— Bureau de la publicité des droits (Québec), vol. B-432, no 227456.— FD, Cimetière Saint-Charles (Québec), 2 févr. 1939.— Palais de justice, Québec, Cour supérieure, Greffes, Paul Grenier, 28 avril 1931.— L’Action catholique (Québec), 31 janv., 3 févr. 1939.— Les Affaires (Montréal), 3 déc. 1994.— L’Événement, 4 mai 1931.— Le Magazine perspectives (Montréal), 26 sept. 1981.— Le Soleil, 6 juill. 1918, 31 déc. 1928, 4 mai 1931, 31 janv. 1939.— Annuaire, Québec, 1884–1939.— Diane Bérard, « Vendre en 1994 », PME (Montréal), 10 (1994), no 2 : 6–10.— Bradstreet’s book of commercial ratings of bankers, merchants, manufacturers, etc., in the United States and Canada (New York), 1909–1933.— Insurance plan of the city of Quebec, Canada (2 vol., Montréal, 1922).— J.-M. Lebel, « les Leclerc : héritiers d’une longue tradition de fabricants de biscuits », Prestige (Québec), 7 (2002–2003), no 3 : 38–39.— Une page d’histoire de Québec : magnifique essor industriel ([Montréal, 1955]), 206–208.
André Roy, « LECLERC, FRANÇOIS (baptisé François-Xavier) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/leclerc_francois_16F.html.
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Auteur de l'article: | André Roy |
Titre de l'article: | LECLERC, FRANÇOIS (baptisé François-Xavier) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2014 |
Année de la révision: | 2014 |
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