LASCARIS DURFÉ, FRANÇOIS-SATURNIN, prêtre, sulpicien, missionnaire, né à Baugé en 1641, fils de Charles-Emmanuel, marquis d’Urfé et de Baugé, maréchal des camps et armées du roi, et de Marguerite d’Allègre, décédé le 30 juin 1701 dans son château de Baugé.

D’une noble famille du Forez, l’abbé d’Urfé se trouvait apparenté, par sa bisaïeule, Renée de Savoie-Lascaris, à l’illustre maison grecque de Lascaris, qui avait occupé jadis le trône de Constantinople.

François-Saturnin Lascaris d’Urfé est admis le ler avril 1660 au séminaire Saint-Sulpice de Paris et ordonné prêtre en 1665 ou 1666. Selon son désir, il est bientôt envoyé au Canada, où il arrive à l’automne de 1668. L’année suivante, il est affecté à la nouvelle mission iroquoise de Kenté (Quinte). Cette mission est en réalité un « camp volant », car les missionnaires doivent souvent se déplacer pour accompagner les sauvages dans leurs expéditions de chasse. Il y accompagne son confrère et cousin, Salignac* de La Mothe-Fénelon. Comme ce dernier, il connaît les consolations du ministère, mais aussi ses déboires, car s’ils accueillent avec sympathie les robes noires, les Indiens ne renoncent pas pour autant à leurs habitudes ancestrales. L’abbé d’Urfé demeurera à Kenté plus de quatre ans ; en 1674, quand son cousin, l’abbé de Fénelon, aura maille à partir avec le gouverneur de Frontenac [Buade*], c’est lui qui le remplacera à la mission de Gentilly (Dorval).

Pour avoir tenté de défendre Fénelon, l’abbé d’Urfé aura également à se plaindre des mauvais procédés du gouverneur. En ce même automne de 1674, il s’embarque avec Fénelon pour aller plaider sa cause en France. À l’intention de Colbert, il prépare un mémoire à la fois habile et énergique, où il mentionne les vexations dont il a été victime : son courrier a été ouvert, il a été privé des services d’un valet et, sans l’entendre, Frontenac l’a expulsé de son cabinet. Le 13 mai 1675, Colbert, dont le fils venait d’épouser la cousine germaine de Lascaris, écrivait à Frontenac : « Monsieur d’Urfé est devenu mon allié fort proche estant cousin germain de ma belle-fille, et ce qui m’oblige de vous prier de luy donner quelque marque d’une considération particulière ». Quoique M. d’Urfé et Frontenac aient paru par la suite faire la paix, le manuscrit accusateur de M. d’Urfé demeurait dans les dossiers du ministre. Aussi Louis Bertrand, historiographe de Saînt-Sulpice, affirme-t-il qu’il « ne contribua pas peu à faire rappeler M. de Frontenac ».

Le missionnaire avait bien l’intention de revenir au Canada, mais un problème d’ordre financier se posait à lui : par décision de ses supérieurs, il devait assumer le coût de son voyage. Or sa famille n’était ni riche ni généreuse. Une occasion favorable se présenta cependant, en 1685, lorsque M. de Saint-Vallier [La Croix] fut nommé évêque de Québec ; François lui fut proposé comme guide et conseiller. Il resta peu de temps à Québec et s’en fut retrouver ses confrères de Montréal. C’est ainsi qu’il devint, en 1686, sinon le fondateur, du moins le premier curé résident de « Saint-Louis du Haut de Ille ».

De plus en plus on tendait à se porter au-devant des sauvages venant à Montréal pour la traite : Lachine datait de 1669, Gentilly de 1673 environ. D’après les papiers terriers, il appert que, dès 1678, il existait des fiefs tout le long du littoral, depuis Senneville jusqu’à Gentilly. Le fief de Bellevue a laissé son nom à Sainte-Anne-de-Bellevue, dite d’abord « du bout de Ille ». À en croire la tradition, la chapelle Saint-Louis du Haut de Ille s’élevait sur une pointe dite encore Pointe-à-Caron, qui constitue une partie de notre actuelle baie d’Urfé.

À l’automne de 1687, après la reprise des incursions iroquoises contre la colonie, la petite paroisse de Saint-Louis fut attaquée. L’abbé d’Urfé échappa de justesse au massacre et ne put qu’inhumer les morts, au nombre desquels était son unique marguillier, Jean de Lalonde, dit l’Espérance. Il fit alors preuve de courage, quoiqu’il ne fût pas, au dire de ses supérieurs, « trop vaillant de son naturel ».

Rappelé en France par des affaires de famille, à l’automne de 1687, il fut pourvu successivement de divers bénéfices, puis se retira en 1697 dans son château de Baugé, où il mourut en 1701, à peine âgé de 60 ans. La Gallia Christiana nous apprend qu’il fut inhumé dans les caveaux de l’Hôtel-Dieu – aujourd’hui l’hospice – où une inscription rappelle la dignité de sa vie et son inlassable charité.

Armand Yon

Bibliothèque municipale de Montréal, Collection Gagnon, Lettres manuscrites des supérieurs de Saint-Sulpice, Paris.— Correspondance de Frontenac (1672–1682), RAPQ, 1926–27 : 82s.— Gallia Christiana in provincias ecclesiasticas distributa (13 vol., Paris, 1715–1785), II : 592.— Louis Moreri, Le grand dictionnaire historique ou le mélange curieux de lhistoire sacrée et profane [...] (nouv. éd. par [L.–F.–J. de La Barre], 6 vol., Paris, 1725), V : 329.— A.–L. Bertrand, Bibliothèque sulpicienne ou histoire littéraire de la Compagnie de Saint-Sulpice (3 vol., Paris, 1900), I : 155.— Eccles, Frontenac, 69.— [Faillon], Histoire de la colonie française, III 493ss.— Armand Yon, Une victime de Frontenac l’abbé François Lascaris d’Urfé, sulpicien (1641–1701), RSCHEC, 1944–45 : 51–67.

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Armand Yon, « LASCARIS D’URFÉ, FRANÇOIS-SATURNIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lascaris_d_urfe_francois_saturnin_2F.html.

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Auteur de l'article:    Armand Yon
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    1 décembre 2024