LAMARRE, dit Bélisle, HENRI (il signait, henry Lamars dit bellile et, après 1692, henrÿ Bélisle ; É.-Z. Massicotte pour sa part, en se fondant sur on ne sait quels documents, l’appelait Henri Belisle-Levasseur), chirurgien-barbier à Québec, Détroit, Champlain et Pointe-aux-Trembles (Montréal), fils d’Antoine Lamarre et de Marguerite Levasseur de Saint-Michel-le-Palus, paroisse d’Angers (Maine-et-Loire), mort en septembre 1740 à la Pointe-aux-Trembles de Montréal.

Alors que, d’une façon générale, les chirurgiens de la Nouvelle-France étaient des hommes fortunés, Bélisle, malheureuse exception à la règle, fut, la plus grande partie de sa vie, aux prises avec ses créanciers. Il était le fils d’un droguiste et vint d’Anjou à Québec après 1681. Le 26 juin 1690, il épousait Catherine Demosny, fille du défunt chirurgien Jean Demosny*. Parmi les amis nommés dans le contrat de mariage se trouvent deux chirurgiens de Québec ; cette liste d’amis laisse supposer que Bélisle était un immigré de fraîche date. Au cours des quelque dix années qui suivirent, il forma deux apprentis et prodigua ses soins par toute la région de Québec. Un de ses patients, blessé à la jambe, obtint une guérison miraculeuse au sanctuaire de Sainte-Anne de Beaupré après que Lamarre eut échoué dans ses efforts pour souder le tendon sectionné.

En mai 1701, Bochart de Champigny engagea Bélisle comme coureur de bois et chirurgien et l’envoya au fort Pontchartrain à Détroit pour le service du roi. Pendant son absence, sa femme mourut et trois de ses enfants furent confiés aux sœurs de la congrégation de Notre-Dame, à Sainte-Famille, île d’Orléans ; deux de ses filles entrèrent par la suite dans cette communauté de religieuses enseignantes. Le 26 novembre 1705, Bélisle épousa Périnne Dandonneau, une veuve de Batiscan qui avait neuf enfants. À ce moment-là il avait décidé de s’établir à Champlain, près de Trois-Rivières. Toutefois, rien n’était moins stable que l’existence de Bélisle, puisque les archives notariales indiquent qu’il vécut à Québec en 1707 et que, en 1708, 1709 et 1710, il était à Détroit ; sa seconde femme y mourut en 1711.

Bélisle s’installa alors dans une nouvelle maison à la Pointe-aux-Trembles de Montréal ; le 25 août 1712, il épousa Jeanne Archambault, la fille aînée d’un fermier de l’endroit. Cette union fructueuse ajouta sept enfants aux cinq issus du premier mariage ; on ne sait si c’est à cause d’une extraordinaire vitalité ou des bons soins paternels, mais tous, sauf un, atteignirent l’âge adulte, fait remarquable à une époque où le taux de mortalité infantile était très élevé.

L’augmentation rapide de la famille de Bélisle ne fit qu’amplifier ses difficultés financières. Après la mort de ses deux premières épouses, il avait pris des dispositions judiciaires pour soustraire aux réclamations de ses créanciers la moitié de chacune des successions. Il déclara qu’en 1711 il ne lui restait pas assez de biens pour justifier un inventaire. En 1713, sa fille nouvellement mariée, Marie-Catherine, et Barthélemi Sicard son mari amenèrent Bélisle devant notaire pour lui faire signer en bonne et due forme la promesse d’une dot et d’un trousseau. Il est permis de penser que l’avarice ou une mauvaise gestion financière ont nui à Bélisle autant que les circonstances défavorables. Il se peut que Bélisle se soit engagé comme coureur de bois et ait investi dans le commerce des fourrures pendant la période de marasme qui sévit de 1706 à 1713.

Comme chirurgien, Bélisle prodigua des soins à des malades de l’île Jésus, de l’île de Montréal et des hameaux de la rive sud. Il lui arrivait souvent de recevoir des billets à ordre pour paiement. Il racheta à ses enfants issus du premier mariage leur part d’héritage dans certaines propriétés situées à Québec et il acquit des biens immobiliers dans la région de Montréal ; il loua et par la suite revendit ces propriétés. À la Pointe-aux-Trembles, il vivait dans une modeste maison de bois, pièces sur pièces, que réchauffait un foyer de pierre ; le toit était de planches et du papier fermait les fenêtres.

La situation financière de Bélisle s’aggrava encore dans les années 1730, quand, à la suite de troubles nerveux, sa précieuse main de chirurgien perdit sa sûreté. En 1736, il autorisa sa femme à retirer sa part de leurs biens communautaires et à mettre ses autres héritiers en demeure de contribuer à l’entretien de leur vieux père ou de renoncer à leur part d’héritage. Les enfants ayant conservé leurs droits, on peut en déduire qu’ils ont satisfait à leurs obligations filiales.

À la mort de Bélisle, en 1740, ses biens couvrirent les dettes déclarées. Ce qu’il en resta, toutefois, était insuffisant pour subvenir aux besoins de la veuve ; en outre, des dettes inconnues jusqu’alors surgirent et il fallut contracter de nouveaux emprunts. Une sommation de la cour enjoignant aux enfants de Bélisle d’assumer leur part de la succession déficitaire resta sans réponse ; aussi, en 1742, toute la succession fut-elle attribuée à la pauvre veuve. D’une façon ou d’une autre, elle réussit à éviter la saisie dont la menaçaient ses créanciers et, peu à peu, remboursa ses dettes. En 1749, sa solvabilité et son charme étaient tels qu’elle trouva à se remarier.

Peter N. Moogk

AJM, Greffe d’Antoine Adhémar, 27 mai 1701, Greffe de René Chorel de Saint-Romain, 8 juill. 1732, passim ; Greffe de François Comparet, 8 juin 1736, 14 nov. 1740, passim ; Greffe de Michel Lepailleur, 14 août 1712 ; Greffe de Simon Sanguinet, 18 août 1742 ; Greffe de Nicolas Senet, 16 août 1713, 16 mai 1718, passim.— AJQ, Greffe de Louis Chambalon, 21 juill. 1692, 1er juill. 1695, passim ; Greffe de Jean-Étienne Dubreuil, 27 août 1721, 28 déc. 1722 ; Greffe de Gilles Rageot, 19 juin 1690 ; Registres d’état civil de Notre-Dame de Québec, 1690–1695, f.36.— AJTR, Greffe de Jean-Baptiste Pottier, 25 nov. 1705 ; Greffe d’Étienne Véron de Grandmesnil, 5 juill. 1707.— ASQ, Paroisses diverses, 71 ; Congrégation de Notre-Dame, 61.— Jug. et délib., V : 308, 571s. ; VI : 62.— Michigan Pioneer Coll., XXXIV : 237, 256, 257, 263, 266, 294.— Massicotte, Répertoire des engagements pour l’Ouest, RAPQ, 1929–30 : 206.— Raymond Douville, Visages du vieux Trois-Rivières (Trois-Rivières, 1955) ; Chirurgiens, barbiers-chirurgiens et charlatans de la région trifluvienne sous le régime français, Cahiers des Dix, XV (1950) : 92–94.

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Peter N. Moogk, « LAMARRE, dit Bélisle, HENRI (henry Lamars dit bellile, henrÿ Bélisle) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lamarre_henri_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    1 décembre 2024