KINNEY, JAMES ALEXANDER ROSS, sténographe, agent publicitaire et directeur d’orphelinat, né le 25 février 1879 à Yarmouth, Nouvelle-Écosse, fils de James Kinney et de Charlotte Forest Woodhouse ; le 23 juillet 1906, il épousa à Halifax Mary Sarah Allison (décédée en 1908), puis le 30 août 1909, à Amherst, Nouvelle-Écosse, Nettie Alexandra Fidelia (Dorothy) Martin (décédée le 6 septembre 1923), et de ce second mariage naquirent un fils et une fille ; une belle-fille mourut avant lui ; décédé le 6 novembre 1940 à Halifax.
Après la mort de son mari, barbier, à Yarmouth en 1881, la mère de James Alexander Ross Kinney retourna à Halifax, sa ville natale, où elle fit de la couture pour subvenir aux besoins de sa famille. En 1897, Kinney termina ses études au Halifax Commercial College, qui avait fusionné avec le Halifax Business College (dans lequel il s’était peut-être d’abord inscrit). Il travailla ensuite comme commis et sténographe dans le cabinet d’avocat de John Thomas Bulmer*, qui militait depuis longtemps pour l’amélioration de la condition des Noirs de Nouvelle-Écosse. Il quitta son emploi chez Bulmer à peu près au moment où James Robinson Johnston*, premier avocat noir de la province, se joignit à ce cabinet (probablement en 1900 ou 1901). Kinney obtint un poste de sténographe à la Leslie, Hart and Company, entreprise de courtage et de vente en gros de fruits de mer. À partir de 1902, il remplit la même tâche à la William Stairs, Son and Morrow, alors sous la présidence de William James Stairs* ; l’entreprise, établie de longue date, était spécialisée dans les articles de quincaillerie, les matériaux de construction et les fournitures de bateaux. Promu directeur de la publicité en 1913, Kinney recrutait des clients potentiels au moyen d’annonces dans la presse et de lettres adressées à certaines catégories de consommateurs. Il donna à la firme le titre d’Eastern Canada’s Supply House et variait les slogans selon le produit mis en vedette. En 1925, un article du Halifax Herald laissait entendre que, comme col blanc respecté et prospère, « M. Kinney [avait] démontré la fausseté de la remarque souvent entendue selon laquelle il [était] difficile pour un garçon de couleur de réussir ».
Les autres activités de Kinney découlaient de sa détermination à améliorer les perspectives d’avenir des Noirs de Nouvelle-Écosse. Considérant l’Église baptiste africaine comme la clé pour atteindre son objectif, il était devenu membre de l’église baptiste Cornwallis Street dès son adolescence. Pourtant, sa mère était méthodiste et ses mariages se déroulèrent selon le rite méthodiste. Les réalisations de Kinney lui permirent de succéder à Johnston en tant que meneur laïque de la communauté noire locale après la mort prématurée de ce dernier, le 3 mars 1915. Moins d’un mois plus tard, il dirigeait la classe d’études bibliques pour hommes de son église, s’efforçant de nourrir l’« élévation spirituelle » et d’inculquer une « fierté raciale ». Vers la fin de l’été, le révérend Moses B. Puryear, qui revitalisa sa congrégation baptiste entre 1909 et 1918, se saisit de « l’habileté pratique en affaires » de Kinney en le nommant président d’un nouveau comité chargé de mettre « tous les services de l’Église en bon état de fonctionnement ». En 1915, ce dernier participa comme délégué à sa première réunion de l’African Baptist Association ; en mars 1916, il était déjà membre du conseil d’administration de l’Église. En 1917, après deux années au cours desquelles il avait secondé et remplacé William Andrew White (qui succéderait à Puryear), Kinney accepta le poste de secrétaire, aussi appelé commis, de l’African Baptist Association, qui prit le nom d’African United Baptist Association en 1919. Il occupa cette fonction laïque importante jusqu’en 1922, puis de 1929 à 1939 ; à sa mort, il en était le trésorier. Tant au sein de sa communauté qu’au niveau provincial, il s’était engagé dans une lutte perpétuelle pour surmonter les problèmes financiers de l’église et pour insuffler de la confiance en soi et des idées de citoyenneté responsable aux Néo-Écossais d’ascendance africaine. Il s’évertua à promouvoir le respect pour l’éducation, la participation au bien-être social et l’activisme des femmes noires. Pendant la Première Guerre mondiale, il aida à recruter des Noirs pour le service militaire ; deux de ses beaux-frères s’enrôlèrent. En 1916, il fut secrétaire de l’Afro-Canadian Improvement Society, nouvellement créée.
Kinney devint l’un de ceux qui préconisèrent le plus ardemment la création d’une école pour enfants noirs, projet qui avait été cher à Johnston. Ses associés et lui s’intéressaient au concept d’autonomie des Noirs mis en pratique au Tuskegee Normal and Industrial Institute, en Alabama. Kinney s’entretint avec le fondateur de l’établissement, Booker Taliaferro Washington, à Halifax, au mois d’août 1915. Dans une lettre empreinte d’admiration qu’il écrirait un mois plus tard, il se comparerait lui-même à un produit de cet établissement. Des plans pour la fondation du Nova Scotia Home for Colored Children furent modifiés plusieurs fois entre sa constitution juridique en 1915 et son inauguration le 6 juin 1921. Au départ, la mission consistait à fournir une formation professionnelle et technique inspirée du modèle Tuskegee, mais les ressources de la communauté noire locale étaient insuffisantes. De plus, la situation critique des enfants sans foyer nécessitait une attention particulière : Puryear déplorait la condition des « citoyens d’ascendance africaine » à Halifax et réclamait « un simple foyer » pour ces « petits enfants dont les perspectives d’avenir étaient si désespérées qu’il leur était impossible de devenir de bons citoyens ». Le manque de centres d’accueil pour les enfants noirs dans le besoin, qui furent encore plus nombreux à la suite de l’explosion de Halifax le 6 décembre 1917, indiquait qu’il fallait donner priorité à la création d’un établissement à vocation sociale et non scolaire. (L’édifice qui devait abriter une école fut détruit lors de la catastrophe.) La décision de se concentrer sur la mise sur pied d’un orphelinat doté d’une école, plutôt que sur une école à orientation professionnelle, s’avéra irrévocable. Au bout du compte, la pauvreté que connurent les Néo-Écossais d’origine africaine pendant la crise économique d’après-guerre, au cours des années 1920, et pendant la grande dépression des années 1930 écarta la possibilité de relancer le projet antérieur, plus ambitieux, ce que regretta Kinney.
Kinney se consacra corps et âme à la mise sur pied de l’établissement, d’abord comme membre et secrétaire du conseil d’administration interracial désigné en octobre 1917, puis comme administrateur, secrétaire-trésorier, membre du Construction and Improvement Committee et directeur rémunéré. Sur le terrain d’un peu plus de 200 acres, à Westphal (Dartmouth), acheté pour le projet par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse en dépit des protestations des résidents blancs du coin, une maison spacieuse et coquette fut construite grâce à une subvention provinciale de 10 000 $ et à des fonds recueillis par Kinney et d’autres personnes. Le personnel comprenait une directrice, une institutrice et des ouvriers pour la maison et la ferme. En général, de 35 à 45 enfants y vivaient ; ils participaient aux tâches domestiques et aux travaux à l’extérieur, ce qui les préparait à occuper des emplois de domestiques et d’ouvriers. Au début, le foyer hébergeait des préadolescents qui avaient perdu un de leurs parents, ou les deux, mais à la fin des années 1930, près du tiers des résidents étaient des adolescents et presque la moitié étaient dits « illégitimes ». Au cours de la première décennie, une centaine d’enfants furent accueillis ; Kinney insistait pour que tous les enfants noirs soient acceptés, sans tenir compte de leurs antécédents. Ils bénéficiaient de l’environnement rural sain du foyer, d’une école sur place et d’un personnel dévoué, ainsi que de bénévoles des quartiers noirs avoisinants et d’un public bienveillant, bien que condescendant. Kinney travailla étroitement avec Henry Gibson Bauld, homme d’affaires haligonien, qui n’était pas noir et qui fut longtemps président du conseil d’administration. En 1925, quand Kinney reprit la gestion du foyer, à temps plein, il démissionna de son poste en publicité ; il continua peut-être à effectuer quelques travaux pour la William Stairs, Son and Morrow jusqu’en 1927.
Les campagnes de financement datant de 1919 révèlent que Kinney utilisa son expérience des affaires à bon escient pour aider le foyer. Grâce au financement public, il fut en mesure d’en assurer le soutien pendant les premières années, même si le foyer garda toujours un capital d’emprunt substantiel. Les brochures reflètent son penchant pour les slogans, en général accompagnés de photographies pertinentes. Au début des années 1930, il cita une déclaration qu’il attribua au président américain Herbert Clark Hoover : « la race humaine va de l’avant [portée par] les pieds de ses enfants ». Il imprima de plus une invocation qui disait « Je suis l’enfant […] Vous déterminez en grande partie si je vais réussir ou échouer / Contribuez à ma formation, je vous en prie, afin que je puisse devenir une bénédiction pour le monde. » Plus tard, des résultats positifs furent soulignés : « Depuis 20 ans […] Un décès et aucune épidémie importante : preuve des soins exceptionnels prodigués aux enfants qui nous ont été confiés. » Le foyer était une source de fierté dans toutes les Maritimes ; les fonctionnaires du gouvernement à Ottawa et ailleurs en faisaient l’éloge.
L’espoir que nourrissait Kinney de créer une fondation ne se concrétisa pas. Il réussit toutefois à encourager des membres de l’élite à ne pas oublier le foyer dans leurs testaments, comme le firent, par exemple, Ella Almon Ritchie et sa sœur Eliza Ritchie. Différents moyens furent utilisés pour réunir des fonds, dont des journées de collecte, la sollicitation à domicile et des activités de divertissement. En 1931, Kinney prépara la diffusion radiophonique d’un concert pour attirer des promesses de soutien financier par téléphone et télégraphe, événement qui devint annuel. Lui-même doué pour la musique, il enseigna la guitare et la mandoline aux enfants, et emmena la chorale du foyer en tournée. L’ensemble se produisit à la United Baptist Convention of the Maritime Provinces tenue à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, environ deux mois avant la mort de Kinney, causée par un œdème pulmonaire à la suite de problèmes rénaux.
James Alexander Ross Kinney était convaincu que le foyer était la plus grande réalisation de la communauté noire. L’établissement continua de profiter du dévouement de sa famille : sa fille Dorothy aida à prendre soin des enfants et James Alexander Ross fils, qui avait travaillé à la ferme pendant sa jeunesse, succéda à son père. Même si toute l’attention que Kinney apporta au Nova Scotia Home for Colored Children au cours des 19 dernières années de sa vie peut sembler une utilisation limitée de ses très grands talents de leader, il fit ce qu’il put dans des circonstances difficiles pour promouvoir le bien-être de ses semblables en se souciant peu de son intérêt personnel. À la fin du xxe siècle, des allégations d’abus plongeraient dans la controverse le Nova Scotia Home for Colored Children, tout comme plusieurs autres établissements résidentiels. La campagne de revendication et d’indemnisation des victimes, longue mais fructueuse, aurait été incompréhensible pour Kinney et ses contemporains dans la Nouvelle-Écosse de la grande dépression.
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Judith Fingard, « KINNEY, JAMES ALEXANDER ROSS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kinney_james_alexander_ross_16F.html.
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Auteur de l'article: | Judith Fingard |
Titre de l'article: | KINNEY, JAMES ALEXANDER ROSS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |