LACOMBE (Truillier, dit Lacombe), PATRICE, notaire et écrivain, né à la mission du Lac-des-Deux-Montagnes (Oka, Québec), le 20 février 1807, du mariage de François-Xavier Truillier, dit Lacombe, marchand, et de Geneviève Adhémar, décédé à Montréal le 6 juillet 1863.
Patrice Lacombe fit ses études au collège de Montréal de 1816 à 1825. Il y manifesta d’assez heureuses dispositions pour le style, si l’on en croit les palmarès qui lui accordent des premiers prix en version latine et en discours latin. Reçu notaire le 31 décembre 1830, il entre au service de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice deux ans plus tard, en qualité d’agent d’affaires. La gérance des immenses biens des sulpiciens ne l’accapare pas totalement comme en témoigne le volume de ses actes.
La vie de ce notaire semble avoir été dépourvue de tout imprévu. Le 7 janvier 1835, Patrice Lacombe épouse à Saint-Joseph-de-Maskinongé (Maskinongé, Québec) Léocadie Boucher, veuve de John Dies Nelson ; il ne laissera aucune descendance. Toutes ses notices nécrologiques s’accordent à lui attribuer les qualités des personnes rangées : intégrité, affabilité, respectabilité. On affirme qu’il encouragea les lettres sans donner plus de précisions.
Patrice Lacombe serait certainement tombé dans l’oubli s’il n’avait écrit un petit roman, paru d’abord dans l’Album littéraire et musical de la Revue canadienne en 1846 puis recueilli par James Huston* dans le Répertoire national [...]. « La Terre paternelle » raconte l’histoire d’une famille paysanne, les Chauvin, plongée dans le malheur par suite du départ du fils cadet pour les pays d’en haut. Pour éviter que l’aîné n’en fasse autant, le père lui fait donation de sa terre mais à des conditions fort onéreuses. Il sera bientôt obligé de la reprendre mais préférera la louer pour s’acheter un commerce. Malheureusement, ses affaires vont mal et il doit déclarer faillite. Dépouillé de sa terre, il s’exile à la ville, où lui et son fils deviennent porteurs d’eau. La famille connaît alors la misère et la faim. Après dix ans de cette existence famélique, l’aîné meurt et Chauvin doit se résoudre, faute d’argent, à l’abandonner au charnier, exposé à toutes les profanations. Heureusement, le fils cadet revient du Nord-Ouest les poches pleines d’argent et permet à la famille de réintégrer la terre paternelle et de retrouver le bonheur perdu.
Ce petit roman dont l’écriture n’a rien de remarquable a cependant le grand mérite d’inaugurer la littérature régionaliste au Québec. Alors que d’autres, comme Joseph Doutre*, Eugène L’Écuyer ou Pierre-Georges Boucher* de Boucherville s’ingénient à copier les feuilletonistes français, Lacombe se propose de décrire les « mœurs pures et simples » d’un pays où l’on supporte « avec résignation et patience les plus grandes adversités ». Bien que prototype du « roman de la terre paternelle » qui comptera plus de 60 versions, cette nouvelle ne trouve pas encore ici son expression la plus stéréotypée. Il faudra attendre plus d’un demi-siècle pour que Damase Potvin* présente des pères âgés qui veulent léguer leur terre à leur fils unique. Celui-ci, attiré par la ville, quitte la maison mais doit bientôt déchanter au contact de toutes les déchéances. S’il ne meurt pas, il peut rentrer sous le toit paternel en reconnaissant son erreur. L’idéologie agriculturiste, encore à l’état de gestation, ne pouvait dicter à Lacombe tous les effets à produire. Sans avoir une plume très alerte, il écrit correctement et il parvient souvent à peindre de petits tableaux non dépourvus de pittoresque. On peut citer la scène de l’auberge des voyageurs, la criée à la porte de l’église, la description toute réaliste du taudis du faubourg Saint-Laurent et, enfin, le retour des voyageurs des pays d’en haut. Pour un roman aussi modeste, c’est déjà beaucoup.
Publié pour la première fois dans l’Album littéraire et musical de la Revue canadienne (Montréal), en février 1846, l’ouvrage de Patrice Lacombe, la Terre paternelle, a connu au moins 11 réimpressions. La dernière date de 1972. Une description complète de ces réimpressions a été faite par D. M. Hayne et Marcel Tirol, dans Bibliographie critique du roman canadien français, 1837–1900 ([Québec et Toronto], 1968), 95–97.
ANQ-M, Greffe de Patrice Lacombe, 1831–1863.— Archives judiciaires, Terrebonne (Saint-Jérôme), Registre d’état civil, Lac-des-Deux-Montagnes, 21 févr. 1807.— JIP, juill.–août 1863, 121s.— Le Journal de Québec, 9 juill. 1863.— La Minerve, 7 juill. 1863.— Le Monde illustré (Montréal), 10 sept. 1892.— Albert Dandurand, Le roman canadien français (Montréal, 1937), 29–37.— D. M. Hayne, Les origines du roman canadien-français, Le roman canadien français, évolution-témoignages-bibliographie (Montréal et Paris, [1964]), 55–57.— Hist. de la littérature (Grandpré), 1 : 178–184.— Léopold Lamontagne, Les courants idéologiques dans la littérature canadienne-française du XIXe siècle, Littérature et société canadiennes françaises, Fernand Dumont et J.-C. Falardeau, édit. (Québec, 1964), 101–119.— J.-E. Roy, Hist. du notariat, II : 85–87.— Richard Lessard, Patrice Lacombe, auteur de la Terre paternelle, BRH, XLVI (1940) 180.— Réjean Robidoux, Fortunes et infortunes de l’abbé Casgrain, Revue de l’université d’Ottawa, XXXI (1961) :209–229.
Maurice Lemire, « LACOMBE (Truillier, dit Lacombe), PATRICE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/lacombe_patrice_9F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1977 |
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