LE BRETON, JOHN, officier, fermier, propriétaire de moulins et juge de paix, né vers 1779 à Jersey ; le 18 novembre 1828, il épousa Susan (Susannah) George, et ils n’eurent apparemment pas d’enfants ; décédé le 24 février 1848 à Toronto.
Il semble que les parents de John Le Breton étaient le capitaine de navire John Le Breton, qui participait au commerce avec Terre-Neuve, et sa femme Jane ; de toute évidence, ils emmenèrent leur fils dans cette île quand il était bébé. Enrôlé dans le Royal Newfoundland Fencible Régiment à titre d’enseigne en 1795, il devint lieutenant en 1798 et obtint en 1807 une commission permanente de lieutenant d’armée dans le Royal Newfoundland Régiment, qui avait succédé à son unité. Pendant une affectation à Québec en 1808, il demanda d’être muté à bord d’un vaisseau armé, sur le Saint-Laurent, ou dans un bataillon de milice du Haut-Canada, en qualité d’adjudant. À l’appui de son premier choix, il notait qu’il parlait couramment le français et avait déjà commandé un cotre au large de Terre-Neuve. L’année suivante, on le nomma sous-adjoint au quartier-maître général à Québec, affectation temporaire d’état-major qu’il détint jusqu’en mars 1812. D’avril à octobre, il fut adjudant dans les Voltigeurs canadiens ; en novembre, il rejoignit le Royal Newfoundland Régiment, où il servit à titre de sous-ingénieur.
Sûr de lui, Le Breton était un officier dont l’ambition dépassait les mérites. Toutefois, il sut montrer sa valeur au cours de neuf engagements pendant la guerre de 1812. En octobre 1813, le major général Henry Procter* l’envoya à Detroit, à l’occasion d’une trève, demander aux Américains de traiter avec humanité les prisonniers capturés à Moraviantown et de leur rendre leurs biens. Il devait aussi évaluer, en secret, la force des Américains à Detroit et sur le lac Érié. En décembre, le commodore sir James Lucas Yeo* le qualifia d’« officier intelligent, à l’esprit très clair ». Le Breton revint en février 1814 au bureau du quartier-maître général auquel il resta attaché jusqu’au milieu de 1815. Pendant cette période, il fit pression, mais sans succès, afin d’obtenir l’autorisation de lever et de commander un « corps de rangers » haut-canadiens, et en juillet 1814, à Lundy’s Lane, il reçut une grave blessure qui le laissa infirme. De juillet 1815 à avril 1816, il obtint une permission qu’il passa en Angleterre et au Canada. Promu capitaine dans le 60th Foot en mars 1816, il fut mis à la demi-solde plus tard le même mois.
En mars 1815, Le Breton avait demandé une terre dans le Haut-Canada. Quatre ans plus tard, il reçut une concession dans le canton de Nepean, situé dans la vallée de l’Outaouais ; il s’y établit et par la suite y construisit des moulins. Sa propriété, baptisée Britannia et connue plus tard sous le nom de Le Breton Flats, était située à proximité de celle que Robert Randal* avait aux chutes des Chaudières et dont il tenta de louer ou d’acheter une partie. Dès mai 1819, il y avait édifié un entrepôt. La propriété de Randal occupait un emplacement idéal à Richmond Landing, principal dépôt de transit qui desservait les établissements militaires de Perth et de Richmond. En décembre 1820, à l’occasion d’une vente judiciaire à Brockville, Le Breton l’acheta pour la somme de £449. La transaction était légale, mais elle s’ajouta tout de même à la liste des griefs politiques de Randal et donna immédiatement à Le Breton une vaste réputation de bruyant opportuniste. Le gouverneur lord Dalhousie [Ramsay] l’accusa d’avoir tiré parti de renseignements confidentiels qu’il aurait obtenus à Richmond au mois d’août précédent, au cours d’un dîner où l’on aurait parlé de l’intention du gouvernement d’agrandir un nouveau dépôt à Richmond Landing. Par la suite, plusieurs membres de la coterie des officiers à la demi-solde et des gentlemen du district appuyèrent Le Breton en témoignant que pareille question n’avait pas été abordée à ce dîner. Celui-ci refusa à plusieurs reprises de céder la propriété au gouvernement pour moins de £3 000, en dépit de l’intervention directe de Dalhousie qui, offensé, mettait en doute la légalité de l’achat et ne supportait pas l’agressivité avec laquelle Le Breton résistait aux autorités. Ce dernier conserva son titre malgré un procès intenté par la couronne en 1828, après quoi il commença à subdiviser la propriété, adjacente au nouveau village de Bytown (Ottawa) et au canal Rideau.
Les modestes réalisations de Le Breton en qualité de colon se noient, dans les annales, sous une série de querelles qui l’absorbèrent pendant près de deux décennies et qui donnent l’impression d’un vétéran amer, toujours occupé à revendiquer. Nommé juge de paix pour la première fois en 1821, dans le district de Montréal, il adressa en 1822 une requête au lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland* pour qu’on réinscrive son nom sur une liste de magistrats du Haut-Canada dont on l’avait radié sans explication. Sa demande, qui demeura sans effet, était motivée d’une part par un besoin d’argent (il prétendait avoir investi plus de £2 000 dans sa propriété) et d’autre part par l’illégalité effrénée qui régnait dans le canton de Nepean. En 1820, il avait protesté auprès du major George Hillier, secrétaire de Maitland, contre des vols de bois perpétrés sur sa terre. Des entrepreneurs forestiers l’assaillirent en 1823–1824 ; il les considérait comme des pillards et des brutes, dont certains, Philemon Wright par exemple, lui avaient encore volé du bois. Le solliciteur général Henry John Boulton* allégua en 1824 que les entrepreneurs forestiers accusés par Le Breton cette année-là avaient conclu des marchés avec lui et que tout litige devait donc se régler devant les tribunaux ; Le Breton, qui déposait souvent des accusations de violation de propriété, refusa cependant de faire appel aux tribunaux, peut-être en raison du coût et de l’issue incertaine d’un tel procès. En 1825, il réalisa un revenu supplémentaire en rachetant sa demi-solde, enfin, en 1830 puis en 1838, il reçut une commission de juge de paix dans le district de Bathurst.
De 1827 à 1839, Le Breton eut des démêlés avec le lieutenant-colonel John By, d’autres officiers supérieurs et des légistes de la province, parce qu’il réclamait des dommages-intérêts pour les pertes qui résultaient de la construction du canal Rideau et d’ouvrages adjacents. Cette controverse provenait de ce qu’on aurait pris du bois sur sa propriété et de ce que le génie royal, dans le cadre de l’aménagement des abords du canal, avait construit une digue et approfondi une voie d’eau pour amener le bois au delà des chutes des Chaudières. Situés près de la propriété de Le Breton, ces ouvrages l’empêchaient de construire sa propre digue et enlevaient toute valeur à l’emplacement de ses moulins. Cette querelle avec les autorités, qui fut probablement la plus longue et la plus complexe à découler de la construction du canal, après celle de Nicholas Sparks*, montre combien Le Breton était peu doué pour la négociation. Il refusa tout autant l’offre d’indemnisation de By qu’un jugement par jury et, même si un officier supérieur soutenait sa cause, les parties ne parvinrent pas à s’entendre sur des modalités d’arbitrage. Finalement, tant le ministère des Colonies que le gouvernement haut-canadien de sir George Arthur* désespérèrent de jamais s’entendre avec lui. Les tribunaux civils devinrent alors son seul recours mais, de toute évidence, il n’entreprit aucune poursuite ; il estimait peut-être que cela lui coûterait cher et ne servirait à rien.
Au milieu de ces tribulations, John Le Breton se maria à Québec et continua de s’y rendre périodiquement. Au début de 1832, il tenta de construire un pont de glace en s’inspirant d’études qu’il avait faites avant la guerre de 1812 sur les mouvements des glaces du Saint-Laurent. Cependant, sa principale occupation demeurait l’agriculture à Britannia (ainsi, en 1842, il occupait 660 acres, dont 60 étaient mises en valeur). Il augmentait son revenu par la vente de terres. Il vendit pour la dernière fois une portion de sa propriété des chutes des Chaudières en 1837 mais continua de s’intéresser à son aménagement ; en 1840, il correspondit avec John George Howard*, qui songeait à construire un pont dans ce secteur. Devenu veuf en juillet 1847, Le Breton s’installa à Toronto, où il mourut l’hiver suivant. Ses cinq nièces, qui y vivaient et à qui il avait légué ses biens, firent ériger à sa mémoire une grande pierre tombale au cimetière St James.
Même si John Le Breton est né à l’île de Jersey, une recherche exhaustive de la Soc. jersiaise (St Helier, Jersey) de 1979 à 1981 n’a pas permis de découvrir une référence quelconque à son baptême. Des recherches plus récentes indiquent qu’il a pu être baptisé à Terre-Neuve, possiblement dans la paroisse anglicane de la baie Conception (Harbour Grace). [d. r.]
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David Roberts, « LE BRETON, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/le_breton_john_7F.html.
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Auteur de l'article: | David Roberts |
Titre de l'article: | LE BRETON, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |