KILPATRICK, THOMAS BUCHANAN, ministre presbytérien, auteur, professeur d’université et réformateur social, né le 27 septembre 1857 à Glasgow, fils de Daniel Ross Kilpatrick et d’Elizabeth Margaret Ritchie ; le 21 avril 1885, il épousa Anna M. K. Orr, et ils eurent un fils et deux filles, puis le 27 juin 1899, à Édimbourg, Jane M. Binnie ; décédé le 20 mars 1930 à Toronto.
Thomas Buchanan Kilpatrick naquit dans une famille qui appartenait à l’Église libre d’Écosse. Son père, ministre du culte auprès des ouvriers de Glasgow, fut l’un des chefs de file du renouveau évangélique qui se manifesta dans cette ville en 1859. Kilpatrick étudia à la Glasgow Academy puis à la University of Glasgow, où le philosophe britannique Edward Caird, un des principaux représentants de l’idéalisme, le considéra, dit-on, comme l’un de ses plus brillants élèves. Après avoir obtenu en 1877 une licence avec mention très bien en philosophie intellectuelle et en 1881 un diplôme du Free Church College de Glasgow, il poursuivit ses études à l’université d’Iéna en Allemagne. En 1882, il fut ordonné ministre et affecté à la paroisse de Burntisland à Fife, en Écosse. Le milieu familial de Kilpatrick souda davantage ses liens avec l’Église libre. Sa première femme était la fille du ministre George Orr ; sa deuxième était la fille du professeur William Binnie, du Free Church College d’Aberdeen.
La première publication de Kilpatrick faisait partie d’un recueil intitulé Essays in philosophical criticism. Paru à Glasgow en 1883, cet ouvrage rassemblait des textes d’une nouvelle génération de philosophes formés par Caird et par Thomas Hill Green, d’Oxford. Les auteurs tentaient d’appliquer la pensée idéaliste aux problèmes les plus pressants de la science, de l’éthique et de la religion. L’essai de Kilpatrick portait sur le pessimisme engendré par les philosophies individualistes de l’époque, qui abandonnaient l’homme à lui-même en le coupant de Dieu, de la nature et de ses semblables. Selon Kilpatrick, la religion avait pour tâche de proclamer l’espoir incarné par le principe suprême de l’amour, qui trouvait son expression ultime dans le christianisme. Tout au long de son ministère, il s’emploierait à propager cette interprétation dans son enseignement, dans ses publications, dans la vie paroissiale et dans des comités ecclésiastiques.
Muté en 1888 à l’église libre Ferryhill d’Aberdeen, Kilpatrick y resta 11 ans. Pendant cette période, le nombre de fidèles doubla presque, et lui-même se fit connaître pour son aptitude à convaincre les jeunes de la validité des prétentions du christianisme. Il continua d’écrire et commença à se consacrer à la vulgarisation en matière de théologie et de morale. En 1888, il prépara pour la publication un recueil de sermons de l’apologiste anglais Joseph Butler ; ce manuel faisait partie d’une collection destinée aux classes bibliques et aux leçons privées. En 1899, il fit paraître à Édimbourg un livre de sa main, Christian character : a study in New Testament morality. Cette étude s’inscrivait dans une collection d’ouvrages d’introduction destinés aux classes bibliques et visant à mettre à la portée des lecteurs intelligents les conclusions des études savantes et les idées des courants progressistes en matière de pensée biblique et théologique. En 1898, au cours du trimestre d’été, Kilpatrick avait prononcé des conférences au collège de Manitoba à Winnipeg. Déjà, il était réputé l’un des porte-parole importants de l’aile orthodoxe du mouvement théologique de retour au Christ. Loin de rejeter les affirmations traditionnelles, cette école de pensée entendait les réinterpréter à la lumière des connaissances modernes. Elle mettait l’accent sur la personne du Christ plutôt que sur des doctrines ou des articles de foi, mais trouvait dans le Christ historique un être qui avait conscience de sa divinité et dont la résurrection prouvait qu’il était le Fils de Dieu. Elle mariait une piété évangélique à une vision idéaliste du monde et à une approche pieuse de la critique biblique.
En 1899, Kilpatrick reçut un doctorat honorifique du Free Church College ; sur l’invitation du collège de Manitoba, il accepta d’occuper un poste de professeur de théologie spéculative et d’apologétique et de partager une charge de maître de conférences en philosophie. Au cours de ses années dans cet établissement, un groupe influent de ministres protestants – entre autres le directeur William Patrick (arrivé d’Écosse à la suite de Kilpatrick en 1900) et Charles William Gordon* – préconisait de fusionner les Églises protestantes du Canada pour maintenir l’influence du christianisme malgré les rapides changements en cours dans le pays, et surtout dans les grandes villes et l’Ouest. Kilpatrick appuya cette idée avec enthousiasme par conviction que, dans un pays neuf, il était possible de créer une synthèse des meilleurs éléments du passé en se laissant guider par l’esprit divin. Selon lui, ces meilleurs éléments étaient, sans nul doute, moraux et protestants. Pendant les débats qui précédèrent le référendum sur la prohibition au Manitoba en 1902, il prit position publiquement en faveur de la Dominion Alliance for the Total Suppression of the Liquor Trade. L’Église, soutiendrait-il par la suite, avait le devoir de contribuer à la purification de la politique. En faisant en 1904 la promotion d’un grand projet d’éducation pancanadien, il dut, bien à contrecœur, admettre que la constitution garantissait à d’autres confessions religieuses le droit à leurs écoles. En 1907, dans une discussion sur l’immigration des mormons, il affirma que « le plus grand malheur de l’Alberta [était] la colonisation mormone ».
À compter de 1905, Kilpatrick défendit sa conception de l’unité des Églises au Knox College de la University of Toronto, où il enseignait la théologie spéculative. Lui-même et le directeur Alfred Gandier formèrent le cœur du personnel enseignant de cet établissement jusqu’à la création de l’Église unie du Canada en 1925, soit durant les années qu’il fallut aux presbytériens, aux méthodistes et aux congrégationalistes pour aplanir leurs différends et régler les détails de la fusion. Au cours de cette période, Kilpatrick continua de prendre position sur des questions d’intérêt public et d’écrire des textes de vulgarisation en théologie. Il rédigea des articles sur la conscience, la philosophie, la personne du Christ, l’Incarnation, la colère divine, la bienveillance, le salut, la sotériologie et la souffrance pour une collection de dictionnaires et d’encyclopédies dont le maître d’œuvre était James Hastings. En outre, il publia à Toronto en 1911, sous le titre New Testament evangelism, une série de conférences prononcées par lui-même au congrès des anciens du Knox College en 1910, avec des appendices de John George Shearer, secrétaire du Board of Social Service and Evangelism de l’Église presbytérienne au Canada. Ce livre visait à faire connaître le programme évangélico-libéral de l’Église, qui reprenait des éléments de l’évangélisme traditionnel tout en prônant une réforme sociale à caractère progressiste. L’éthique sociale de Kilpatrick embrassait les valeurs de la bourgeoisie victorienne telles qu’elles s’appliquaient dans le nouveau contexte créé au Canada par l’immigration, l’industrialisation et l’urbanisation. Kilpatrick fut un membre influent de l’organisme animé par Shearer durant de nombreuses années, participa à quelques campagnes évangéliques et donna le cours sur l’évangélisme au Knox College. En 1910, le Hartford Theological Seminary, dans le Connecticut, reconnut son apport en lui décernant un doctorat en théologie sacrée.
Kilpatrick avait la conviction que la fusion des Églises protestantes était essentielle à la réalisation de son idéal de nation intégrée et unifiée. Il fallait mettre fin à la séparation, affirmait-il, sauf si le maintien d’un élément vital de la rédemption chrétienne était en jeu. Kilpatrick appartint au comité mixte sur l’union des Églises de 1906 à 1925 et exerça de l’influence au sein du comité qui rédigea l’énoncé doctrinal de la Basis of Union. En 1919, il écrivit que l’Église devait concentrer ses ressources afin de servir Dieu non pas comme une machine, mais comme « un tout organique, un organisme vivant, une communauté spirituelle dont le foyer créateur [serait] le Christ, dont la puissance vitale [serait] l’esprit divin, dont les membres [seraient] unis dans une même foi et un même amour ». Selon lui, la Première Guerre mondiale avait rendu plus nécessaire que jamais une propagande forte et unifiée des idéaux de l’Église. « Dévasté par la guerre, bouleversé par les animosités, trompé par les hommes d’État, déçu de la démocratie, désespéré par l’échec des projets et plans, traités et conventions, alliances et ligues, le monde a besoin de ce Dieu […] qui est Amour », écrirait-il en 1928.
Après la création de l’Église unie, Thomas Buchanan Kilpatrick et ses collègues professeurs quittèrent le Knox College pour celui de la nouvelle Église, qui s’appellerait Emmanuel College. Toutefois, la maladie l’obligea à prendre sa retraite en 1926. Il mourut quatre ans plus tard à son domicile du 134, rue St George, près de la University of Toronto. Ses trois enfants étaient diplômés de cet établissement. Elizabeth Margaret Ritchie, après avoir servi outre-mer comme infirmière en 1918–1919, enseigna à l’école de filles Branksome Hall à Toronto. Missionnaire en Inde durant plusieurs années, Dorothy Hamilton devint doyenne des femmes à l’université. Après avoir été aumônier pendant la guerre, George Gordon Dinwiddie dirigea le United Theological College à Montréal.
Les publications de Thomas Buchanan Kilpatrick comprennent : « Pessimism and the religious consciousness », dans Essays in philosophical criticism, Andrew Seth [Pringle-Pattison] et R. B. Haldane, édit. (Londres, 1883), 246–277 ; Counsels to a young missioner (Toronto, 1909) ; The Kootenay campaign : evangelism and moral reform, April and May, 1909, en collaboration avec J. G. Shearer (Toronto, 1910) ; « William Patrick : 1852–1911 ; an appreciation », Presbyterian (Toronto), nouv. sér., 19 (juill.–déc. 1911) : 359s. ; « The end of a long ministry », Presbyterian, nouv. sér., 25 (juill.–déc. 1914) : 175 ; « The church in the twentieth century », Constructive Quarterly (New York), 7 (1919) : 400–433 ; et Our common faith ; with a brief history of the church union movement in Canada by Kenneth H. Cousland (Toronto, 1928). De plus, Kilpatrick a fait l’édition de l’ouvrage de Joseph Butler, Sermons : sermons I, II, III, upon human nature, or man considered as a moral agent (Édimbourg, [1888]), et a rédigé un certain nombre d’entrées pour les ouvrages de référence suivants publiés par James Hastings : A dictionary of Christ and the Gospels (2 vol., Édimbourg, 1906–1908), 1 : 281–291, 796–813 ; A dictionary of the Bible ; dealing with its language, literature, and contents, including the biblical theology (5 vol., Édimbourg, 1906), 1 : 468–475 ; 3 : 848–854 ; Encyclopædia of religion and ethics (13 vol., Édimbourg, 1908–1926), 1 : 477–482 ; 2 : 474–479 ; 11 : 110–131, 694–725 ; 12 : 1–10.
AO, RG 22-305, nº 65419.— General Register Office for Scotland (Édimbourg), Blythswood (Glasgow), reg. of births, 27 sept. 1857 ; Newington (Édimbourg), reg. of marriages, 21 avril 1885 ; St Andrew (Édimbourg), reg. of marriages, 27 juin 1899.— UTA, A1973-0026/201(38)–(40).— Globe, 22 mars 1930.— Canadian annual rev., 1902, 1907.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— B. J. Fraser, « Christianizing the social order : T. B. Kilpatrick’s theological vision of the United Church of Canada », Toronto Journal of Theology, 12 (1996) : 189–200 ; Church, college, and clergy : a history of theological education at Knox College, Toronto, 1844-1994 (Montréal et Kingston, Ontario, 1995) ; The social uplifters : Presbyterian progressives and the Social Gospel in Canada, 1875–1915 (Waterloo, Ontario, 1988).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).— Univ. of Toronto Monthly, 30 (1929–1930) : 376.
Brian J. Fraser, « KILPATRICK, THOMAS BUCHANAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kilpatrick_thomas_buchanan_15F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
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