LASSALLE, EUGÈNE (baptisé Eugène-Jean-Baptiste), comédien, administrateur scolaire, professeur et auteur, né le 20 mai 1859 à Saint-André-de-Cubzac, France, fils de Jean-Prosper Lassalle, receveur des contributions indirectes, et de Mélanie Barthèlémy ; il épousa Onésime Fouré, décédée en France, et en secondes noces, le 16 mars 1908, à Montréal, Marie-Louise Doëlling, veuve d’Antonin-François Landreau, et un fils lui survécut ; décédé le 1er mars 1929 à Montréal.
Après des études au petit séminaire de Bordeaux, Eugène Lassalle fait ses débuts au théâtre à Angers en 1877, sous la direction du comédien Émile Marck. De 1878 à 1886, il fait carrière en France et, pendant les sept années suivantes, il dirige des troupes dramatiques et lyriques françaises, depuis les Balkans jusqu’en Asie centrale. En 1898, il recevra le titre d’officier d’académie pour avoir ainsi porté l’art français à l’étranger.
De retour en France en 1893, Lassalle remplit d’abord un engagement au Grand-Théâtre de Bordeaux, puis au Havre, à Reims, à Montpellier et enfin à Paris. Le 14 août 1906, il signe un contrat de trois mois avec la Compagnie des théâtres de Montréal (mieux connue sous le nom de théâtre des Nouveautés), dont le directeur artistique est Jean Prévost ; on lui offre un salaire mensuel de 1 800 francs (environ 360 $) qui est la norme, semble-t-il, pour un premier rôle à Montréal à cette époque. Il commence à y jouer le 3 septembre dans le rôle de Mathis du Juif polonais d’Émile Erckmann et d’Alexandre Chatrian. Le lendemain, la Patrie écrit : « M. Lassalle est un artiste de grande valeur. Il empoigne littéralement son auditoire, le secoue de frissons puissants. » Le théâtre des Nouveautés prolonge l’entente jusqu’au 2 mai 1907, mais un différend oppose Lassalle à la direction, qui veut lui confier le rôle de Scarpia, qu’il ne connaît pas, dans la Tosca de Victorien Sardou. Le théâtre refuse les solutions de rechange qu’il propose et le congédie le 6 avril 1907. Lassalle porte sa cause devant les tribunaux et finit par obtenir un dédommagement de 110 $ de son ancien employeur.
Lassalle abandonne alors la carrière d’acteur et, soutenu par des représentants des milieux politique, littéraire et journalistique de Montréal, notamment par les conseillers législatifs Trefflé Berthiaume* et Jean-Damien Rolland, le maire de Montréal Louis Payette, l’écrivain Jean Charbonneau et les journalistes Godfroy Langlois et Ernest Tremblay, il y fonde une école de diction à l’automne de 1907. Cette fondation s’inscrit dans une vaste campagne en faveur de l’amélioration du français parlé au Québec, que le journal le Nationaliste (Montréal), dirigé par Olivar Asselin*, mène tambour battant. Le 3 avril 1908, le gouvernement de la province de Québec accorde des lettres patentes au conservatoire Lassalle, « école nationale d’élocution, de diction française et d’art dramatique appliqué ». Considéré comme une œuvre d’éducation nationale par le ministère de Lomer Gouin, l’établissement reçoit une importante subvention annuelle, qui lui permet d’offrir ses cours gratuitement. Dès sa première année d’existence, il accueille plusieurs dizaines d’élèves, dont Juliette Béliveau, Camillien Houde*, Paul Coutlée et Laura Lussier. Les cours, axés essentiellement sur la diction et l’élocution, sont donnés trois soirs par semaine. Avec les étudiants, Lassalle monte, en guise d’exercice pratique, les grands classiques français trop absents des scènes de la province, comme Athalie (1908) et Britannicus (1913) de Jean Racine. Pour cette nouvelle défense et illustration de la culture française hors de l’Hexagone, le gouvernement français lui décerne le titre d’officier de l’Instruction publique en 1911. Lassalle est également professeur d’élocution au petit séminaire de Montréal de 1913 à 1916 et en 1918.
Lassalle se fait même auteur en produisant, entre autres, sa propre version de la passion du Christ avec des comédiens professionnels en 1926 et 1927. Cependant, il connaît des problèmes de santé depuis quelques années et, le 1er mars 1929, à l’âge de 69 ans, il s’éteint à sa résidence.
Dans un éditorial, la Patrie témoigne de l’apport d’Eugène Lassalle : « L’œuvre du professeur Lassalle n’a pas seulement consisté à répandre le bon parler français ; ses élèves ont puisé chez lui dans le trésor de la littérature française toute entière et n’ont pu s’empêcher d’y acquérir cette mentalité de nos cousins d’outremer, chercheuse de clarté et d’ironie. » De 1929 à 1988, l’épouse de Lassalle, son beau-fils Georges Landreau et la fille de ce dernier, Marcelle Landreau, mieux connue à la scène sous le nom de Nicole Germain, mèneront successivement les destinées du conservatoire qui célébrera son quatre-vingt-dixième anniversaire en 1998. L’établissement, qui est aujourd’hui un collège privé, a formé de nombreuses cohortes de professeurs d’élocution et doté le Québec de sa première école d’art dramatique professionnelle, où de nombreux comédiens ont acquis leur métier, quelque 40 ans avant la création du Conservatoire de musique et d’art dramatique de la province de Québec.
Eugène Lassalle est l’auteur de : Influence du théâtre français à l’étranger (Athènes, 1887) ; l’Opérette française en Asie centrale, récit du voyage de la première troupe française dans la Transcaspienne et le Turkestan (Tiflis [Tbilissi, Géorgie], 1891) ; De Batoum au Thibet (Tiflis, 1892) ; l’Art de mettre en scène (Bruxelles, 1896) ; les Monologues Lassalle sérieux et comiques, recueil pour dames, messieurs, jeunes filles, jeunes gens, fillettes et petits garçons, choisis parmi les auteurs français et canadiens-français (Montréal, 1914) ; Comédiens et Amateurs ; le théâtre et ses dessous (Montréal, 1919) ; Aimons, Rions, Chantons en France et au Canada ; méli-mélo (Paris, [1924 ?]). Il a écrit et produit en 1926 la Passion, drame sacré à 100 personnages et figurants et un chœur mixte de 30 chanteurs, qui ne semble pas avoir été publié.
ANQ-M, P565 ; TP11, S2, SS2, SSS1, dossier 966 (1908) (E.-J.-B. Lassalle c. Cie des théâtres de Montréal).— Arch. départementales, Gironde (Bordeaux), État civil, Saint-André-de-Cubzac, 30 mai 1859.— Bibliothèque nationale du Québec (Montréal), Div. des coll. spéciales, Programmes de théâtre, 6.5 (théâtre des Nouveautés), saison 1906–1907.— Le Devoir, 28 mai 1913.— Le Passe-Temps (Montréal), 22 févr. 1908.— La Patrie, 4 sept. 1906, 2 mars 1929.— La Presse, 9 avril, 6, 13 juin 1908, 29 mars 1927.— BCF, 1924.— Baudoin Burger, « les Spectacles dramatiques en Nouvelle-France (1606–1760 », Arch. des lettres canadiennes (Montréal), 5 (1976) : 44.— Jean Charbonneau, Discours [...] à l’occasion du Xe anniversaire du conservatoire Lassalle en la salle de la bibliothèque Saint-Sulpice le 3 décembre 1916 (Montréal, 1917).— DOLQ, 2.— Historique du conservatoire Lassalle, école gratuite d’élocution française : incorporé le 3 avril 1908, reconnu d’utilité publique par le ministère des Affaires étrangères de la République française et par le gouvernement de la province de Québec ([Montréal, 1919 ?]).— Georges Landreau, le Conservatoire Lassalle présente les diverses maladies de notre langage ([Montréal ?], 1960).— Petit Séminaire de Montréal, Distribution des prix, 1913–1916, 1918.— G.-É. Rinfret, le Théâtre canadien d’expression française : répertoire analytique des origines à nos jours (4 vol., [Montréal], 1975–1978), 2 : 312.
Mireille Barrière, « LASSALLE, EUGÈNE (baptisé Eugène-Jean-Baptiste) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lassalle_eugene_15F.html.
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Auteur de l'article: | Mireille Barrière |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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