KENNEDY, sir JOHN, ingénieur, né le 26 septembre 1838 à Spencerville, Haut-Canada, fils aîné de William Kennedy et d’Agnes Stark ; le 14 août 1865, il épousa à Montréal Louisa Charlotte Scott, et ils eurent deux fils qui moururent avant lui et deux filles (dont l’une épousa sir Herbert Brown Ames*) ; décédé le 25 octobre 1921 à Montréal.

Fils d’un constructeur de moulins écossais arrivé dans le Haut-Canada en 1832, John Kennedy fréquenta la grammar school de Bytown (Ottawa), eut des précepteurs et étudia au McGill College de Montréal. Il entama sa carrière d’ingénieur en 1853 auprès de Thomas Coltrin Keefer* en participant à divers chantiers, notamment des travaux d’amélioration portuaire et de canalisation ainsi que des installations hydrauliques à Montréal, à Ottawa et à Hamilton. Nommé en 1863 assistant de l’inspecteur municipal à Montréal, il fut promu sous-inspecteur quelques années plus tard. Il quitta ce poste en 1867 pour diriger les mines de fer et la nouvelle fonderie de la Hull Iron Mining and Manufacturing Company à Ironside, dans la province de Québec. Autodidacte en chimie, il administra la compagnie avec succès mais conclut que fondre du fer avec du charbon de bois était un procédé sans avenir. Il partit donc travailler dans l’entreprise familiale, qui était florissante. Située à Owen Sound, en Ontario, la Wm. Kennedy and Sons se composait d’une fonderie de fonte et d’un atelier d’usinage.

En 1871, Kennedy retourna au génie civil à titre d’ingénieur divisionnaire du Wellington, Grey and Bruce Railway, une section du plus grand réseau ferroviaire du Canada, le Great Western Railway. Moins de trois ans plus tard, il fut promu ingénieur en chef de tout le réseau ; c’était alors le poste d’ingénieur le mieux rémunéré au pays. Il termina une ligne entre Fort Erie et Glencoe, en Ontario (la ligne Canada Air), construisit quelques embranchements d’importance mineure et posa le premier chemin de fer à double voie au Canada, entre Glencoe et Windsor.

En 1875, Kennedy accepta le tout nouveau poste d’ingénieur en chef de la Commission du havre de Montréal. Titulaire de cette fonction durant près de 33 ans, il se distinguerait dans sa profession en modernisant le port et en approfondissant la voie maritime du Saint-Laurent entre Montréal et Québec. Au moment de son arrivée, le port était petit et en mauvais état. On y trouvait d’étroits quais de bois, des bassins peu profonds et des hangars de bois temporaires ; il n’y avait aucun élévateur à grain. Un plan de réaménagement fut écarté en 1877 et les travaux d’agrandissement ne furent approuvés qu’en 1891. Un an plus tard, Kennedy commença la construction d’une digue maîtresse, ou brise-lames, qui ceignait un bassin de un mille et demi de largeur à l’embouchure du canal de Lachine. Cet ouvrage protégeait le port et la ville des inondations causées par les embâcles. Ensuite, Kennedy fit creuser les bassins du port jusqu’à une profondeur de 30 pieds et, malgré une vive opposition, bâtit trois quais de 1 000 pieds de longueur sur 300 pieds de largeur : le quai Jacques-Cartier en 1898–1899, le quai Alexandra de 1899 à 1901 et le quai King Edward en 1901–1902. Un élévateur conçu pour transborder le grain directement dans les navires au moyen d’un système complexe de convoyeurs fut érigé en 1903–1904 au centre du port. De 1904 à 1908, on rehaussa et protégea les embarcadères et l’on construisit 14 entrepôts de deux étages, en acier et en béton. On pava les quais, les embarcadères et les accès du port et l’on installa un réseau d’éclairage électrique et de téléphone. La voie ferrée du Grand Tronc, sur les docks, fit place en 1907 à un chemin de fer électrique plus long qui appartenait à la commission. D’autres travaux suivirent. Prévoyant, Kennedy avait tenu compte de la croissance future du port.

Pendant 18 des 33 années où il fut ingénieur en chef de la Commission du havre de Montréal, Kennedy exerça aussi la fonction d’ingénieur en chef de la voie maritime du Saint-Laurent entre Montréal et Québec. Dès 1887, avec des dragues de sa conception – dont certaines seraient employées dans le monde entier –, il avait terminé des travaux de creusage qui avaient porté de 20 à 27 pieds et demi la profondeur du chenal. Ainsi, les navires océaniques pouvaient se rendre jusqu’à Montréal, ce qui explique en partie pourquoi ce port devint le plus gros et le plus important au Canada. Le réaménagement du port favorisa l’industrialisation de la ville et fit de celle-ci le principal centre de transport au pays. Vers 1925, Montréal serait le plus grand port céréalier au monde.

En 1899, la vue de Kennedy commença à baisser, comme celle de son père avant lui. Des consultations avec des spécialistes aux États-Unis et en Grande-Bretagne lui laissèrent peu d’espoir. En 1906, il subit une opération qui devait préserver le degré de vision qui lui restait. Ce ne fut pas une réussite ; il souffrirait de douleurs névralgiques jusqu’à la fin de ses jours. Devenu complètement aveugle en 1907, il démissionna de son poste d’ingénieur en chef et fut nommé ingénieur-conseil auprès de la commission. Il exercerait cette fonction jusqu’à son décès. Malgré sa cécité, il continuait de monter à cheval et d’exercer sa profession. Par exemple, il conçut la plus grosse drague à godets au monde pour le Saint-Laurent et la jetée no 2 dans le port de Halifax pour le gouvernement fédéral.

Kennedy appartint à un certain nombre de commissions fédérales : sur la location d’énergie hydraulique sur le canal de Lachine (formée en 1886), sur les causes de l’inondation survenue à Montréal la même année, sur l’à-propos de prolonger le canal Trent (1887) et sur l’élargissement du canal de Cornwall (1891). Avec d’autres grands ingénieurs de Montréal, ce fervent partisan de l’entreprise privée convainquit la municipalité, en 1916, d’abandonner des projets d’aqueduc et de centrale hydroélectrique. De même, un an plus tard, lui-même et d’autres éminents ingénieurs conseillèrent au gouvernement de l’Ontario de ne pas autoriser la construction d’un chemin de fer électrique entre Port Credit et St Catharines. Leur rapport contribua à la mise au rancart d’un projet de sir Adam Beck, à savoir la construction d’un réseau gouvernemental de chemins de fer électriques rapides dont Toronto aurait été le noyau. Kennedy agit également à titre d’arbitre ou d’ingénieur-conseil pour divers projets de génie et donna des avis sur des installations minières et industrielles.

Membre de l’Institution of Civil Engineers of Great Britain et, à compter de 1875, de l’American Society of Civil Engineers, deux organismes de renom, Kennedy fut le premier Canadien à devenir conseiller de la société britannique et il appartint au conseil d’administration de la société américaine durant de nombreuses années. En 1887, il figura parmi les 19 membres fondateurs de la Société canadienne des ingénieurs civils (rebaptisée Institut canadien des ingénieurs en 1918), la première organisation d’envergure nationale dont sa profession se dota au pays. Il fit partie du conseil de cette société durant plusieurs années, en fut élu président en 1892 et y fut nommé membre d’honneur en 1907.

Avec d’autres vénérables ingénieurs, Kennedy domina le comité de direction de la Société canadienne des ingénieurs civils jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. Toujours soucieux du bien des membres de sa profession, il s’était pourtant opposé en 1887 à Alan Macdougall*, qui tentait de faire en sorte que la Société canadienne des ingénieurs civils soit constituée en organisme autonome d’accréditation et de réglementation. Selon Kennedy, le seul moyen, pour les ingénieurs, d’améliorer leur statut était de rehausser le niveau de leur pratique par l’échange de connaissances professionnelles. Le plan de Macdougall finirait par déboucher sur la création d’associations provinciales d’accréditation, dont la première fut celle du Manitoba en 1896. Néanmoins, Kennedy et ses collègues influèrent beaucoup sur la pratique du génie au Canada.

Kennedy reçut le titre de chevalier en 1916 pour services rendus au Canada. L’année suivante, McGill lui remit un doctorat en droit et, en 1921, la McMaster University de Toronto lui décerna un baccalauréat en droit. Il appartint au University Club de Montréal et au conseil d’administration de la Young Men’s Christian Association. En qualité de membre du conseil d’administration de la Montreal Association for the Blind, il contribua à la fondation de la School for the Blind. Par l’entremise de la congrégation baptiste Olivet à Montréal, il participa à des activités religieuses et à des œuvres sociales.

Figure importante de la professionnalisation du génie au Canada, sir John Kennedy eut une carrière mieux remplie et plus diversifiée que celle de la plupart de ses collègues. En participant à la construction des infrastructures civiles et mécaniques les plus importantes du pays, il contribua à la modernisation, à l’urbanisation et à l’industrialisation du Canada. À sa mort, l’Institut canadien des ingénieurs en parla comme du « doyen de la profession d’ingénieur au Canada ».

J. Rodney Millard

Les publications de sir John Kennedy concernent ses activités à titre d’ingénieur professionnel. Elles comprennent des rapports à la Commission du havre de Montréal publiés de façon irrégulière de 1875 à 1910 dans Canada, Parl., Doc. de la session. Voir spécialement 1900, no 11b ; 1903, no 23 ; 1905, no 23 ; 1906–1907, no 23 ; 1910, no 2. On trouve dans le Répertoire de l’ICMH trois rapports rédigés par Kennedy seul ou en collaboration avec d’autres sur des projets de travaux d’ingénierie. Kennedy a écrit un important article intitulé « The Montreal waterworks », dans le Canadian Engineer (Toronto), 3 (1895–1896) : 268–272. Son allocution à titre de président de la Société canadienne des ingénieurs civils figure dans Soc. canadienne des ingénieurs civils, Trans. (Montréal), 7 (1895) : 12–15.

Bien que Kennedy ait occupé une place importante dans l’histoire du génie au Canada, on possède peu de renseignements sur lui. Par exemple, sa demande d’adhésion à la Société canadienne des ingénieurs civils ne figure pas parmi les papiers de l’Institut canadien des ingénieurs. Les revues suivantes contiennent des articles ou des notices nécrologiques sur lui : Canadian Engineer, 14 (1907) : 19–20 ; 41 (juill.–déc. 1921) : 6 ; 45 (juill.–déc. 1923) : 423–426, 435 ; Canadian Railway and Marine World (Toronto), nov. 1921 : 582 ; Contract Record and Engineering Rev. (Toronto), 35 (1921) : 962 ; Engineering Journal (Montréal), 20 (1937) : 284 ; Engineering News-Record (New York), 87 (juill.–déc. 1921) : 749 ; Institut canadien des ingénieurs, Journal (Montréal), 4 (1921) : 581s. ; L. E. Jones, « Delineations of destiny – John Kennedy », Professional Engineer & Engineering Digest (Toronto), 29 (1968), no 5 : 30 ; Railway and Shipping World (Toronto), déc. 1899 : 363–365 ; févr. 1900 : 52s. ; sept. 1903 : 322–324 ; nov. 1903 : 395 ; avril 1904 : 137.

On peut trouver de l’information additionnelle dans des notices nécrologiques parues dans l’Ottawa Citizen, 25 oct. 1921, le Montreal Daily Star, 25 oct. 1921 et le Toronto Daily Star, 25 oct. 1921, dans le registre où a été consigné son mariage et qui est conservé aux ANQ-M, CE601-S85, 14 août 1865, dans le Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell) et dans J. R. Millard, The master spirit of the age : Canadian engineers and the politics of professionalism, 1887–1922 (Toronto, 1988). [j. r. m.]

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J. Rodney Millard, « KENNEDY, sir JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kennedy_john_15F.html.

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Auteur de l'article:    J. Rodney Millard
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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