LARCHER, NICOLAS, marchand, membre du Conseil supérieur de l’île Royale, né le 18 juin 1722 à Paris, fils d’Henri-Michel Larcher et de Marie-Anne Marinier, décédé le 27 décembre 1788, à Paris.

Nicolas Larcher arriva à Québec en 1747 en qualité d’agent de son père dans le commerce maritime, mais, en 1751, il était installé à Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), qu’il avait déjà visitée auparavant. Son association avec Jacques Prevost de La Croix, commissaire ordonnateur, s’y révéla une utile liaison d’affaires. Insatisfait de la qualité du matériel expédié des magasins royaux de Rochefort, Prévost commença à passer ses commandes directement aux Larcher. Il autorisa aussi Nicolas Larcher à se procurer des grains en Nouvelle-Angleterre quand l’île Royale fut en danger d’en manquer en 1752. En 1753, Larcher avait construit une maison, des magasins et un grand débarcadère sur une propriété qu’il possédait juste à l’extérieur des murs de la ville. Grâce à sa participation à une entreprise de pêche à Petit Degrat (île Petit-de-Grat, Nouvelle-Écosse), qui employait 39 pêcheurs basques en 1752, Larcher pouvait s’approvisionner en morue sèche pour l’exportation en Europe ou aux Antilles. Il se rendait en France presque tous les hivers, laissant la conduite de ses affaires à un commis.

L’aide que lui accordait Prévost rendit Larcher impopulaire parmi les nombreux ennemis du commissaire ordonnateur, en particulier le gouverneur, Jean-Louis de Raymond. Le succès financier rapide de Larcher et ses rapports commerciaux avec la Nouvelle-Angleterre lui valurent aussi des critiques. En 1753, Raymond affirma que le débarcadère et les magasins de Larcher pouvaient bien servir au commerce étranger, ce à quoi le ministre de la Marine, Antoine-Louis Rouillé, fit écho en 1754. Plus tard en 1753, des marchands de Saint-Malo citèrent Larcher comme l’un des marchands de Louisbourg qui essayaient de détourner le commerce maritime métropolitain de l’île Royale en coupant les prix grâce aux marchandises à meilleur marché en provenance de la Nouvelle-Angleterre.

Ni l’une ni l’autre de ces accusations ne paraît entièrement vraisemblable. En réalité, Raymond favorisait l’accroissement du commerce étranger que l’île Royale était autorisée à faire. Dans les années 1750, ce commerce avec les colonies de l’Amérique britannique, et en particulier avec le Massachusetts, représentait environ 20 p. cent de toute l’activité commerciale de l’île Royale et tous les principaux commerçants de Louisbourg y prenaient part. En s’attaquant à Larcher, Raymond a peut-être voulu donner libre cours aux soupçons de Rouillé sur les rapports avec l’étranger, aux dépens d’un associé de son rival Prevost. Quant à la plainte des marchands de Saint-Malo, elle était peut-être reliée à la concurrence sur le marché des Antilles entre les marchands de l’île Royale qui y exportaient de la morue et ceux de Saint-Malo qui y exportaient du bœuf salé de France et d’Irlande. Ces derniers n’abandonnèrent jamais leur activité à l’île Royale, toutefois, et ils n’y entrèrent pas en concurrence directe avec les commerçants de la Nouvelle-Angleterre. Saint-Malo envoyait à Louisbourg des conserves, des étoffes, des spiritueux, du vin, des objets manufacturés et du sel, alors que les colonies britanniques y envoyaient des navires, des matériaux de construction et de la nourriture fraîche. De toute manière, les plaintes précises des marchands de Saint-Malo sonnent faux. Comment Larcher, un immigrant de fraîche date et un membre d’une compagnie parisienne, aurait-il pu être considéré comme un colonial dont le but eût été de ruiner le commerce métropolitain ? En dépit de l’inquiétude qu’ils affichaient à l’égard des « pauvres habitants dans un dur esclavage », leur premier but était de promouvoir leurs propres intérêts en jetant le doute sur leurs concurrents.

En dépit de ses détracteurs et de son bref séjour à l’île Royale, Larcher fut l’un des quatre membres intérimaires nommés probablement par Prevost au Conseil supérieur en septembre 1754. Cette nomination, confirmée à titre permanent le 1er juin 1755, visait peut-être à renforcer la compétence juridique du conseil. Larcher fut fréquemment chargé d’examiner des causes civiles et criminelles compliquées, et ses dossiers détaillés permettent de constater chez lui une bonne connaissance du droit commercial et un esprit analytique.

Au milieu des années 1750, Larcher diversifia ses intérêts en ajoutant à son commerce d’importation et d’exportation des entreprises industrielles locales. Il ouvrit une scierie sur un affluent de la rivière de Miré (rivière Mira) et assuma le contrat pour la fourniture annuelle de 12 000 grandes barriques de charbon à la garnison de Louisbourg. Ces deux entreprises, de même qu’une petite ferme, furent dirigées par son associé Antoine Rodrigue qui avait peut-être mis sur pied leur exploitation avant de les vendre à Larcher. En 1756 et en 1757, Larcher fournit la quantité requise de charbon, frétant plusieurs navires côtiers pour transporter le charbon de Glace Bay et de Mordienne (Port Morien) à Louisbourg. En 1758, plus de 16 000 grandes barriques avaient été extraites, selon les rapports, mais la guerre et le blocus empêchèrent leur livraison à Louisbourg. L’industrie, cependant, n’avait pas remplacé le commerce dans les affaires de Lai-cher qui continua à expédier des marchandises à Québec et en France, en partie pour remplir des contrats accordés par le gouvernement.

Lors de la capitulation de Louisbourg, le 26 juillet 1758, les activités de Larcher en Amérique du Nord prirent fin. Il avait remporté un succès remarquable. En 1752, ses pêcheries de Petit Degrat pouvaient produire de la morue pour probablement une valeur annuelle de 35 000# et les ventes de charbon rapportaient au minimum 50 000# par année. Le commerce maritime, l’industrie du bois, sa ferme et ses autres affaires ne peuvent être évalués, mais son affirmation à l’effet que la chute de l’île Royale lui fit perdre des entreprises d’une valeur de 250 000# ne paraît pas exagérée, et la variété de ses placements à l’île Royale était sans exemple. Larcher réintégra l’entreprise familiale à Paris, se maria et paraît avoir été relativement prospère, même s’il insista pour que sa pension de 300#, à titre d’ancien conseiller, continuât de lui être versée.

Le succès de Larcher à l’île Royale est attribuable à la disponibilité des capitaux de sa famille, qui lui permirent de se lancer dans d’audacieuses entreprises. Larcher différait encore de la plupart des commerçants français en ce qu’il voulait bien engager à la fois son argent et ses énergies à l’île Royale. En 1758, il était à tous égards un marchand local tant à cause de ses propriétés, de ses mises de fonds, de son poste au conseil, que de son lieu de résidence. Peut-être la chute de Louisbourg justifia-t-elle l’hésitation des marchands de la métropole à investir de l’argent à l’île Royale, mais Raymond avait fait remarquer, précédemment, combien la colonie eût été renforcée si l’on se fût davantage efforcé de mettre ses ressources terrestres en valeur.

Christopher Moore

AMA, Inspection du Génie, Bibliothèque, mss info, 210d, no 6.— AN, Col., B, 99, p.260 (copie aux APC) ; 101, f.5 ; C11B, 19, ff.283–284v. ; 32, ff.155, 180, 192 ; 33, f.79 ; 38, f.307 ; C11C, 9, ff.202–205 ; E, 256 (dossier Nicolas Larcher), ff.11–13 ; F5B, art.14, f.79 ; Section Outre-mer, Dépôt des fortifications des colonies, Am. sept., no 139 ; G1, 466, no 84, f.21 ; G2, 204, dossier 470, f.89 ; 212, dossiers 551, 576–582, 584 ; G3, 2 041/1, 25 oct. 1749, 18 oct. 1750, 16 déc. 1751 ; 2 044, 16 déc. 1756.— Archives de Paris, Reconstitution des actes de l’état civil de Paris, paroisse Saint-Jacques-de-la-Boucherie, 18 juin 1722 ; paroisse Merry, 27 déc. 1788.— APC Report, 1905, II, 1re partie : 32.— McLennan, Louisbourg.— Christopher Moore, Merchant trade in Louisbourg, île Royale (thèse de m.a., Université d’Ottawa, 1977).

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Christopher Moore, « LARCHER, NICOLAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/larcher_nicolas_4F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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