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LABATT, JOHN, homme d’affaires, né le 11 décembre 1838 dans le canton de Westminster, Haut-Canada, troisième fils de John Kinder Labatt* et d’Eliza Kell ; en 1866, il épousa Catherine Matilda Biddulph (décédée en 1874), et ils eurent quatre filles, puis le 3 mai 1879, à Montréal, Sophia Amelia Browne (décédée en 1906), et de ce second mariage naquirent huit enfants ; décédé le 27 avril 1915 à London, Ontario.
Eliza Kell et John Kinder Labatt se marièrent en Angleterre en 1833 avant de partir pour le Haut-Canada. Ils s’établirent dans une ferme dans le canton de Westminster, au sud de London. John Labatt fréquenta d’abord la Caradoc Academy, puis termina ses études secondaires à London, où sa famille s’installa en 1847 après que son père eut vendu la ferme et acheté une part dans une petite brasserie. Lorsque John atteignit l’âge de 21 ans, en 1859, son père était l’unique propriétaire de la London Brewery. Ses parents étaient tellement impressionnés par ses aptitudes pour l’exploitation de l’entreprise familiale que, cette année-là, ils l’envoyèrent faire son apprentissage chez l’Anglais George Weatherall Smith, brasseur d’ales établi à Wheeling, en Virginie-Occidentale. C’est là que Labatt apprit la recette de l’India pale ale, probablement inspirée du produit mis au point par la Bass Brewing Company à Burton upon Trent en Angleterre. Cette expérience influencerait toute sa carrière.
En 1863, comme son entreprise n’était plus que ruines à cause de la guerre de Sécession, Smith acheta une brasserie à Prescott, dans le Haut-Canada, et prit Labatt avec lui. L’année suivante, Labatt retourna à London, où ses parents le choisirent comme futur directeur et propriétaire de la brasserie familiale. À la mort de John Kinder Labatt en 1866, l’entreprise passa à sa veuve Eliza. Cependant, elle et John conclurent bientôt un arrangement : il fit l’acquisition de la brasserie avec une hypothèque qui lui assurait, à elle, un revenu régulier.
Méthodique et confiant, Labatt se mit à la tâche. Il tenait à ce que sa brasserie se distingue des autres et lui fit prendre de l’expansion graduellement. Il la rebaptisa Labatt and Company et, au cours des années 1870, concentra ses activités sur la fabrication de l’India pale ale, son produit vedette. Il investissait périodiquement dans des installations – une brasserie beaucoup plus grande fut construite après un incendie survenu en 1874 – et supervisait lui-même la mise en marché et les ventes. D’après lui, il ne faisait pas de doute qu’une bière blonde continuerait de faire l’objet d’une forte demande, étant donné les antécédents de la population anglo-irlando-écossaise du centre du Canada.
Pour brasser cette bière de type anglais, Labatt utilisait de l’eau dure (son puits lui en donnait en abondance), de l’orge du sud-ouest de l’Ontario (il y en avait à profusion et il était de grande qualité), et du houblon acheté en Colombie-Britannique et en Europe centrale. Tout son équipement provenait de fabricants locaux. Grâce à ces ressources, toute la production pouvait se faire à London, mais Labatt devait élargir son marché s’il voulait soutenir la concurrence des plus grosses brasseries, dont celles établies par John Carling à London, par Eugene O’Keefe à Toronto et par William Dow* et James Pawley Dawes* à Montréal.
Pendant le dernier tiers du xixe siècle, l’industrie de la bière profita pleinement du fait que l’on construisait des chemins de fer partout au Canada. Ainsi, Labatt vendait des wagonnées de malt à la brasserie d’Alexander Keith* de Halifax. Sa bière, mise en tonneaux de contenance diverse, pouvait être expédiée par wagon couvert jusqu’à des localités éloignées. Dès 1900, il possédait et exploitait des agences d’embouteillage à Hamilton, à Toronto, à Ottawa, à Montréal, à Québec et à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. La capacité de son usine de London avait doublé depuis les années 1870 ; ses opérations de maltage et de brassage le classaient probablement au septième rang des brasseurs canadiens. Au fil des ans, Labatt était devenu une figure dominante dans le monde des affaires du sud-ouest de l’Ontario. Par ailleurs, il menait une existence discrète ; il fréquentait la cathédrale anglicane St Paul et soutenait le Parti conservateur.
Tout comme les autres entrepreneurs-brasseurs, Labatt recourait à l’imprimé – journaux, magazines, calendriers et étiquettes – pour la mise en marché de sa bière et la publicité. Lorsque les militants de la tempérance ne réussissaient pas à les en empêcher, les brasseurs pouvaient monter des étalages et tenir des concours dans des foires qui attiraient des milliers de visiteurs, par exemple l’Exposition universelle tenue à Philadelphie en 1876 ou celle de Chicago en 1893. Quand son produit remportait un prix, Labatt le faisait voir sur ses étiquettes, qui comportaient un logo à pointe de flèche semblable, comme c’était voulu, au triangle rouge de la bière anglaise Bass. Ces symboles évoquaient une bière blonde de qualité, adaptée au goût d’un gentleman des colonies anglaises. Telle était l’image de marque que Labatt cherchait à donner en ce temps où le contrôle de la qualité était difficile dans l’industrie de la brasserie.
Grâce aux bénéfices que lui rapportait la brasserie, Labatt investit, particulièrement dans les années 1880, dans d’autres entreprises, notamment la North American Agricultural Implement and General Manufacturing Company of London, Canada, Limited, qu’il aida à fonder en 1883. L’objectif était d’établir une rivale de la Massey Manufacturing Company [V. Hart Almerrin Massey*] à London et à Winnipeg en ces années où le chemin de fer canadien du Pacifique commençait à ouvrir l’Ouest au peuplement. Cependant, il fut impossible de rassembler le capital requis, et Labatt, avec le président de l’Imperial Oil, Frederick Ardell Fitzgerald, se laissa convaincre d’endosser des emprunts bancaires pour l’entreprise, que l’on avait rebaptisée Stevens Manufacturing Company. Celle-ci tomba en déconfiture, et Labatt se retrouva avec une grosse dette sur les bras. Peut-être trop confiant envers ses associés en affaires, il participa avec Henry Taylor* à deux autres entreprises malheureuses, l’Ontario Investment Association et la Bank of London in Canada. Par la suite, Labatt se concentra de nouveau sur sa brasserie. En 1889, il refusa une offre d’un consortium anglais visant à fusionner les brasseries Labatt et Carling. Neuf ans plus tard, il étudia des offres de vente qui provenaient d’entreprises britanniques, mais supposaient une fusion avec O’Keefe. Incapable d’accepter des évaluations qui lui semblaient inférieures à son actif, il décida finalement de demeurer indépendant. En 1911, il constitua juridiquement sa compagnie sous le nom de John Labatt Limited et garda plus de 99 % des actions.
Toujours en 1911, John Labatt rédigea le testament qui allait consacrer le caractère familial de son entreprise. Il la légua à ses neuf enfants survivants, chacun ayant un nombre égal d’actions. Ses fils, John Sackville* et Hugh Francis, qui lui succéderaient à la direction, ne pourraient prendre aucune décision sans l’approbation de leurs sept sœurs. Après avoir bâti une grosse brasserie, Labatt décidait donc qu’elle demeurerait sous le contrôle strict de sa famille. On était alors à la veille de l’époque de la prohibition.
Les détails concernant la biographie de John Labatt ont été glanés dans les quelques archives de John Labatt Limited qui subsistent au siège social de l’entreprise à London, Ontario.
ANQ-M, CE1-63, 3 mai 1879.— London Advertiser 28–29 avril 1915.— London Free Press, 28 avril 1915.— Canadian who’s who (1910).— Newspaper reference book.— Albert Tucker, « John Labatt Limited, a history » (texte dactylographié, 1987 ; exemplaire conservé par John Labatt Limited) ; « Labatt’s : from entrepreneur to family board, 1870–1945 » (communication présentée à la Soc. hist. du Canada, Ottawa, 1982).
Albert Tucker, « LABATT, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/labatt_john_14F.html.
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Auteur de l'article: | Albert Tucker |
Titre de l'article: | LABATT, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |