LAPORTE, MARIE-ANNE, ouvrière, commis et militante ouvrière, née le 11 octobre 1871 dans la paroisse de Saint-Liguori, Québec, fille d’Urgel Laporte, journalier, et de Marie-Louise Perrault ; décédée célibataire le 26 novembre 1929 à Montréal et inhumée à L’Assomption, Québec.
On sait très peu de chose sur Marie-Anne Laporte, sinon qu’elle serait arrivée assez jeune dans le village d’Hochelaga (Montréal), avec ses parents. Elle aurait d’abord travaillé comme tisserande dans une manufacture de coton, puis comme commis pour Joseph-Wilbrod Moreau, propriétaire d’un important commerce de détail fondé à cet endroit vers 1897. À partir de 1910 environ et pendant une bonne partie de sa vie, Marie-Anne Laporte consacrera beaucoup d’énergie à la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste ; c’est cependant à l’Association professionnelle des employées de magasins, dont elle sera élue vice-présidente vers 1916, puis présidente en 1923, qu’elle apportera une contribution importante. Bien qu’elle quitte la présidence de la société en décembre 1925 pour des raisons de santé, elle fera partie de son conseil de direction jusqu’en 1928.
L’Association professionnelle des demoiselles de magasins est créée à l’automne de 1906. La société s’affilie à la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste dès 1907, année de la fondation de cette dernière [V. Marie Lacoste*] ; elle change d’appellation en avril 1909 pour devenir l’Association professionnelle des employées de magasins. La fédération entend encourager la formation d’associations professionnelles plutôt que de syndicats. Même si les deux types de regroupements se rejoignent dans la protection des intérêts économiques de leurs membres, les associations affiliées à la fédération se distinguent par leur désir de les préparer à leur rôle dans la famille et dans la société. L’Association professionnelle des employées de magasins cherche quant à elle à regrouper d’abord les vendeuses canadiennes-françaises catholiques montréalaises (à compter de 1927, elle acceptera l’adhésion « de personnes autres que des vendeuses au comptoir »). Sa devise est : Travail, Honnêteté, Bienveillance. Très proche de la doctrine sociale de l’Église et de l’idéologie de la fédération, elle cherche à encourager le développement intellectuel et moral des employées - pour la plupart des jeunes femmes - et la défense de leurs intérêts professionnels. Ses principales activités consistent à offrir à ses membres des cours du soir gratuits (diction, couture, art culinaire, hygiène, mode, chant, comptabilité, anglais). En outre, l’association entretient une bibliothèque, organise des activités culturelles (notamment une chorale), et tient des assemblées mensuelles. Enfin, une caisse de secours permet aux membres de bénéficier, en cas de maladie, de soins médicaux gratuits et d’indemnités ; un bureau de placement sera également mis sur pied en 1927.
À l’instar de la fédération, l’association préconise l’application de certaines mesures pour améliorer la vie quotidienne des travailleuses. Elle entreprend entre autres des démarches - qui s’avéreront en général vaines - pour faire respecter la loi, adoptée en 1908, qui oblige les « patrons » à mettre des sièges à la disposition des « filles et des femmes employées dans les magasins ». Vers 1915, à l’initiative de Marie-Louise Brodeur [Marmette], elle favorise la création d’une ligue des acheteuses, dont le but consiste à encourager les marchands qui offrent des marchandises de valeur et de qualité « irréprochables » et qui assurent à leurs employées les meilleures conditions de travail (hygiène, confort, salaire, horaire). Pendant les périodes de réjouissance, elle tente également, dès 1917, d’inciter les consommatrices à faire leurs emplettes tôt, afin d’éviter aux commis la cohue de dernière minute. De plus, l’association demande à plusieurs reprises la fermeture des magasins « à bonne heure » ; d’une telle requête, adressée en 1917 aux marchands de l’est de la ville, résulte en 1919 et en 1920 la fermeture à six heures du soir, le samedi, durant les mois de juillet et d’août. La Loi du salaire minimum pour les femmes est adoptée en 1919 pour les besoins des employées dans les établissements industriels ; avec l’aval de leur association, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste réclame pour les employées de magasins qu’elles fassent partie des catégories de travailleuses visées (ce qui adviendra en 1934).
Entre 1906 et 1921, l’Association professionnelle des employées de magasins a recruté 973 membres. Si elle comprend 200 membres en 1911, elle n’en compte que 59 en 1929-1930. Peut-on attribuer cette diminution à la formation, entre autres, en 1918, du Syndicat catholique et national des employés de magasins (qui collabore par ailleurs avec l’association) ? Une faible remontée semble toutefois s’effectuer par la suite : en 1937-1938, l’association, qui poursuivra ses activités au moins jusque pendant les années 1960, comprendra 125 membres.
Marie-Anne Laporte meurt le 26 novembre 1929. La Bonne Parole, journal de la fédération, lui rend hommage dans sa livraison du mois suivant : « Quel modèle pour les employées de magasin […] Et comme elle a travaillé pour améliorer le sort de celles qui gagnent leur vie comme elle gagnait la sienne ! »
AC, Joliette, État civil, Catholiques, L’Assomption, 29 nov. 1929.— ANQ-M, CE601-S51, 1er févr. 1899 ; CE605-S36, 12 oct. 1871 ; P120.— BAC, RG 31, C1, 1871, Saint-Liguori, Québec ; 1881, Hochelaga, village, Québec ; 1891, 1901, Montréal, quartier Hochelaga.— « Beau Mouvement philant[h]ropique », la Patrie, 20 févr. 1915.— Le Devoir, 28 nov. 1929.— La Presse, 27 nov. 1929.— La Bonne Parole (Montréal), 1 (1913)–18 (1930) et plus précisément « Mlle Marie-Anne Laporte », 17 (1929), no 12 : 8.— Le Duprex (Montréal), 4 (1929–1930) et notamment Églantine Phaneuf, « Une perte pour l’Association des employées de magasins », 87.— Nadia Fahmy-Eid et Lucie Piché, Si le travail m’était conté ... autrement ; les travailleuses de la CTCC-CSN : quelques fragments d’histoire, 1921–1976 ([Montréal], 1987).— Marie Gérin-Lajoie, « le Syndicalisme féminin », dans Québécoises du 20e siècle : les étapes de la libération féminine au Québec, 1900–1974, Michèle Jean, édit. (2e éd., Montréal, 1977).— Karine Hébert, « Une organisation maternaliste au Québec : la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste et la bataille pour le vote des femmes », RHAF, 52 (1998–1999) : 315–344.— Marie [Lacoste] Gérin-Lajoie, la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste et ses associations professionnelles (Montréal, 1911).— Marie Lavigne et al., « la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste et les revendications féministes au début du 20e siècle », dans Travailleuses et Féministes : les femmes dans la société québécoise, sous la dir. de Marie Lavigne et Yolande Pinard (Montréal, 1983), 199–216.— La Paroisse de L’Assomption : répertoire des sépultures, 1800–1980, Maurice Perreault, compil. (Ottawa, 1983).— Yolande Pinard, « le Féminisme à Montréal au commencement du xxe siècle (1893–1920) » (mémoire de m.a., univ. du Québec à Montréal, 1976).— « Rapport de l’Association des employées de magasins », dans Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, Recueil des œuvres fédérées ou l’Action des Canadiennes-françaises (Montréal, 1911), 140–146.
Michelle Comeau, « LAPORTE, MARIE-ANNE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/laporte_marie_anne_15F.html.
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Auteur de l'article: | Michelle Comeau |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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