KEVENY, OWEN, employé de la Hudson’s Bay Company ; assassiné le 11 septembre 1816 sur la rivière Winnipeg (Ontario/Manitoba).
Owen Keveny, qui demeurait à Sligo (république d’Irlande), fut engagé par lord Selkirk [Douglas] pour recruter des colons dans l’ouest de l’Irlande et fut choisi pour conduire un deuxième groupe à la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) en 1812. Selon Selkirk, il était « de bonne famille » et avait quatre années d’expérience dans un bureau de comptabilité, où il avait largement démontré qu’il était « assidu, actif et intègre ». Il devait demeurer dans la colonie, en tant que second du gouverneur Miles Macdonell*, aussi longtemps que ce dernier le croirait nécessaire.
Pendant le voyage de 61 jours jusqu’à York Factory (Manitoba), Keveny se fit la réputation d’être impitoyable quand il s’agissait de discipline. Certains colons l’accusèrent de les avoir « traités de façon inhumaine et tyrannique ». Keveny justifia sa dureté par la nécessité de venir à bout des agitateurs qui étaient à bord et dont il considérait le comportement comme « plus odieux que l’insubordination ». Le groupe, qui comptait environ 70 personnes, arriva à York Factory en août 1812, puis, voyageant à l’intérieur des terres, atteignit la colonie à la fin d’octobre. On passa l’hiver au fort Daer (Pembina, Dakota du Nord), où des vivres étaient disponibles. La nourriture était rare, toutefois, et Keveny se rendit jusqu’à Brandon House (Manitoba), au printemps de 1813, pour se procurer du pemmican. Macdonell le trouva « distant et réservé », et rapporta à Selkirk qu’il était « extrêmement impopulaire parmi les gens, à cause de son sens de la discipline ».
Keveny se montra zélé et intéressé aux affaires de la colonie ; il était néanmoins déterminé à retourner chez lui. Il sentait que Selkirk n’approuvait pas ses méthodes disciplinaires, et il avait subi de la part de Macdonell – à ce qu’il disait – « un traitement qui l’a[vait] dégoûté ». Macdonell fit entendre qu’on n’avait plus besoin de ses services. Mais Selkirk réprimanda le gouverneur et lui exprima sa consternation qu’un homme de la capacité de Keveny eût été « si complètement mis de côté et employé à rien d’utile ».
Keveny quitta la Rivière-Rouge le 2 juin 1813 et après un voyage de trois semaines il arrivait à York Factory. Il y passa l’été, supervisant l’envoi de ravitaillements à la Rivière-Rouge et faisant les arrangements nécessaires à l’arrivée d’un troisième groupe de colons. En septembre, il se rendit à Churchill où le groupe, sous la conduite d’Archibald McDonald*, avait débarqué, puis il retourna en Grande-Bretagne à bord d’un navire de la Hudson’s Bay Company, le Prince of Wales. Au début de 1815, il demanda à Selkirk de lui procurer un emploi au service de la compagnie. La même année, on l’envoya à Moose Factory (Ontario) en qualité de comptable. À la nouvelle que la colonie de la Rivière-Rouge avait été dispersée et que Macdonell avait été fait prisonnier par les Nor’Westers en juin 1815, il se porta volontaire pour prendre la tête d’un parti afin d’y restaurer l’ordre et « d’y résister » à l’ennemi, convaincu que si Selkirk lui en donnait les moyens il pourrait « défier les forces unies des incendiaires qui avaient tout récemment humilié » la colonie.
Avec son détachement – dont certains membres avaient l’intention de s’établir à la Rivière-Rouge – Keveny partit du fort Albany (Ontario) à l’été de 1816. Selon un témoin, sa dureté amena des désertions tout au long du voyage, et certains de ses hommes, apprenant le meurtre du gouverneur Robert Semple à Seven Oaks (maintenant partie de Winnipeg) en juin, ne voulurent pas continuer. Le 16 août, au fort Bas-de-la-Rivière (Fort Alexander, Manitoba), Keveny fut arrêté en vertu d’un mandat lancé par le Nor’Wester Archibald Norman McLeod, magistrat dans le Territoire indien. Le lendemain, on l’envoya sous bonne garde en direction du fort William (Thunder Bay, Ontario), mais, parvenu dans le haut de la rivière Winnipeg, le parti rebroussa chemin à la nouvelle que lord Selkirk s’était emparé du fort. Par suite de querelles survenues au sein du groupe et d’une maladie qui avait frappé Keveny, on abandonna ce dernier dans une île de la rivière. Il fut repris au-dessus des rapides des Dalles (Ontario) par un autre parti de Nor’Westers commandé par Archibald McLellan ; peu après, le 11 septembre, un Métis du nom de Mainville et un ancien sergent du régiment de De Meuron, Charles de Reinhard, alors employé de la North West Company, l’assassinèrent. McLellan paraît avoir été, en quelque manière, l’instigateur de ce geste. Reinhard avoua son crime, subit son procès dans le Bas-Canada et, trouvé coupable, fut condamné à la pendaison. Cent cinquante accusations furent portées contre les Nor’Westers relativement à l’affaire de la Rivière-Rouge, mais seule la cause de Reinhard aboutit à un verdict de culpabilité. À cause de disputes à propos du lieu exact du crime et de la juridiction des tribunaux canadiens, la sentence ne fut jamais exécutée.
Les meurtres d’Owen Keveny, de Robert Semple et de quelque 20 hommes, en 1816, furent le point le plus tragique de la lutte pour la maîtrise de la traite des fourrures dans l’Ouest, au cours de laquelle le peuple métis fut utilisé par les Nor’Westers contre la colonie de la Rivière-Rouge et la Hudson’s Bay Company. La violence de cette lutte fut un des facteurs qui contribuèrent à la fusion des deux compagnies en 1821.
APC, MG 19, E1, sér. 1, 1 : 460–467, 477–501 ; 2 : 698–702, 712–734, 764–794, 812–824, 836–842 ; 3 : 1006–1052, 1456 ; 5 : 1985–1992 ; 6 : 2189–2194 ; 7 : 2678–2684, 2886 ; 8 : 3199–3202 ; 36 : 13816 ; 41 : 15879–15885 ; 52 : 20126s. (transcriptions).— Colin Robertson, Colin Robertson’s correspondence book, September 1817 to September 1822, E. E. Rich avec R. H. Fleming, édit. (Londres, 1939 ; réimpr., Nendeln, Liechtenstein, 1968), 8, 225–228.— George Simpson, Journal of occurrences in the Athabasca Department by George Simpson, 1820 and 1821, and report, E. E. Rich, édit., introd. de C. [B.] Martin (Londres, 1938 ; réimpr., Nendeln, 1968), 213n., 444.— M. A. MacLeod et W. L. Morton, Cuthbert Grant of Grantown, warden of the plains of Red River (Toronto, 1963), 54s., 68.— C. [B.] Martin, Lord Selkirk’s work in Canada (Toronto, 1916), 51, 56, 59–61, 128s., 155.— J. P. Pritchett, The Red River valley, 1811–1849 : a regional study (New Haven, Conn., 1942), 93–99, 107, 123s., 126, 192, 194, 212.
Hartwell Bowsfield, « KEVENY, OWEN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/keveny_owen_5F.html.
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Auteur de l'article: | Hartwell Bowsfield |
Titre de l'article: | KEVENY, OWEN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |