ˀKWAH (Quâs), chef porteur, né vers 1755 près de ce qui est aujourd’hui le lac Stuart, Colombie-Britannique, fils de Tsalekulhyé et d’une femme de Nat-len (lac Fraser) ; décédé en 1840 au fort St James (Fort St James, Colombie-Britannique).

Une légende rapporte que ˀKwah et son frère Œhulhtzœn (Hoolson) se rendirent célèbres en vengeant la mort de leur père, assassiné par des Porteurs d’un autre clan vers 1780. Cette histoire est sans doute fondée, car il était courant de voir des Porteurs de villages voisins se quereller entre eux, en particulier pour des histoires de femmes ou de jeu. À un certain moment, ˀKwah fut reconnu par les siens comme un noble. Il hérita probablement son titre d’un oncle maternel, puisqu’il appartenait à une tribu matrilinéaire. Les villages des Porteurs d’en haut comptaient de 40 à 120 personnes environ ; chaque village avait un chef et un ou deux nobles. En 1806, lorsque la North West Company construisit le fort St James à l’extrémité est du lac Stuart, ˀKwah habitait tout près avec ses quatre femmes, et les Porteurs le considéraient comme le chef du village. Selon la coutume, il s’imposait à ce titre en donnant périodiquement des festins qui réunissaient plusieurs villages. Un de ses rôles officiels consistait à servir d’arbitre dans les querelles entre villages.

Le premier témoignage direct au sujet de ˀKwah date de 1811 et provient d’un trafiquant de la North West Company, Daniel Williams Harmon. À l’occasion d’une dispute avec ce trafiquant à propos de la traite, ˀKwah affirma que la seule différence entre eux était que Harmon savait lire et écrire. « Tu fais venir des marchandises de très loin, tu es riche et tu ne manques de rien, dit le chef indien. Mais est-ce que je ne mène pas mes affaires aussi bien que toi ? Quand as-tu entendu dire que Quâs risquait de mourir de faim ? [...] Je ne manque jamais de rien et ma famille est toujours bien vêtue. » Les esprits s’échauffèrent et Harmon, persuadé que ˀKwah essayait de l’intimider, le frappa avec une verge. Peu de temps après, ˀKwah fit une fête à Harmon et s’excusa de sa conduite, mais il n’avait pas pour autant fini de donner du fil à retordre aux trafiquants. Toutefois, même si les sujets d’irritation ne manquaient pas de part et d’autre, ˀKwah travailla ferme pour que les trafiquants, comme sa propre famille, soient toujours bien pourvus de vivres. Il leur fournissait en particulier du saumon en provenance du barrage qu’il s’efforçait de garder en bon état. Le trafiquant James McDougall écrivit à son sujet : « c’est le seul Indien qui peut et veut donner du poisson et sur lequel nous devons compter en grande partie ». À titre de noble, ˀKwah avait hérité du droit de trapper le castor sur certains territoires. Assisté de ses fils et de ses gendres, il était, comme ses congénères de haut rang, un important fournisseur de castor et d’autres fourrures pour le fort St James.

Ce que les Blancs ont peut-être le mieux retenu de ˀKwah, c’est son intervention pour sauver la vie de James Douglas*, responsable du poste de la Hudson’s Bay Company. L’incident est relié à un crime commis en 1823 par deux Porteurs qui, à la suite d’une histoire de liaison, avaient tué deux employés de la Hudson’s Bay Company stationnés au fort George (Prince George). Les trafiquants avaient demandé aux Indiens de mettre à mort les deux meurtriers, mais ˀKwah aurait dissuadé ses congénères d’agir ainsi. Plusieurs années après, l’un des coupables se rendit au village de ˀKwah et, en l’absence du chef, se cacha dans sa maison. Cependant, Douglas et d’autres hommes de la Hudson’s Bay Company le découvrirent et l’abattirent. Au retour de ˀKwah, le chef et tous les siens envahirent le poste et exigèrent une explication. Son neveu pointa une épée sur la poitrine de Douglas, mais ˀKwah ordonna qu’il n’y ait pas d’effusion de sang. Les Indiens retournèrent chez eux après que les femmes du poste leur eurent lancé des présents ; ils avaient reçu un dédommagement pour leur perte. ˀKwah, qui avait su garder son calme malgré l’excitation de la bande, avait sans doute compris que s’il s’attaquait aux trafiquants il s’attirerait finalement des représailles.

ÃKwah mourut au cours de l’été de 1840 et, en novembre, on organisa en son honneur un festin funéraire. On l’enterra au lieu de l’incinérer, contrairement à ses ancêtres. Au moment de sa mort, il était, aux yeux des trafiquants comme des Porteurs, probablement l’Indien le plus important de New Caledonia. Les Blancs l’avaient surnommé le roi des Porteurs. ˀKwah laissa 16 enfants et de nombreux petits-enfants. Son troisième fils, malgré la tradition matrilinéaire, remplaça un oncle paternel à titre de chef, et on le surnomma le Prince. Au milieu du xixe siècle, lorsque les missionnaires commencèrent à baptiser les Indiens de la région, la famille reçut le nom de Prince.

Charles A. Bishop

PAM, HBCA, B.119/a/1 ; B.188/a/1–19 ; B.188/b/1–6 ; B.188/e/1–5 (mfm aux APC).— D. W. Harmon, Sixteen years in the Indian country : the journal of Daniel Williams Harmon, 1800–1816, W. K. Lamb, édit. (Toronto, 1957).— C. A. Bishop, « Kwah : a Carrier chief », Old trails and new directions : papers of the third North American Fur Trade Conference, C. M. Judd et A. J. Ray, édit. (Toronto, 1980), 191–204.— A.-G. Morice, The history of the northern interior of British Columbia, formerly New Caledonia, 1600 to 1880 (Toronto, 1904).— W. P. Johnston, « Chief Kwah’s revenge », Beaver, outfit 274 (sept. 1943) : 22–23.

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Charles A. Bishop, « ˀKWAH (Quâs) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kwah_7F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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