LA COLOMBIÈRE, JOSEPH DE, prêtre, chanoine, vicaire général, archidiacre, conseiller clerc au Conseil supérieur, grand chantre, né en 1651 à Vienne (Dauphiné) de Bertrand de La Colombière, magistrat, et de Marguerite Coindat, décédé à Québec le 18 juillet 1723.

Joseph, que l’on a appelé à tort Serré de La Colombière ou La Colombière-Serré, était le frère cadet du jésuite Claude de La Colombière, prédicateur célèbre de la dévotion au Sacré-Cœur, béatifié en 1929. Joseph était avocat depuis cinq ou six ans lorsqu’il entra chez les Sulpiciens. Peu après avoir reçu le sacerdoce, il passa en Nouvelle-France et arriva dans la colonie le 21 juillet 1682, hautement recommandé par son supérieur de Paris, M. Tronson, qui voyait en lui un éventuel remplaçant de Dollier de Casson auprès de qui il allait travailler, à Montréal.

Il y exerça d’abord son ministère à la satisfaction générale, et fut confesseur des religieuses de l’Hôtel-Dieu et de la congrégation de Notre-Dame. De plus, il acquit vite du renom comme orateur sacré. En 1690, aumônier des troupes montréalistes venues prêter main-forte aux Québécois assiégés par Phips*, La Colombière prononça un sermon lors de la cérémonie d’action de grâces pour la victoire. Il ne craignit pas, devant Frontenac [Buade*] et les militaires assemblés, d’attribuer tout le mérite de la défaite des Anglais à la Vierge, exclusivement. L’année suivante, il était rappelé en France pour avoir soutenu la cause de la sœur Tardy, visionnaire dont l’influence menaçait l’autorité dans les différentes communautés religieuses de Montréal.

Il débarqua dans la métropole au milieu de juillet 1691, en compagnie de Mgr de Saint-Vallier [La Croix]. Désespérant de jamais obtenir la permission de retourner en Nouvelle-France, La Colombière quitta Saint-Sulpice pour aller demeurer au séminaire des Missions étrangères. L’évêque le ramena à Québec le 9 août 1692, contre les conseils de M. Tronson.

L’ex-sulpicien n’allait pas tarder à être victime du prélat querelleur. En décembre, la procédure de son élévation au canonicat fit le sujet d’un grave différend entre l’évêque et le chapitre de Québec. Selon Mgr de Laval, M. de Merlac*, grand chantre du chapitre, essayait d’enlever à Mgr de Saint-Vallier sa confiance en La Colombière. Celui-ci, de son côté, écrivait aux diverses autorités religieuses et civiles au sujet de la crise de l’Eglise du Canada qui l’effrayait, disait-il, beaucoup plus que les Iroquois. Il accusait le successeur de Mgr l’Ancien d’en être le principal responsable et réclamait, pour le bien spirituel de Saint-Vallier autant que dans l’intérêt de la colonie, sa démission. Mgr de Laval disait que la Providence voulait se servir de La Colombière « pour La deffense De La verité » et, ajoutait-il, « il a Le cœur Droit et sincère, et agit en tout avec Beaucoup de prudence et vrayment Dans Lesprit De Dieu ; et il semble quil ne Soye envoye ici cette annee quafin quil connust manifestement Le mauvais esprit duquel M. Dequebec est poussé et anime ».

Pourtant, Mgr de Saint-Vallier ne tarda pas à retrouver son estime pour La Colombière puisqu’il en fit, dès 1694, le supérieur ecclésiastique de l’Hôtel-Dieu de Québec. De plus, le 2 mai 1698, il le nomma grand vicaire, et le 14 août suivant archidiacre du chapitre de Québec, charges qui allaient être particulièrement lourdes durant l’absence de Mgr de Saint-Vallier de 1700 à 1713. L’évêque y fit ajouter encore, le 16 juin 1703, celle de conseiller clerc au Conseil supérieur de la Nouvelle-France, emploi qui, malheureusement pour la situation financière désastreuse du titulaire, ne comportait aucune rémunération. Mais, en 1709, mécontent de la façon dont La Colombière s’acquittait de ses fonctions de confesseur des hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Québec, Mgr de Saint-Vallier les lui retira. La Colombière rentra définitivement en grâce cinq ans plus tard, et fut promu, le Il janvier 1722, grand chantre du chapitre de Québec. Ce fut la dernière dignité à laquelle il accéda.

Après quelques jours de paralysie, il mourut le 18 juillet 1723, à l’Hôtel-Dieu de Québec où il vivait depuis quelques années. Quoique réconcilié avec les Sulpiciens, il n’avait jamais pu être réadmis dans leurs rangs, ce qui n’avait pas empêché les autorités de cette compagnie de favoriser sa nomination au poste de supérieur des frères Charon [V. Francois Charon de La Barre] dont l’archidiacre avait l’œuvre à cœur. Il laissait derrière lui le souvenir d’un homme éloquent, cordial, dévoué, modeste, charitable, désintéressé et d’une grande dévotion mariale. On avait même songé à lui, un moment, pour devenir coadjuteur de Mgr de Saint-Vallier. Mgr de Laval (de qui il devait prononcer l’oraison funèbre), le séminaire des Missions étrangères et les religieuses de l’Hôtel-Dieu de Québec vantaient particulièrement ses mérites. Quant à Pontchartrain [Phélypeaux], il disait de La Colombière, en 1710 : « C’est un très bon sujet qui travaille avec fruit dans la Nouvelle-France par la pureté de ses mœurs et par ses prédications. »

Mais ce qui le distingue peut-être davantage c’est que, dans la période troublée où il vécut, on comptait sur lui pour « traiter doucement des choses ».

Céline Dupré

ASQ, Chapitre, 69, 101, 139a ; Lettres, M, 12, 13, 37, p.7s., 38, pp.36–38 ; Lettres, N, 99, 101, f.10, 102, f.4, 129, p. 5 ; Lettres, O, 12, p. 7, 45, 48 ; Lettres, R, 6 ; Paroisse de Québec, 3a, 33, Polygraphie, XVIII : 54.— Caron, Inventaire de documents, RAPQ, 1939–40 ; 1940–41.— Juchereau, Annales (Jamet).— Jug. et délib., V, VI.— Ernest Myrand, Mde la Colombière, orateur : historique d’un sermon célèbre prononce a Notre-Dame de Québec, le 5 novembre 1690, à l’occasion de la levée du siège de cette ville [...], suivi des relations officielles de Frontenac, Monseignat et Juchereau de Saint-Ignace [...] (Montréal, 1898).— Taillemite, Inventaire analytique, série B, I.— Casgrain, Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec.— [Étienne-Michel Faillon], Vie de la Sœur Bourgeoys, fondatrice de la Congrégation de Notre-Dame de Villemarie en Canada, suivie de l’Histoire de cet institut jusqu’à ce jour (2 vol., Villemarie [Montréal], 1853), I : 378–396.— Mgr de Saint-Vallier et l’Hôpital Général de Québec.— Les Ursulines de Québec (1866–1878), II : 27–29.— Amédée Gosselin, Essai de biographie de l’abbé Joseph de La Colombière, MSRC, XXIX (1935), sect. i : 87–108.— Gosselin, L’Église du Canada, II.— Alfred Rambaud, La vie orageuse et douloureuse de Mgr de Saint-Vallier, deuxième évêque de Québec (1653–1727), RUL, IX (1954) : 96.

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Céline Dupré, « LA COLOMBIÈRE, JOSEPH DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/la_colombiere_joseph_de_2F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024