Conrad Kain au camp de l’Alpine Club of Canada au mont Robson, 1913. Détail d’une photographie de Bryon Harmon. V263/NA-1046 Whyte Museum of the Canadian Rockies.
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KAIN, CONRAD (Konrad), guide de montagne, arpenteur, trappeur et fermier, né le 10 août 1883 à Nasswald (Autriche), enfant aîné d’un père autrichien et d’une mère italienne ; en juin 1917, il épousa à Wilmer, Colombie-Britannique, Henriquita Ferreira, née Granito (décédée le 7 février 1933), et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 2 février 1934 à Cranbrook, Colombie-Britannique.
Nasswald se situe à environ 80 kilomètres au sud-ouest de Vienne, près d’une montagne appelée Raxalpe. Ce village fut fondé en 1731 par des bûcherons protestants. D’une extrême pauvreté vers la fin du xixe siècle, ce lieu se trouvait à six heures de marche du plus proche chemin de fer. Konrad Kain y passa une enfance difficile. Son père perdit la vie dans un accident de mine en 1892, laissant sa mère, Franziska, seule avec quatre jeunes enfants. À l’âge de 14 ans, Konrad quitta l’école sans y avoir appris grand-chose, car il n’y avait qu’un instituteur pour plus d’une centaine d’élèves. Il se mit alors à garder des chèvres dans les collines de la région. Plus tard, il travailla comme carrier, tout en braconnant du gibier afin d’arrondir ses fins de mois.
Kain acquit un goût pour l’escalade en montagne dès sa jeunesse, au gré de ses vagabondages. En 1903, il commença à mener des touristes viennois dans des randonnées aventureuses. Au cours des six années qui suivirent, il se forma lui-même au métier de guide et s’établit une bonne réputation dans toutes les Alpes. Il escalada un grand nombre des plus célèbres montagnes d’Autriche, de Suisse, d’Italie, de France et de Corse. En 1906, le Club alpin austro-allemand le nomma officiellement guide professionnel, tout en lui remettant son führerbuch, le journal de bord réglementaire qui lui servirait à consigner ses activités en montagne. Deux ans plus tard, il suivit un cours de guide à Villach, afin d’améliorer ses compétences, et il commença à apprendre l’anglais.
Rêvant de voyages et d’aventures, Kain s’embarqua pour le Canada en 1909. Grâce aux recommandations du docteur Erich Pistor, du Bureau de commerce de Vienne, il fut engagé comme premier guide officiel de l’Alpine Club of Canada, près de Banff, en Alberta. Il établit rapidement un cycle d’emplois saisonniers : en été, il était guide et arpenteur, et travaillait souvent avec le président du club, Arthur Oliver Wheeler, lui-même arpenteur des terres du dominion, et, en hiver, il était trappeur et fermier. Vers la fin de 1909, il avait gagné assez d’argent pour pouvoir en envoyer à sa mère. La popularité du jeune guide (qui écrivait désormais son prénom Conrad) grandit au sein du club. Il fit également grande impression auprès des résidents de Banff au printemps de 1910, quand il construisit, sur les pentes du mont Tunnel, une piste de ski qui descendait jusqu’à la rue Cariboo. Il fut l’un des premiers à promouvoir le ski dans les montagnes Rocheuses et il eut une influence déterminante dans la création du premier club de ski de Banff, en février 1911.
Au cours des 20 années suivantes, Kain serait reconnu comme le plus remarquable des alpinistes de son époque au Canada : « le prince des guides alpins canadiens », d’après l’historienne Esther Fraser. Il effectua plus de 50 premières ascensions de pics portant un nom, dans les Rocheuses et dans les montagnes Purcell. Edward Feuz fils serait le seul à surpasser ce record. Kain se distingua tout particulièrement pour avoir mené la première ascension du plus haut sommet de ces deux chaînes de montagnes – le mont Robson, le « roi » des Rocheuses, en 1913, et le mont Farnham, dans les montagnes Purcell, en 1914 – et il fut le premier grimpeur à atteindre la cime des trois pics les plus élevés des Rocheuses : Robson, Columbia et North Twin. En 1916, à l’apogée de sa carrière, il fit une douzaine de premières ascensions, dont celles du Bugaboo Spire et du mont Louis.
La réputation de Kain dépassa les frontières du Canada et de l’Europe. Sa première expédition fut cependant modeste. À l’été de 1912, il se rendit dans l’Altaï, à la frontière de la Sibérie et de la Mongolie, avec un groupe de scientifiques qu’il aida à ramasser de petits vertébrés pour le National Museum of Natural History des États-Unis et pour le Museum of Comparative Zoology de la Harvard University. Kain trouvait que c’était un bien long voyage pour aller « capturer des souris », mais il ne put résister à l’appel de l’aventure. Par la suite, après avoir visité sa terre natale pour la dernière fois, il prit le bateau pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Il revint dans l’ouest du Canada en 1913, mais repartit pour la Nouvelle-Zélande pendant l’hiver canadien de 1913–1914 et passa les trois saisons estivales d’alpinisme suivantes dans les Alpes du Sud. Selon ses notes, il effectua 29 premières ascensions sur les 59 montagnes qu’il escalada. En 1916, sa grande traversée du mont Cook, le plus haut sommet des Alpes du Sud, en compagnie de l’alpiniste chevronnée Jane Thomson, fut décrite comme un « exploit extraordinaire d’une audace inégalée » dans toute l’histoire de ces montagnes. Certains de ses contemporains étrangers le considéraient comme l’un des plus grands guides de montagne de son époque.
Au printemps de 1915, Kain commença à travailler au ranch de son client et ami, Albert Henry MacCarthy, près de Wilmer, en Colombie-Britannique. Il passa l’hiver de 1916–1917 à trapper près des sources de la rivière Simpson, du côté ouest de la ligne de partage des eaux. Ce fut pendant cette période solitaire qu’il pensa pour la première fois abandonner le métier de guide. En juin 1917, il épousa une veuve d’origine guyanaise, Hetta (prénom sous lequel elle était connue) Ferreira, et, plus tard cet été-là, ils s’installèrent dans une petite ferme d’élevage d’animaux à fourrure qui dominait la vallée du fleuve Columbia, près de Wilmer. La carrière de Kain en tant que guide était loin d’être terminée, mais ses heures de gloire étaient derrière lui. Il continua à grimper et à mener des excursions jusqu’à l’été de 1933, mais ses ascensions devinrent moins fréquentes et moins difficiles. Sa femme mourut au début de cette même année ; il se mit à souffrir de dépression peu de temps après. Il succomba à une encéphalite léthargique en 1934, seul dans un hôpital de Cranbrook.
Les récits sur Kain révèlent qu’il était un guide des plus professionnels et des plus avenants. Il mesurait cinq pieds cinq pouces, il était trapu et avait de larges épaules, il portait la moustache et ne se séparait jamais de sa pipe. Au camp et sur la piste, il savait se montrer charmant, flirter gentiment et raconter des histoires divertissantes. Il maniait habilement la hache, était un excellent cuisinier et pouvait transporter de lourds fardeaux. Il était tout aussi discret avec les novices qu’avec les grimpeurs trop pressés qui ne prenaient pas le temps d’admirer les splendeurs de la nature. James Monroe Thorington, expert en alpinisme, dit de lui : « Sur les rochers, dans ses plus beaux jours, Kain était indéniablement un artiste accompli. Sur la neige et sur la glace, ses décisions étaient judicieuses, adaptant toujours la taille de marches aux besoins de son groupe. Ce dernier facteur déterminait s’il fallait s’encorder ou non : il n’avait aucune marche à suivre déterminée. » Il avait un flair « presque unique » pour dénicher des itinéraires.
De nos jours, cinq montagnes portent encore l’empreinte de Conrad Kain. Il donna lui-même son nom à une cime dans les environs du mont Robson. Le pic Nasswald, dans le sud des Rocheuses, près de l’ensemble géologique Assiniboine, l’une des ses nombreuses premières ascensions, fut baptisé d’après le nom de son village natal. Il escalada le pic Birthday, dans les montagnes Purcell, le jour de son quarante-deuxième anniversaire. Un autre pic dans ces environs, plus près de l’ensemble géologique Vowell, porte son prénom et, enfin, le mont Conrad honore sa mémoire en Nouvelle-Zélande.
L’autobiographie de Conrad Kain a été publiée sous le titre Where the clouds can go, J. M. Thorington, édit. (New York, 1935 ; 3e éd., 1979). Kain a aussi écrit « The first ascent of Mt. Robson, the highest peak of the Rockies (1913) », Canadian Alpine Journal (Winnipeg), 6 (1914–1915) : 19–28.
Bruce Fairley, The Canadian mountaineering anthology (Edmonton, 1994).— Esther Fraser, The Canadian Rockies : early travels and explorations (Edmonton, 1969).— N. Hollister, « Camps in the Altai », Canadian Alpine Journal, 5 (1913) : 73–81.— Chris Jones, Climbing in North America (Berkeley, Calif., 1976 ; nouv. éd., Seattle, Wash., 1997).— W. S. Ladd et J. M. Thorington, « A mountaineering journey to the Columbia Icefield », Canadian Alpine Journal (Calgary), 14 (1924) : 34–47.— A. H. MacCarthy, « First ascents of Mt. Farnham and Mt. Farnham Tower (1914) », « The Howser and Bugaboo spires, Purcell Range » et « The first ascent of Mount Louis », Canadian Alpine Journal (Winnipeg), 6 : 112–128, 8 (1917) : 17–29 et 8 : 79–86, respectivement.— Zac Robinson, « Storming the heights : Canadian frontier nationalism and the making of manhood in the conquest of Mount Robson, 1906–13 », International Journal of the Hist. of Sport (Londres), 22 (2005) : 415–433.— Chic Scott, Pushing the limits : the story of Canadian mountaineering (Calgary, 2000).— J. M. T[horington], « Conrad Kain, 1883–1934 », Canadian Alpine Journal ([Banff ?]), 22 (1934) : 199–203.
Zac Robinson, « KAIN, CONRAD (Konrad) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kain_conrad_16F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2015 |
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