KELLOWAY (Calloway, Colloway), SIMEON, pêcheur et chasseur de phoque, né à Pool’s Island, Terre-Neuve, et baptisé le 21 novembre 1858, fils de Charles Kelloway et d’une prénommée Jane ; le 1er juin 1882, il épousa à Pool’s Island ou à Greenspond, Terre-Neuve, Clara Jane Jeans (fanes), et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 20 novembre 1903 à Badger’s Quay, Terre-Neuve.

Simeon Kelloway était le fils d’un planter de Pool’s Island. Apparemment, il n’alla pas à l’école, mais dès son jeune âge, il pêcha sur la côte du Labrador avec son père et son frère aîné. Au printemps de 1868, à dix ans, il fit sa première expédition de chasse au phoque sur la banquise. Après son mariage en 1882, il construisit une maison et un établissement de pêche à Badger’s Quay, comme son frère Nathaniel ; ils étaient parmi les premiers colons de cet endroit. Pendant plusieurs années, tous deux firent, l’été, des expéditions de pêche sur la côte labradorienne, tandis qu’au printemps et à l’automne, ils pêchaient à la ligne sur la côte terre-neuvienne, à bord d’un bateau à deux mâts et à proue renflée qui, à Terre-Neuve, porte le nom de bulley.

Selon la tradition, Simeon Kelloway aurait conduit la « grande grève des chasseurs de phoque » en 1902. Le samedi 8 mars, plus de 3 000 hommes désertèrent les 14 vapeurs que l’on armait à St John’s en prévision du départ pour la banquise, qui devait avoir lieu le 10. Cependant, en suivant les événements dans les journaux de St John’s, on ne peut pas conclure que Kelloway fut le seul meneur. Peu après neuf heures le matin du 8, un jeune homme nommé Albert Mercer descendit la rue Water en portant deux drapeaux et en criant aux chasseurs de phoque de le rejoindre, lui et ses compagnons, à bord du Ranger, car la rumeur voulait que le prix du lard (peau de phoque avec sa couche de graisse) tombe à 2,40 $ la livre. Le premier à rejoindre Mercer et l’équipage du Ranger fut Simeon Kelloway, qui entraîna les hommes du Vanguard. Kelloway et Mercer menèrent le défilé qui fit le tour des quais et convainquirent l’équipage de tous les vapeurs de débrayer. Ils exigeaient que le prix du lard soit fixé avant le départ de la flotte, que les armateurs n’exigent pas la « pension » individuelle de 3 $ pour les frais de charbon et de nettoyage des bateaux et que les équipages touchent la moitié du produit du voyage plutôt que le tiers.

À onze heures, les grévistes, dirigés par Kelloway, Mercer et un certain Robert Hall, se mirent en route pour la résidence du gouverneur. À leur arrivée, une troupe de policiers les attendait. Les journaux laissent entendre que le débrayage avait été préparé la veille et que l’inspecteur général de la force constabulaire, John Roche McCowen, était au courant. Quand le gouverneur, sir Charles Cavendish Boyle*, sortit, il y eut un moment d’hésitation, puis Kelloway s’avança pour faire connaître les revendications de ses compagnons. Boyle répliqua qu’ils n’auraient pas dû signer d’engagement s’ils n’étaient pas satisfaits, ce à quoi Kelloway répondit : « On n’a pas convenu d’un prix, gouverneur. Ils [les armateurs] ne veulent pas fixer de prix mais nous donnent ce qu’ils veulent quand on rentre. » Ensuite, Hall déclara que les hommes ne laisseraient personne prendre la mer si le prix du lard était inférieur à 5 $. « Son Excellence le força sèchement à s’expliquer sur le champ » et proposa que les grévistes forment un comité qui irait rencontrer les armateurs. Cinq hommes, dont Kelloway, Hall et Mercer, furent désignés. Ils accompagnèrent McCowen à son bureau, où celui-ci téléphona au marchand Walter Baine Grieve (selon la tradition familiale, c’était la première fois que Kelloway voyait fonctionner un téléphone). Grieve fixa, pour le jour même, une rencontre entre le comité des grévistes et un comité qui représenterait les armateurs. Puis les cinq délégués quittèrent le poste de police afin de trouver un avocat.

Le comité de grève et l’avocat Alfred Bishop Morine* se rencontrèrent au poste de police à trois heures de l’après-midi. Grieve annonça qu’il n’avait pas pu rejoindre les autres armateurs et remit la réunion au soir. La Mechanics’ Society et l’ordre d’Orange ouvrirent leurs salles aux grévistes afin qu’ils aient un endroit où dormir, et les syndicats de la ville organisèrent une collecte de nourriture. Dans la soirée, un office œcuménique organisé pour les chasseurs de phoque eut lieu au British Hall. Après la cérémonie, Kelloway et Hall s’adressèrent à l’assistance ; on discuta de la grève, et Morine prit aussi la parole.

La rencontre, qui avait commencé à cinq heures de l’après-midi, se déroula mal. Le comité des armateurs annonça qu’il avait besoin de temps pour examiner les revendications. Quand le marchand James Baird* déclara que les armateurs ne pourraient pas donner de réponse aux grévistes avant le lundi parce qu’ils ne se réuniraient pas le dimanche, Jacob Bishop rétorqua : « J’ai navigué sur vos bateaux, M. Baird, et j’ai pris des loups-marins [phoques] le dimanche. Je ne pense pas avoir connu un dimanche sur la banquise où nous, les hommes, on n’était pas au travail en train d’embarquer des peaux ou de faire autre chose du genre. » (La loi obligeait pourtant les capitaines à donner congé à leur équipage le dimanche.) Les armateurs acceptèrent alors de discuter toute la nuit si nécessaire, mais dès dix heures trente du soir, ils annoncèrent qu’ils avaient résolu de « ne faire absolument aucune concession ».

Le dimanche et dans les premières heures du lundi, il y eut plusieurs rencontres entre Morine et le comité des grévistes, et entre Morine et Grieve. Les chasseurs de phoque firent savoir qu’ils n’accepteraient rien de moins que 4 $ pour le lard et une exemption de pension. Le lundi soir, les marchands firent une contre-proposition : 3,25 $ pour le lard et 1 $ de pension. La grève prit fin le mardi après-midi à cinq heures, les grévistes acceptant 3,50 $ pour le lard et l’exemption de pension. Une heure et demie après, presque tous les hommes étaient embarqués, et les vapeurs partirent pour la banquise le soir même. Ce fut une expédition exceptionnelle pour la plupart des chasseurs. Le Vanguard prit plus de 26 000 peaux, et la part de Kelloway fut si élevée que la campagne de 1902 fut la meilleure de toute sa vie.

Kelloway ne connut qu’une autre saison de chasse au phoque, car il mourut d’une défaillance cardiaque en tirant son bateau au sec pour l’hiver en novembre 1903. Peu après, on commença à entendre la première des ballades qui célébraient son rôle dans la grève.

Les documents ne semblent pas appuyer la tradition selon laquelle Simeon Kelloway planifia, organisa et dirigea la grève. Il fut plutôt l’un des trois meneurs qui abandonnèrent vite toute la responsabilité des négociations à Morine. C’est probablement parce qu’il mourut peu après, à un âge relativement précoce, et parce qu’il venait du côté nord de la baie de Bonavista (à l’époque, la chasse au phoque se faisait de plus en plus dans cette région de l’île) que le printemps de 1902 s’est inscrit dans les mémoires comme celui où

Tous les hommes se sont mis en ligne,
En criant haut et fort,
Et ont suivi Colloway,
Le redresseur de torts.

Robert H. Cuff

Presque tous les renseignements sur la vie de Simeon Kelloway avant 1902, ainsi que les détails sur sa mort, ont été fournis à l’auteur dans une série d’entrevues avec Aubrey Kelloway, de Gambo, Terre-Neuve, petit-fils du sujet, à partir de souvenirs transmis par son père. Le compte rendu de la grève des phoquiers de 1902 est un produit des rapports parus dans le Daily News, l’Evening Herald, et l’Evening Telegram, tous de St John’s, 8–12 mars 1902. [r. h. c.]

Badger’s Quay, T.-N., Anglican Church rectory, Badger’s Quay-Poule Island, reg. des décès, 1903.— PANL, Greenspond, Nfld, Anglican Church, RBMS, nos 75–78a (mfm).— L. G. Chafe, Chafe’s sealing book ; a history of the Newfoundland sealfishery from the earliest available records down to and including the voyage of 1923, H. M. Mosdell, édit. (3e éd., St John’s, 1923).— John White’s collection of the songs of Johnny Burke, W. J. Kirwin, édit. (St John’s, 1982), nos 22–23.

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Robert H. Cuff, « KELLOWAY (Calloway, Colloway), SIMEON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kelloway_simeon_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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