LAFLAMME, TOUSSAINT-ANTOINE-RODOLPHE, avocat, professeur et homme politique, né le 15 mai 1827 à Montréal, fils de Toussaint Lebœuf, dit Laflamme, marchand, et de Marguerite-Suzanne Thibodeau ; décédé célibataire le 7 décembre 1893 au même endroit.
Après avoir fait ses études classiques au petit séminaire de Montréal de 1835 à 1845, puis son stage de clerc auprès de l’avocat Lewis Thomas Drummond*, Toussaint-Antoine-Rodolphe Laflamme est admis au barreau le 6 octobre 1849. Il devait avoir, comme avocat, la carrière la plus brillante : une clientèle considérable, des causes importantes, des fonctions de confiance au sein de sa profession et des honneurs. D’abord associé à Charles Laberge*, jeune avocat lié comme lui à l’Institut canadien de Montréal et au journal l’Avenir de cette ville, Laflamme pratique ensuite avec son frère Godefroy. Vingt-cinq ans environ après son admission au barreau, il se lance dans la politique active ; on le considère alors comme le personnage principal du bureau bien en vue de Laflamme, Huntington et Laflamme. Parmi ses causes célèbres, on remarque la défense des seigneurs en 1857 et 1858 à propos de l’indemnité relative à l’abolition des droits seigneuriaux, la défense des raiders de St Albans, au Vermont, en 1864 [V. Charles-Joseph Coursol*] et, en 1869–1870, la poursuite engagée au nom de la veuve de Joseph Guibord* contre le curé et les marguilliers de la paroisse Notre-Dame de Montréal [V. Alexis-Frédéric Truteau*]. Laflamme est le premier avocat de Mme Guibord devant la Cour supérieure en 1869, mais Joseph Doutre* se joint vite à lui ; aux autres instances, et jusqu’à l’appel au Conseil privé de Londres, qui rendra une décision favorable à la fin de 1874, c’est Doutre qui a la responsabilité du dossier.
Laflamme obtient en 1856 une licence en droit du McGill College. À plusieurs reprises, à compter de l’année suivante, il est membre du conseil du Barreau du Bas-Canada ; de 1864 à 1866, il est bâtonnier. En 1863, il reçoit le titre de conseiller de la reine. Pendant plusieurs années, il enseigne, à temps partiel comme les autres professeurs, le droit immobilier à la faculté de droit du McGill College, où on lui confère en 1873 un doctorat honorifique en droit civil. Laflamme refuse deux ans plus tard un poste à la Cour suprême du Canada, nouvellement créée.
Laflamme a été des premières années de l’Institut canadien de Montréal. La première historiographie de l’institut, qui a bien un demi-siècle, le lie étroitement aux Louis-Antoine Dessaulles et Joseph Doutre, alors que son rôle fut beaucoup plus restreint. Après 1848, son nom ne figure ni dans les listes de membres des comités de direction ni comme conférencier. En novembre 1845, Laflamme, alors âgé de 18 ans, est élu pour six mois secrétaire archiviste de l’Institut canadien. Deux ans plus tard, il fait partie de la douzaine de jeunes gens qui forment le comité des collaborateurs du directeur-gérant Jean-Baptiste-Éric Dorion* à l’Avenir, réorganisé quelques mois après sa première parution, le 16 juillet 1847. Au mois de mai 1848, il est élu pour une demi-année président de l’institut avec, au comité de direction, les Jean-Baptiste-Éric Dorion, Joseph Papin* et Joseph Doutre, précisément au moment où se manifeste à l’institut le clivage, voire l’opposition, entre des partisans de l’Avenir et ceux de la Minerve [V. Joseph Papin].
Au mois d’octobre 1849, paraît dans les journaux anglophones de Montréal le Manifeste annexionniste, issu des milieux d’affaires, auquel l’Avenir va s’empresser de donner son appui. L’annexion aux États-Unis, écrit Laflamme dans le numéro du 13 octobre, conduirait à la prospérité, au progrès, et donnerait un sens à l’éducation. Le jeune avocat – nouvellement reçu – est élu, au début de novembre, au conseil de l’Association d’annexion de Montréal, tout comme Papin, alors que le notaire Denis-Emery Papineau fait partie des vice-présidents et Antoine-Aimé Dorion des secrétaires. Au début de 1852, lorsque le Pays remplace l’Avenir qui a cessé momentanément de paraître, on songe à adjoindre à deux rédacteurs, Louis-Antoine Dessaulles et Louis Labrèche-Viger*, huit collaborateurs, dont Laflamme. Le projet de collaboration ne se réalise cependant pas.
Le nom de Laflamme figure sur les listes publiées des membres de l’Institut canadien en 1852, puis en 1855. Il compte parmi les personnes qui demandent en 1852 à l’Assemblée législative de la province du Canada la reconnaissance juridique de l’institut. C’est lui qui invite le jeune Wilfrid Laurier*, qui a été son étudiant au McGill College et clerc dans son bureau d’avocats, à joindre l’institut. En 1865, « R. Laflamme – Avocat ; Conseil de la Reine – Professeur de Droit – Bâtonnier du Barreau de Montréal » est l’un des 17 membres catholiques de l’Institut canadien qui en appellent à Rome des censures de l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget*, contre l’association [V. Joseph Doutre]. À l’inauguration du nouvel édifice de l’institut, en décembre 1866, on le présente comme un invité d’honneur et, l’année suivante, on le nomme membre du comité de souscription créé pour tirer l’institut de ses difficultés financières.
Contrairement à plusieurs des vedettes du journal l’Avenir qui tentent de se faire élire comme députés dès 1851 et surtout en 1854, Laflamme attend pour briguer les suffrages des électeurs, ce qui ne l’empêche pas d’être reconnu comme « rouge », démocrate, puis libéral, ou encore, de participer à compter de 1864 au mouvement d’opposition au projet de confédération. À la fin de 1871 et au début de 1872, dans les milieux influents du parti, il s’est prononcé contre la transformation du parti libéral en parti « national ». Candidat lui-même aux élections fédérales de 1872, dans la circonscription de Jacques-Cartier, il est élu député. En janvier 1874, à la suite du scandale du Pacifique [V. sir John Alexander Macdonald ; sir Hugh Allan*] et de la formation du ministère libéral d’Alexander Mackenzie, il est réélu sans opposition.
Déjà influent parmi les libéraux de la province de Québec, important aussi relativement au favoritisme dans la région montréalaise, Laflamme devient ministre du Revenu de l’intérieur le 9 novembre 1876 ; il remplace alors Félix Geoffrion qui a démissionné. Soumis à la réélection, il l’emporte de justesse le 28 novembre contre Désiré Girouard* et les forces ultramontaines. À compter du 8 juin 1877 (le célèbre discours de Laurier sur le libéralisme politique, à Québec, date du 26 juin), il occupe plutôt le très important poste de ministre de la Justice, jusqu’à la chute du ministère Mackenzie, en octobre 1878. Défait aux élections générales de 1878 et de 1882, Laflamme retourne à la pratique du droit mais demeure un personnage en vue du parti libéral.
Un contemporain, Laurent-Olivier David*, dans un article de 1876, fait ressortir la compétence de Toussaint-Antoine-Rodolphe Laflamme comme avocat, son élégance, ses goûts un peu excentriques, et même sa générosité. Mais en 1894, après la mort de Laflamme, survenue le 7 décembre 1893 après quelques jours de maladie, il écrit : « mieux eût valu pour Laflamme qu’il ne fût jamais entré dans la politique [...] Il y a perdu sa fortune [...] et n’a rien ajouté à sa réputation. » Pour une part, ce jugement a quelque chose à voir avec les différences d’orientation et de relations, à l’intérieur du parti libéral, des deux hommes. David retient par ailleurs que, contrairement à Joseph Doutre, par exemple, Laflamme « resta et mourut catholique ».
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Jean-Paul Bernard, « LAFLAMME, TOUSSAINT-ANTOINE-RODOLPHE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/laflamme_toussaint_antoine_rodolphe_12F.html.
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Auteur de l'article: | Jean-Paul Bernard |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
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