LAWSON, ALEXANDER, imprimeur, éditeur, rédacteur en chef et fonctionnaire, né le 15 janvier 1815 près d’Inverness, Écosse, fils de Daniel Lawson et d’une prénommée Catherine ; le 20 septembre 1837, il épousa à Yarmouth, Nouvelle-Écosse, Frances Campbell Ring, et ils eurent cinq fils et quatre filles ; décédé le 3 mars 1895 au même endroit.
Alexander Lawson n’était qu’un bébé quand sa famille immigra à New Glasgow, en Nouvelle-Écosse. En 1828, il entra à titre d’apprenti au Colonial Patriot de Pictou, journal libéral fondé depuis environ six mois. Il termina son apprentissage le 1er juin 1833, puis partit pour Halifax. Peu après, il s’installa à Yarmouth, où âgé de 18 ans seulement il fonda un journal qui prenait la succession du premier journal de cette petite localité, le Yarmouth Telegraph and Shelburne Advertiser. Avec le premier numéro de son Yarmouth Herald, and Western Advertiser, Lawson entamait une remarquable carrière de rédacteur en chef et d’éditeur qui allait se poursuivre jusqu’à sa mort, 62 ans plus tard, si l’on excepte les années 1845 à 1851 où, pour des raisons de santé, il dut confier le journal à Angus Morrison Gidney*.
À l’époque où Lawson commença sa carrière, le journalisme se pratiquait encore de façon artisanale. Le rédacteur en chef (souvent un ancien apprenti) devait aussi imprimer lui-même le journal dans un petit atelier avec un ou deux apprentis. (Le premier apprenti du Yarmouth Herald fut Richard Huntington, qui devint un journaliste et un homme politique réputé dans le comté de Yarmouth.) Les méthodes de production imposaient un travail énorme. Le premier numéro du journal, monté sur quatre colonnes, fut imprimé sur une petite presse manuelle en acajou. Il fallait une heure à deux employés pour produire de 200 à 250 exemplaires de l’une des quatre pages du journal. Même si en 1836 le Yarmouth Herald fit l’acquisition d’une nouvelle presse et de nouveaux caractères qui lui permirent de passer à six colonnes, la publication nécessitait encore un travail prodigieux de la part de deux employés (l’un faisait fonctionner la machine, l’autre encrait le rouleau) et exigeait que l’on manipule l’étain en feuilles avec beaucoup d’adresse quand il était impossible d’obtenir des fournisseurs de Boston les filets correspondant aux colonnes et les interlignes. En dépit de problèmes de ce genre, qui expliquent la piètre allure des premiers numéros, et du fait qu’ils contenaient trop de nouvelles britanniques et américaines, le Yarmouth Herald devint, le 22 décembre 1843, le premier journal néo-écossais à paraître deux fois la semaine (il allait redevenir hebdomadaire en août 1850). Une entreprise dont la technologie était si rudimentaire avait tendance à déménager souvent : de 1835 à 1874, le Yarmouth Herald changea de locaux au moins huit fois. Peu à peu, il prit de l’expansion et se diversifia. En 1867, il fut le premier journal de Nouvelle-Écosse à doter son atelier d’imprimerie d’une machine à vapeur. (C’était l’une des premières à avoir été fabriquées par la Burrell, Johnson and Company de Milton, dans le comté de Yarmouth.) Grâce à l’acquisition d’une manufacture de boîtes, d’une régleuse et d’une folioteuse, d’un atelier complet de reliure et, en 1885, du Yarmouth Telegraph, un supplément hebdomadaire, le Yarmouth Herald était, dans les années 1890, un établissement stable et passablement prospère. Lawson travailla fidèlement jusqu’à une semaine ou deux avant sa mort. Décédé à l’âge de 80 ans après une crise d’asthme aiguë, il était alors, estimait-on, le rédacteur en chef de journal le plus âgé au Canada.
Lawson était bien intégré à la collectivité : il fut maître de poste pendant une courte période et directeur du premier bureau de télégraphe de 1852 à 1882. Son journal, bien qu’il ait été de plus en plus associé au parti libéral, défendit très souvent l’ensemble des intérêts commerciaux de l’ouest de la Nouvelle-Écosse, surtout en prônant ardemment le libre-échange. En lisant ses colonnes (surtout le registre des navires dont les propriétaires habitaient le comté de Yarmouth, qui paraissait régulièrement, et les reportages détaillés sur les catastrophes maritimes), on peut suivre la montée et le déclin du comté de Yarmouth, grand centre de transport maritime, et de la municipalité de Yarmouth, vigoureuse collectivité de propriétaires de navires et de manufacturiers. Les opinions progressistes du Yarmouth Herald – soutien au précoce mouvement de tempérance du comté, instruction gratuite des masses, suffrage féminin – allaient de pair avec l’optimisme qui régnait dans cette région au milieu du
Le journal reflétait aussi la mentalité réformatrice de l’ouvrier sérieux du milieu de l’époque victorienne qui avait adopté dès le début Savoir, c’est pouvoir comme devise de sa publication. Ainsi, en 1845, Lawson liait le principe de la responsabilité ministérielle au triomphe du progrès : « les pratiques de l’ancien régime colonial [étant] devenues d’une absurdité trop patente pour demeurer en vigueur ou être défendues plus longtemps, le gouvernement britannique, conformément à son rang à l’avant-garde des grandes nations de la terre, [avait] accepté les changements que les hommes libres des colonies revendiquaient de par leur naissance et déployé avec confiance sur ces terres lointaines l’inestimable manteau de la constitution. Tout colon [avait] raison d’en être non seulement satisfait, mais fier. »
Ce n’est qu’à la lecture de ces propos que l’on peut comprendre l’opposition tenace de Lawson à la Confédération, l’unique grande question sur laquelle ses opinions présentent de l’intérêt aujourd’hui. Il n’était pas animé par la peur instinctive qu’un journaliste de campagne peut éprouver devant le changement, et l’esprit de clocher qui faisait craindre, à Yarmouth, que la construction du chemin de fer Intercolonial ne se révèle une source de gaspillage et de corruption l’influençait peu. Son opposition s’enracinait plutôt dans la conception qu’il avait, à titre de petit propriétaire, de la liberté naturelle des sujets britanniques. Après que l’Assemblée néo-écossaise eut adopté la proposition sur la Confédération, en avril 1866, le Yarmouth Herald proclama : « Le peuple de la Nouvelle-Écosse a trop de foi en la justice du gouvernement britannique pour croire que 350 000 loyaux sujets britanniques seront traités par ce gouvernement comme des serfs – et non comme des hommes libres – forcés de retirer leur confiance à ce gouvernement auquel ils ont toujours été authentiquement fidèles. Dans un tel cas, ce ne serait que moquerie et sarcasme que de leur donner le titre encore respecté de libres sujets britanniques. » Peu avant le 1er juillet 1867, Lawson affirma que le « Jour de l’Humiliation » approchait et décrivit la Confédération comme un terrible échec par rapport au gouvernement responsable : « Il y a près de trente ans, après une longue lutte, la Nouvelle-Écosse s’est vu concéder le droit de se gouverner elle-même et, depuis, le peuple a eu le privilège d’administrer ses propres affaires, de faire ses propres lois, de réglementer son propre tarif et d’avoir plein pouvoir sur ses revenus, et a connu un degré de liberté, de prospérité, de contentement et de bonheur inégalé ailleurs sur terre [...] Ces privilèges lui ont été arrachés sans qu’il ait commis aucune faute. Il n’a ni demandé ni désiré un changement de ses institutions politiques [...] Mais, malgré tout, on lui a imposé la révolution. Est-ce là la liberté ? Est-ce là un peuple libre ? De quoi peut-il s’enorgueillir maintenant ? »
Le 1er juillet, les habitants du comté de Yarmouth mirent leurs drapeaux en berne, portèrent un crêpe noir à leur chapeau et pendirent une effigie du partisan de la Confédération Charles Tupper*, qu’ils brûlèrent dans la soirée avec un rat vivant. Alexander Lawson, qui allait se prononcer encore une fois contre la Confédération au cours de la campagne en faveur de l’« abrogation », dans les années 1880, avait parlé en 1867 au nom de la majorité antifédéraliste de l’ouest de la Nouvelle-Écosse et, en soulevant si éloquemment la question de la liberté des sujets britanniques, il avait lié ce puissant mouvement de protestation au grand courant de libéralisme du xixe siècle.
Yarmouth County Court of Probate (Yarmouth, N.-É.), Wills, 4 : 398–400 (mfm aux PANS).— Yarmouth County Museum and Hist. Research Library, Arch. files, YMS 1-140, A2 (lettres concernant Alexander Lawson) ; Scrapbook on the Lawson family.— Yarmouth Herald, 1833–1923.— Yarmouth Light, 7 mars 1895.— David Alexander et Gerry Panting, « The mercantile fleet and its owners : Yarmouth, Nova Scotia, 1840–1889 », Atlantic Canada before confederation [...], P. A. Buckner et David Frank, édit. (Fredericton, 1985), 309–334.— Waite, Life and times of confederation.— V. A. Bower, « A hundred years in the news », Maclean’s (Toronto), 46 (1933), no 23 : 29.— D. R. Jack, « The Yarmouth Herald », Acadiensis (Saint-Jean, N.-B.), 8 (1908) : 222–225.— Kenneth Winter, « The town of Yarmouth : 1867 and 1923 », Nova Scotia Hist. Rev. (Halifax), 1 (1981) : 39–49.
Ian McKay, « LAWSON, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lawson_alexander_12F.html.
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Année de la publication: | 1990 |
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