LAGORCE, CHARLES-IRÉNÉE, prêtre, clerc de Saint-Viateur, né à Saint-Hyacinthe le 6 juin 1813, fils de Charles Lagorce, notaire, et de Marie-Angèle Morin, décédé à Sainte-Claire, sur la rivière Etchemin, Bas-Canada, le 23 février 1864 et inhumé à Saint-Hyacinthe.
Charles-Irénée Lagorce fait ses études au séminaire de Saint-Hyacinthe. Ordonné prêtre le 30 juillet 1837, il est assigné au ministère paroissial comme vicaire à Saint-Denis, sur le Richelieu (1837–1838), et à Sorel (1838–1841), puis comme curé à Sainte-Anne-des-Plaines (1841–1844) et à Saint-Charles, sur le Richelieu (1844–1848). C’est dans cette dernière paroisse que l’abbé Lagorce tente, avec un nommé Antoine Caron, d’instruire un sourd-muet. De son initiative est née la célèbre Institution des sourds-muets de Montréal.
Avec l’appui de Mgr Ignace Bourget*, l’abbé Lagorce ouvre, en effet, une classe pour sourds-muets le 27 novembre 1848 dans l’hospice Saint-Jérôme-Émilien, dans le faubourg Québec, à Montréal, et s’adjoint comme assistant un nommé Reeves, sourd-muet lui-même. Le dimanche, l’abbé Lagorce donne des leçons aux sourds-muets des deux sexes réunis le plus souvent dans une salle de l’asile de la Providence [V. Albine Gadbois*]. Après plusieurs mutations qu’exigent le progrès et la stabilité de l’œuvre, celle-ci est érigée canoniquement par mandement de Mgr Bourget, en date du 30 août 1850. L’abbé Lagorce inaugure aussitôt l’enseignement régulier aux sourds-muets dans un bâtiment de trois étages à Côte Saint-Louis (Montréal).
Mais le dévouement n’arrive pas à compenser l’insuffisance du personnel et son manque de préparation. Sur l’avis du fondateur, Mgr Bourget décide donc de confier l’œuvre à une communauté religieuse. À cette fin, l’abbé Lagorce passe en France en mai 1851 pour se former aux méthodes d’enseignement avec des religieux qui accepteraient de venir au Canada. Ayant échoué auprès des religieux de la Congrégation de Sainte-Croix au Mans, département de la Sarthe, il se tourne vers les Clercs de Saint-Viateur, à Lyon. Sans doute dans le but de mieux servir l’œuvre des sourds-muets, Lagorce entre au noviciat de Vourles à la mi janvier 1852 ; il y fait ses premiers vœux en juillet suivant pour revenir à Montréal le 4 septembre, en compagnie du frère Joseph Fayard, et se rendre à L’Industrie (Joliette), où les Clercs de Saint-Viateur sont établis depuis 1847 [V. Antoine Manseau].
L’abbé Lagorce reprend son enseignement d’abord à L’Industrie, où il reçoit sept ou huit sourds-muets, puis à Côte Saint-Louis en août 1853. Il est directeur de l’Institution des sourds-muets et desservant de la paroisse en voie de formation. Mais bientôt l’œuvre lui échappe. Malade, il quitte l’enseignement en juin 1855 et abandonne à sa communauté, qu’il quitte d’ailleurs en août 1856, le soin de continuer son œuvre, en se réservant le mérite d’avoir fondé l’institut et le bonheur de le laisser en d’excellentes mains. En fait, c’est le frère Jean-Marie-Joseph Young (Yung) qui, après de nombreuses vicissitudes, donnera à l’institut son élan définitif entre 1856 et 1863, pendant que le fondateur fait un nouvel essai de vie religieuse chez les pères de Sainte-Croix et termine sa vie à la Trappe de Sainte-Justine-de- Langevin, où il était entré en 1862.
La vie de l’abbé Lagorce n’a rien de particulièrement intéressant en elle-même. En 1848, au moment où se fonde l’œuvre des sourds-muets, Mgr Bourget était déjà à la recherche d’un prêtre fondateur. L’œuvre serait née à la même époque sans le zèle de l’abbé Lagorce. Mais la fondation de l’Institution des sourds-muets met en relief deux faits de l’histoire religieuse du Canada. Si l’Église a été l’âme de si nombreuses œuvres sociales dans un pays en voie d’urbanisation et d’organisation sociale, c’est que son idéal de charité lui faisait une obligation d’assumer la suppléance de l’État et de la société. En effet, en février 1832, le parlement du Bas-Canada avait autorisé la création d’une école pour sourds-muets à Québec et s’était engagé à la subventionner. Un laïque, Ronald MacDonald*, avait été chargé de cette école, après avoir étudié à Hartford, Connecticut, les méthodes propres à en assurer le succès. Mais, en 1836, la législature avait retiré son encouragement à l’œuvre naissante, de sorte qu’en 1849, il y avait au Canada 1100 sourds-muets qui attendaient la charité de l’Église. De plus, l’œuvre de l’abbé Lagorce prouve que, le plus souvent, ce sont les communautés religieuses qui, par la coordination et la continuité des efforts, peuvent assurer la stabilité et la permanence d’une œuvre sociale dans le Bas-Canada francophone du xixe siècle. Les besoins de la société appelaient donc l’implantation de communautés religieuses européennes au pays ou la fondation de nouvelles communautés religieuses canadiennes. En ce sens, le zèle de Mgr Bourget s’est avéré clairvoyant et adapté aux exigences de son temps.
Archives des Clercs de Saint-Viateur, Province de Montréal (Montréal), II, N, États de service du père Irénée Lagorce ; P, Institut des sourds-muets.— Le Courrier de Saint-Hyacinthe, 26 févr. 1864.— Mélanges religieux, 12 févr. 1850.— Allaire, Dictionnaire.— Le Jeune, Dictionnaire, I : 391.-[J.-P. Archambault], Une œuvre sociale : l’Institution des sourds-muets [...] (Montréal, 1949).— Antoine Bernard, Les Clercs de Saint-Viateur au Canada (2 vol., Montréal, 1947–1951), I : 650.— Notices historiques sur l’Institution catholique des sourds-muets pour la province de Québec dirigée par les Clercs de Saint-Viateur, Mile-End, Montréal (Mile-End, 1893).— Hector Tessier, Saint-Viateur d’Outremont (Outremont, Québec, 1954).— Centenaire de l’Institut des sourds-muets, 1848–1948, L’Ami des sourds-muets (Montréal), oct. 1912, 70–84 ; avril–mai 1948, 250.— Les écoles des sourds-muets à l’exposition de Chicago, La Semaine religieuse de Montréal, XXII (1893) : 117–122.— L’Institution catholique des sourds-muets de Montréal, L’Ami des sourds-muets, juill.–août 1939, 138–149.— Institution des sourds-muets, La Semaine religieuse de Montréal, XIX (1892) : 299–302.— L’Institution des sourds-muets au Mile-End, Montréal, La Semaine religieuse de Montréal, XIX (1892) : 237–239, 313–316.— Numéro-souvenir du 75e anniversaire de l’Institution des sourds-muets, 1848–1923, célébré le 16 mars 1924, L’Ami des sourds-muets, mars-avril 1924, 118–132.— Corine Rocheleau-Rouleau, Parler est chose facile, vous croyez, RHAF, IV (1950–1951) : 345–374.-P.-G. Roy, Les commencements de l’Institution des sourds-muets à Montréal, BRH, XXX (1924) : 70–79.
Andrée Désilets, « LAGORCE, CHARLES-IRÉNÉE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lagorce_charles_irenee_9F.html.
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Auteur de l'article: | Andrée Désilets |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
Année de la révision: | 1977 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |