LE MERCIER, FRANÇOIS-JOSEPH, prêtre, jésuite, missionnaire en Huronie et supérieur général des missions de la Nouvelle-France, né à Paris le 3 octobre 1604 de Paul Le Mercier, orfèvre et valet de chambre du roi, et de Marie Du Jardin, mort à la Martinique le 12 juin 1690.

Il fut admis au noviciat de la Compagnie de Jésus, à Paris, le 22 octobre 1622. Tout le début de sa carrière religieuse se passa à Paris, où, après son noviciat, il suivit les cours de philosophie et de théologie au collège de Clermont, y enseignant aussi durant quatre années. Ordonné prêtre en 1633, il traversa en Nouvelle-France dès la fin de sa formation de jésuite et arriva à Québec le 20 juillet 1635. Trois jours plus tard, il partait en canot pour la Huronie, où il arrivait le 13 août.

A cette époque, les missionnaires habitaient ordinairement à Ihonatiria, sous l’autorité du père Jean de Brébeuf. Le père Le Mercier fit auprès de ce pionnier l’apprentissage de la langue et ses débuts dans l’apostolat. Nommé Chaüosé par les Hurons, il se distingua dès l’abord par ses succès dans l’étude de leur langue. Les missionnaires vivaient en des cabanes d’écorces construites à la mode du pays. La chapelle elle-même n’était pas d’un autre style. Mangeant, lisant ou conférant ensemble accroupis par terre, sans meubles, couchant tout habillés sur des nattes, sans couvertures, les jésuites vivaient en tout à la manière indienne. D’Ihonatiria (Saint-Joseph I), ils rayonnaient dans les villages voisins, hôtes souvent mal accueillis des indigènes, logeant dans leurs tentes, affligés de la promiscuité, de la saleté, de la fumée et ennuyés par les chiens. Leur nourriture était celle des Indiens, la sagamité, pâte liquide faite d’eau et de maïs écrasé, aromatisée parfois de poisson faisandé ou séché. La citrouille, déclarée excellente par les jésuites, était une part importante du menu. Le maïs et la citrouille étaient les cultures principales des Hurons, dans les champs qu’ils entretenaient à proximité de leurs villages et qu’ils abandonnaient de dix ans en dix ans, à peu près, en déplaçant leur habitation. Les viandes et les poissons frais étaient rares, la chasse et la pêche n’étant qu’intermittentes et souvent peu fructueuses. Dans les voyages apostoliques, les Hurons eux-mêmes nourrissaient les missionnaires, non sans être payés de petits objets, couteaux, alênes, etc., que les pères avaient constamment avec eux. À la résidence centrale, les domestiques cultivaient à l’indienne et allaient à la chasse ou à la pêche pour les jésuites.

Les missionnaires français s’adaptèrent bien à l’habitation et au régime, mais il leur arriva aussi d’être terrassés par les épidémies qui affligèrent alors les Hurons. Le père Le Mercier reçut la charge d’infirmier, qui lui donna une occupation considérable en 1636. L’année suivante, en raison de ces mêmes maladies, l’hostilité des Hurons atteignit un point où le massacre général des missionnaires fut décidé dans les conseils. Au même temps, Brébeuf voyait à la fondation d’un nouveau poste, Ossossané, qui devint en 1637 la seconde base principale d’opérations pour les apôtres. Le Mercier en reçut la direction. C’est à Ossossané que Brébeuf présida au banquet d’adieu qui devait précéder la mort des jésuites. Il rédigea l’admirable lettre du 28 octobre 1637, que tous les pères signèrent et où il déclarait la fermeté et la résignation de tous devant la mort. La menace n’eut pas d’effet cette fois, mais les sévices continuèrent jusqu’à 1640 et le père Le Mercier lui-même fut personnellement attaqué et manqua de peu d’être brûlé. Son courage et son éloquence le sauvèrent ce jour-là.

Avec l’arrivée du père Jérôme Lalemant comme supérieur de la mission, le 28 août 1638, la méthode missionnaire allait changer. Jusque là, les missionnaires habitaient parmi les Hurons, à Ossossané, où résida le père Lalemant pendant quelque temps, et à Téanaostaiaé (Saint-Joseph 11), que Brébeuf avait choisi au printemps de 1638 au lieu d’Ihonatiria. Le père Lalemant fit faite le recensement des villages hurons, dont la population se monta à environ 12 000 âmes. Puis il décida de concentrer les missionnaires dans, une résidence isolée, le fort Sainte-Marie, que l’on construisit en 1639 sur le territoire actuel de Mid-land. Les jésuites devaient rayonner de là, dans leurs courses à travers les villages hurons. À titre de ministre et de procureur, le père Le Mercier eut certainement une grande part dans l’édification de ce poste. Mais il ne négligea pas l’apostolat pour autant. Ses grandes aptitudes à la langue huronne lui donnèrent l’occasion de s’éloigner souvent de Sainte-Marie, dans les premières années, les besognes domestiques étant abandonnées aux pères Isaac Jogues et Pierre Pijart. Cependant, à mesure que la résidence des missionnaires devenait un centre régulier de ralliement pour les Hurons chrétiens, le père Le Mercier put exercer auprès d’eux son apostolat sans se déplacer. C’est lui qui, tout en veillant à l’administration de la maison, avait le soin des néophytes de passage. Déjà en 1642, le père Lalemant comprit qu’il faudrait encore diviser les apôtres et les disperser par petits groupes stables dans les bourgades. Sainte-Marie-des-Hurons demeura un centre de retraite et de repos, où les pères venaient se recueillir et reprendre des forces, où les Indiens venaient parfaire leur instruction et recevoir le baptême en des cérémonies plus solennelles. Le père Le Mercier présidait à tout cela. Il avait également la direction des donnés et des domestiques, qui s’affairaient au service de la maison, à la culture des champs, à la chasse et à la pêche, en même temps qu’à la défense éventuelle de l’établissement. Sous sa conduite générale, « on défricha le sol, on ensemença, on fit monter de Québec, au prix d’efforts inouïs, du bétail et de la volaille. Le nouvel établissement devint une ferme importante. Les récoltes, la chasse, la pêche et les échanges suffirent, après quelques années, à l’entretien de la communauté, des donnés et des domestiques » (Rochemonteix, I : 396). Le père Le Mercier vécut ainsi à la résidence centrale sous les deux supériorités du père Jérôme Lalemant et du père Paul Ragueneau.

On sait que les Iroquois entreprirent, en 1648–1649, la ruine systématique de la nation huronne. Après le martyre des pères Jean de Brébeuf et Gabriel Lalemant, au printemps de 1649, les Hurons survivants supplièrent les pères d’émigrer avec eux à l’île Saint-Joseph (Christian Island). Les pères Raguenau et Le Mercier y consentirent et brûlèrent, le 14 juin 1649, leur résidence de Sainte-Marie. Ils en reconstruisirent une semblable, du même nom, dans l’île. Malgré la prévoyance administrative du père Le Mercier, l’hiver suivant s’acheva en une incroyable disette, qui, conjuguée avec les dernières incursions iroquoises sur le continent, força les missionnaires et une bonne partie des Hurons à descendre se réfugier près de Québec, en 1650.

Revenu de Huronie, le père Le Mercier résida à Québec les années suivantes. En 1652, on le voit occupé à procurer des secours à la colonie de Trois-Rivières, menacée par les Iroquois. Malgré les avis des habitants eux-mêmes, il fit ériger des fortifications qui permirent, en 1653, de tenir en échec 500 Iroquois qui avaient juré la destruction de ce poste. Le 6 août 1653, on apprenait sa nomination comme recteur du collège de Québec et supérieur général des missions en Nouvelle-France. C’est ainsi qu’il prendra part aux négociations de la paix avec les Iroquois. Il n’a pas hésité à partager lui-même les dangers auxquels il exposait ses inférieurs en les envoyant chez ces Indiens. Le 11 mai 1656, il nomme le père Jérôme Lalemant vice-supérieur de la mission, en attendant que le père général lui donne un successeur ; le père Jean de Quen le remplacera durant l’été. Quant à lui, il se joignit, en mai, à l’expédition missionnaire au pays des Iroquois, organisée à la suite des ambassades du père Simon Le Moyne à Onontagué. Les Iroquois donnèrent au père Le Mercier le nom de Teharonhiagannra. Son absence dura une année. Le 1er juin 1657, il était de retour à Québec, d’où il repartait le 27 du même mois pour Montréal, peut-être avec l’intention de se rendre encore chez les Iroquois. Toutefois, le père Ragueneau, qui avait quitté Québec quelques jours avant lui et que l’on désirait alors éloigner de Québec, siège du gouvernement, fut le seul à accompagner l’expédition en haut de Montréal, le père Le Mercier retournant à Québec, où il s’occupa à divers travaux apostoliques.

De nouveau, le 6 août 1665, le père Le Mercier est nommé recteur et supérieur général des missions. Ce second mandat verra la renaissance des missions jésuites, aussi bien chez les Iroquois que chez les Outaouais de la région du saut Sainte-Marie. Le père Marquette prépare, au même temps, l’expédition qui le rendra fameux. Le domaine de Laprairie (près de Montréal) est ouvert à la colonisation par le supérieur. Après six années, le père Le Mercier est déchargé de son fardeau et devient primarius, c’est-à-dire préfet du collège de Québec. Mais il n’occupa ce poste qu’une année, ayant été rappelé en France par le provincial de Paris, à l’été de 1672.

Le père Paul Oliva, général de la Compagnie de Jésus, avait en effet jeté les yeux sur le missionnaire déjà vétéran pour lui confier la réorganisation des missions des Jésuites français aux Antilles, alors en pleine crise interne. En 1673, le supérieur de ces missions fut rappelé en France et le père Le Mercier envoyé à sa place avec la charge de visiter tous les missionnaires au nom du père général. Le visiteur entra en fonction le 17 décembre 1673, parcourut toutes les missions, aplanit les difficultés et fut enfin nommé supérieur général, le 12 octobre 1674. Ce nouveau supériorat ne se termina que le 26 mars 1681, date où le père Le Mercier fut remplacé par le père Martin Poincet. Directeur spirituel et confesseur à la Martinique durant une année, l’ancien supérieur reçut encore la mission de gouverner les jésuites de cette île, de 1682 jusqu’à sa mort, survenue dans sa quatre-vingt-sixième année.

Le père Le Mercier a laissé un bon nombre d’écrits, la plupart incorporés dans la série des Relations des Jésuites. Ce sont des lettres ou des extraits de lettres, mais aussi plusieurs relations ou parties de relations, qui ont été rédigées de sa main. En 1637 et en 1638, déjà, Jean de Brébeuf s’en remettait à lui du soin d’écrire la relation de la mission huronne. Il rédigea également les rapports annuels envoyés en France durant ses années de supériorat. Son style est clair, précis, vivant, reflétant l’homme d’action et le missionnaire zélé qu’il était.

Lucien Campeau

ARSI, Codex Franc. 22, 23, Catalogues annuels des maisons et des personnes de la province de France ; Codex Gal. 109, I : 134–135, 144, 159–160, 164, 204–205, 237–238, 261–262, 264–265, 266–267, 280–281, 286–287, 315, Lettres originales.— JR (Thwaites).— François Elesban de Guilhermy, Ménologe de la Compagnie de Jésus [...] Assistance de France, comprenant les missions de lArchipel, de lArménie, de la Syrie, [...] du Canada, de la Louisiane [...], [éd. Jacques Terrien] (2 parties, Paris, 1892), I : 727s.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, I, II.

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Lucien Campeau, « LE MERCIER, FRANÇOIS-JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_mercier_francois_joseph_1F.html.

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Auteur de l'article:    Lucien Campeau
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    1986
Date de consultation:    1 décembre 2024