LE GUERNE (Guerne, De Guerne), FRANÇOIS, prêtre, spiritain et missionnaire, né le 5 janvier 1725 à Kergrist-Moëlou (dép. des Côtes-du-Nord, France), fils d’Yves Le Guerne, décédé le 6 décembre 1789 à Saint-François-de-Sales, île d’Orléans, Québec.
François Le Guerne, après quelques années passées au séminaire du Saint-Esprit à Paris, entre au séminaire des Missions étrangères, le Ier juillet 1749, où l’abbé de l’Isle-Dieu, vicaire général de l’évêque de Québec à Paris, paie sa pension. Au début de l’été de 1750, il rejoint à Rochefort la frégate Diane en partance pour Québec ; à ce moment, il n’est que clerc tonsuré. Après un séjour de plus d’une année à Québec, où il termine sa théologie, Le Guerne est ordonné prêtre, le 18 septembre 1751, par Mgr de Pontbriand [Dubreil*].
Le Guerne arrive en Acadie, probablement en 1752, afin d’y desservir les habitants de la région du fort Beauséjour (près de Sackville, Nouveau-Brunswick). Il s’occupe d’abord d’environ 80 familles à Tintemarre (Tantramar), mais au début de l’année 1754, avec le départ de l’abbé Le Guet (Du Guay), il dessert au moins 200 familles dispersées sur près de 40 lieues de pays le long des rivières Shepody, Petitcodiac et Memramcook. Comme il est appelé à se déplacer d’un poste à l’autre deux mois par année, il sollicite de l’évêque de Québec la venue d’un autre missionnaire afin de le soulager dans la lourde besogne. Il travaille de concert avec Jean-Louis Le Loutre, qui œuvre auprès des Indiens de la région.
Après la prise du fort Beauséjour, en juin 1755, par les troupes britanniques commandées par Robert Monckton, Le Guerne refuse d’obliger les Acadiens à résister à l’Anglais, car Louis Du Pont Duchambon de Vergor, l’ex-commandant du fort, et l’abbé Le Loutre « avoient dit en partant qu’il étoit de l’intérêt de l’habitant d’être bien soumis ». L’attachement des Acadiens à leur terre est tel que Le Guerne doute qu’ils acceptent de suivre une directive les invitant à la désobéissance ; de plus, il lui répugne d’endosser la responsabilité du malheur de ceux qui le feraient. Cependant, voyant le triste sort réservé de toute façon aux Acadiens – on emprisonne en vue de les déporter ceux qui se présentent au fort – Le Guerne se ravise et, accompagné d’un bon nombre d’entre eux, il se réfugie dans les bois au nord des rivières Shepody, Petitcodiac et Memramcook. Avec le concours de Charles Deschamps de Boishébert, il tente de faciliter la fuite des familles toujours en liberté et d’organiser la résistance des Acadiens qui veulent continuer à harceler l’ennemi. Il doit continuellement se cacher puisque Monckton cherche à le faire arrêter. Près de 200 familles partagent son sort en vivant dans la plus grande pauvreté, sans farine, ni lard, ni graisse, ni mélasse, ou encore sans portions suffisantes de viande. En mars 1756, Le Guerne a déjà réussi à faire passer à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) quelque 500 Acadiens [V. Gabriel Rousseau de Villejouin]. Cependant, trop attachés à leur terre et espérant voir l’Acadie redevenir française, plusieurs fidèles de son ancienne mission n’écoutent point son appel.
Au mois d’août 1757, afin d’échapper aux Britanniques, Le Guerne quitte définitivement l’Acadie pour se rendre à Québec. Aussitôt arrivé, il écrit au gouverneur Vaudreuil [Rigaud], pour solliciter de l’aide en faveur des Acadiens ; la situation étant trop critique dans la vallée du Saint-Laurent, le gouverneur rejette sa demande. Malgré le désir de l’abbé de l’ Isle-Dieu d’envoyer Le Guerne à la mission des Tamarois (Cahokia, aujourd’hui East St Louis, Illinois), Mgr de Pontbriand préfère le garder à Québec dans l’espoir de le voir retourner en Acadie une fois la paix rétablie. Mais comme la guerre se prolonge, l’évêque lui confie alors, l’année suivante, la cure de Saint-François-de-Sales, sur l’île d’Orléans.
L’abbé Le Guerne termine sa carrière dans cette paroisse, s’absentant durant un an (1768–1769) pour donner un cours de rhétorique au petit séminaire de Québec. En octobre 1789, une cinquantaine de ses paroissiens, alléguant « l’état de langueur et d’infirmité » de leur pasteur, demandent son rappel à Mgr Hubert, qui conseille au curé de se retirer. Ceux-ci se plaignent également d’être traités durement par Le Guerne, lui reprochent de refuser son ministère à un grand nombre de ses ouailles et de chercher à s’enrichir par tous les moyens. Il meurt deux mois plus tard. Dans son testament, Le Guerne lègue, entre autres, 360# au séminaire de Québec, 3 600# à celui du Saint-Esprit, à Paris, et 3 600# à ses parents en Bretagne.
AD, Côtes-du-Nord (Saint-Brieuc), État civil, Kergrist-Moëlou, 6 janv. 1725.— AN, Col., B, 92, ff.54, 86, 137v. ; C11A, 87, f.388 ; 96, ff.221, 245 ; 100, f.241.— ASQ, C 35 ; Lettres, P, 83 ; R, 14 ; S, 6Bis, C ; mss-m, 225, f.6 ; Polygraphie, XXV : 21 ; Séminaire, 14/6, no 14.— La Rue, Lettres et mémoires, ANQ Rapport, 1935–1936, 294–306 ; 1936–1937, 354–361, 395–408 ; 1937–1938, 197s., 202s., 235s., 246–248.— Le Jeune, Dictionnaire.— René Baudry, Un témoin de la dispersion acadienne : l’abbé LeGuerne, RHAF, VII (1953–1954) : 32–44.
Gérard Finn, « LE GUERNE (Guerne, De Guerne), FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_guerne_francois_4F.html.
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Auteur de l'article: | Gérard Finn |
Titre de l'article: | LE GUERNE (Guerne, De Guerne), FRANÇOIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |