LE COUTRE DE BOURVILLE, FRANÇOIS, officier de marine lieutenant de roi ; né vers 1670 près de Rouen, France, fils de François Le Coutre de Bourville et d’Élisabeth Faustin ; il épousa en janvier 1729, à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), Marie-Anne, fille de Gabriel Rousseau de Villejouin et de Marie-Josephte Bertrand, dont il eut deux filles ; décédé en France avant avril 1758.
François Le Coutre de Bourville fit ses débuts dans la marine. en qualité de garde-marine à Brest, France, en 1690. Pendant bien des années, il y fut chargé de la formation des gardes-marine. Nommé chef de brigade en 1706, il fut promu au grade d’enseigne de vaisseau vers la fin de 1712. En 28 années, il prit part à 21 expéditions, dont 16 en temps de guerre, et à 11 opérations militaires au nombre desquelles on compte le siège et la prise de Rio de Janeiro en 1711. En 1695, il fut grièvement blessé, et demeura invalide pendant cinq ans. Il fut cité pour sa bravoure en 1703. Son navire, la frégate Aurore, ayant fait la rencontre d’un corsaire hollandais, Bourville sauta sur le beaupré du vaisseau ennemi et arrima celui-ci à son propre navire. Cet exploit lui valut les félicitations du ministre de la Marine, Pontchartrain, qui qualifia l’épisode d’ « action de Distinction ».
En 1718, Bourville fut nommé major des troupes de l’île Royale, en remplacement de l’acariâtre Jean de Ligondès de Linars. Bien que, de France, ses supérieurs l’eussent chaleureusement recommandé et aient parlé de lui comme d’un « bon sujet, homme de détail, brave et de fermeté », la colonie accueillit froidement la nouvelle de sa nomination. Dans une vigoureuse protestation, les officiers de l’endroit se plaignirent que les postes vacants fussent attribués à des « officiers étrangers », alors que la nomination d’officiers choisis dans leurs rangs eût combattu la démoralisante influence de la vie de garnison à Louisbourg.
Après avoir emprunté 139# pour la traversée, Bourville arriva à l’île Royale au cours de l’été de 1719, pour assumer les premières fonctions, les seules aussi, qu’il assuma jamais sur terre. Après ses brillants états de service jusqu’à cette date, les 25 années qu’il devait passer à Louisbourg paraissent bien ternes. Admis dans l’ordre de Saint-Louis en 1725 (il avait été nommé dès 1721), Bourville hérita tout naturellement de la fonction de lieutenant de roi à l’île Royale en 1730.
À quatre reprises, il prit le commandement de l’île Royale en l’absence du gouverneur : pendant six mois d’abord, en 1722 et 1723, puis de la fin de 1729 à l’été de 1731, à l’époque où Saint-Ovide [Monbeton] était gouverneur, de nouveau de novembre 1737 jusqu’à l’arrivée du gouverneur, Isaac-Louis de Forant*, en septembre 1739, et enfin pendant les six mois qui suivirent la mort de ce dernier en mai 1740, jusqu’à l’arrivée de son successeur, Jean-Baptiste-Louis Le Prévost Duquesnel. La tâche était onéreuse, car Bourville n’avait que sa solde pour soutenir son rang. Après chaque période de commandement, « endepté considérablement », il demandait une gratification destinée à compenser pour ce qu’il qualifiait de dépenses extraordinaires engagées « principalement lors des fêtes royales ». En 1742, Duquesnel confirma la pauvreté extrême de Bourville ajoutant que, bien qu’honnête, il s’était souvent laissé entraîner par des amis de mauvais conseil.
Les commandants intérimaires ne prenaient en général aucune initiative dans le domaine du gouvernement, mais cherchaient toutefois souvent à rehausser leur prestige d’un moment en obligeant leurs subordonnés à des marques de déférence indues. Bourville ne fit pas exception à la règle et, en 1732, le ministre Maurepas lui reprocha ses réclamations au Conseil supérieur. Tout comme les autres gouverneurs intérimaires, Bourville prisait peu l’idée d’écrire dans ses rapports des choses qui auraient pu troubler ses supérieurs. C’est ainsi qu’en janvier 1738, il écrivait au ministre : « la garnizon jouit d’une bonne santé et le service se fait avec beaucoup d’exactitude » ; tout le monde, pourtant, savait qu’il n’en était rien à Louisbourg, tout au contraire.
Les circonstances qui entourent la retraite de Bourville valent qu’on s’y arrête, car elles illustrent bien la situation des officiers âgés et sans fortune qui avaient servi aux colonies. Bien qu’il eût plus de 70 ans à la mort de Forant, Bourville sollicita la fonction de gouverneur de l’île Royale. On lui préféra Duquesnel qui, plus par compassion pour l’âge et pour la pauvreté de son subordonné que par respect pour sa compétence, intercéda en sa faveur en octobre 1742 et demanda qu’on lui octroie un poste « où il n’y eût rien à faire tel qu’un gouvernement des Trois Rivières ». Ce fut alors seulement, semble-t-il, que le ministère se demanda si Bourville pouvait encore poursuivre sa carrière : « Ne conviendroit-il pas a tous esgards qu’il prît le party de se retirer. » Avec une délicatesse bien caractéristique, Duquesnel, avec l’aide de la femme de Bourville, fit connaître à ce dernier la décision des autorités, ajoutant qu’elles étaient prêtes à lui assurer une « retrait[e] avantageuse ». Bourville accepta et, le 1er avril 1744, prit sa retraite avec une pension de 1 200 ». Louis Du Pont* Duchambon lui succéda au poste de lieutenant de roi.
François Le Coutre de Bourville retourna en France à l’été de 1744. Il avait décidé de s’installer à Niort, « où les prix [étaient] plus bas », plutôt qu’en Normandie. Il changea toutefois d’avis et s’installa à Fécamp. Sa veuve y était encore domiciliée en 1758 ; pourtant dans les années 1770, ses filles, toutes deux célibataires, résidaient à Sens.
AN, Col., B, 40, ff.32v.–33v., 514–517v., 538–539v. ; 41, ff.164–166, 592–596v. ; 49, f.245 ; 54, f.496v. ; 57, ff.748–751 ; 65, ff.484–484v. ; 68, ff.353–355v. ; 76, ff.498–498v. ; 78, ff.410–410v. ; Coll., C11B, 4, ff.164–166 ; 5, ff.35–40v. ; 6, ff.99, 283 ; 7, ff.204–209 ; 10, ff.216–216v. ; 11, ff.26–27 ; 14, ff.373–373v. ; 15, ff.26–50 ; 17, f.264 ; 18, ff.16–18 ; 20, ff.79–82, 108–108v. ; 22, ff.105–105v., 136–137v. ; 23, ff.208–209 ; 24, ff.61–61v. ; 25, ff.72–73v., 212–212v. ; 27, f.41 ; D2C, 222/ 1, p. 94 (copies aux APC) ; Col., E, 49 (dossier Bourville), 1re série, 2, 5, 6, 7 ; 2e série, 7, 9 ; 4e série, 1, 2 ; Section Outre-Mer, G1, 406 ; G3, 2 037 (15 janv. 1729) ; 2 045 (22 avril 1758).— Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis.— Le Jeune, Dictionnaire, I.— McLennan, Louisbourg.
Bernard Pothier, « LE COUTRE DE BOURVILLE, FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_coutre_de_bourville_francois_3F.html.
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Auteur de l'article: | Bernard Pothier |
Titre de l'article: | LE COUTRE DE BOURVILLE, FRANÇOIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |