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KAEBLE, JOSEPH, mécanicien et militaire, né le 5 mai 1892 à Saint-Moïse, Québec, fils de Joseph Kaeble, cultivateur, et de Marie Ducas ; décédé le 9 juin 1918 à Neuville-Vitasse, France.
Le premier ancêtre canadien de la famille de Joseph Kaeble venait de Mayence, (Allemagne) et avait pour nom Thodor Göbel. Il serait arrivé dans la province de Québec en 1776 avec les troupes du duché de Brunswick commandé par Friedrich Adolph von Riedesel.
Né à Saint-Moïse, à l’est de Mont-Joli, Joseph Kaeble vécut en Gaspésie jusqu’à l’âge de 22 ans. Il eut un frère, une sœur et un demi-frère. Après la mort de son père, qui survint lorsqu’il était encore enfant, sa famille s’installa à Sayabec, village situé à la tête du lac Matapédia. À Sayabec, Kaeble fréquenta l’école des Frères de la Croix de Jésus, où il laissa le souvenir d’un élève sérieux et énergique, puis il travailla à une scierie de la région à titre de mécanicien.
La Première Guerre mondiale devait modifier complètement l’existence de Kaeble. La tradition familiale veut qu’il se soit intéressé à la vie militaire avant le début des hostilités et même au temps où il fréquentait l’école. Il s’amusait, dit-on, à sculpter des soldats de bois et à simuler des combats. Quoi qu’il en soit de ces « souvenirs », la levée en 1916 du 189e bataillon d’infanterie par le lieutenant-colonel Philippe-Auguste Piuze, homme d’affaires et officier de milice avantageusement connu à Fraserville (Rivière-du-Loup) et à Saint-Germain-de-Rimouski (Rimouski), amena de nombreux résidents du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie à se porter volontaires, et Joseph Kaeble fut du nombre.
Kaeble s’enrôla le 20 mars 1916 à Sayabec, qui fournit alors une dizaine de recrues au 189e bataillon. L’organisation et l’entraînement initial des unités d’infanterie se faisait durant la guerre à Valcartier ; Kaeble y séjourna six mois, puis le 27 septembre s’embarqua pour l’Angleterre. Les choses se passèrent en Europe comme il l’espérait. Le 22e, le seul bataillon canadien-français à prendre part aux combats sur le continent, avait perdu beaucoup d’hommes au cours des mois précédents, d’abord en Belgique, à Saint-Éloi (Sint-Elooi) et au mont Sorrel, puis en France, à Courcelette et à la tranchée Régina. Aussi avait-il un grand besoin de renforts. C’est ainsi que Kaeble fut immédiatement affecté au 69e bataillon d’infanterie, unité qui se trouvait en Angleterre depuis le mois d’avril, puis versé le 13 novembre au 22e en voie de réorganisation à Bully-Grenay, petite commune au nord-ouest de Lens, en France.
Appelé à contribuer à la défense d’un large secteur entre Arras et Lens, le 22e passa l’hiver de 1916–1917 dans cette région. Le mois d’avril venu, il prit part à la célèbre offensive contre la crête de Vimy qui se solda, le 12 avril, par une éclatante victoire pour le Corps expéditionnaire canadien. Même si le nom de Kaeble n’apparaît pas à ce moment-là dans les dépêches et autres documents de cette sorte, ni ceux d’ailleurs de milliers d’autres fantassins comme lui, on sait qu’il était là et prit part à l’action. Une douzaine de jours après cette victoire mémorable, alors que les troupes canadiennes essuyaient encore le feu de l’ennemi, il fut blessé à l’épaule droite et transporté à l’arrière des lignes. Il y demeura 25 jours, séjournant successivement à l’Hôpital général no 13 et au Dépôt pour convalescents no 1, situés l’un et l’autre à Boulogne. Malgré ce contretemps, Kaeble conserva sa bonne humeur. Dans une lettre à sa sœur, il dit qu’il n’a que de très bonnes nouvelles, qu’il est lui-même très bien, qu’il est gras comme il ne l’a jamais été, enfin, qu’il ne s’ennuie pas trop et salue ses amies. Si l’on en juge par d’autres lettres, l’une d’elles, à laquelle il écrivait régulièrement, fut vraisemblablement une amie différente des autres, peut-être une fiancée.
Kaeble quitta Boulogne pour le front le 25 mai 1917. De retour avec son unité, il reprit son poste de mitrailleur qu’il disait vraiment aimer. Pour le 22e bataillon, après Vimy ce fut la cote 70 au mois d’août 1917, Passchendaele (Passendale, Belgique) en octobre de la même année, puis le secteur Neuville-Vitasse et Mercatel à compter de la fin du mois de mars 1918. Une bonne nouvelle attendait Kaeble dans ce secteur. Le 23 avril, il fut promu caporal pour remplacer un compagnon également promu. Toutefois, des événements tragiques l’attendaient aussi dans ce secteur.
Kaeble avait fait un testament avant de quitter Sayabec, comme le font les militaires au moment de leur enrôlement. Toutefois, pensait-il vraiment qu’il pourrait mourir au combat ? Les lettres qu’on conserve de lui reflètent un optimisme indéniable, mais aussi un réalisme certain. Il parle souvent de son retour au pays et du plaisir qu’il aura à revoir ceux qu’il aime, mais il n’exclut pas pour autant la possibilité d’être un jour fauché par l’ennemi. « Je demande tous les jours à Dieu de pouvoir vous revoir, lit-on dans une lettre datée du 29 septembre 1917, ce qui ne m’empêche pas de faire mon devoir au front. Il ne faut avoir peur que du bon Dieu. Ici on a peur de rien, à part Dieu. »
Les événements du 8 juin 1918 montrèrent que Kaeble n’avait vraiment peur de rien. Ce soir-là, à neuf heures quarante-cinq, l’ennemi se manifesta violemment dans le secteur défendu par le 22e bataillon. Après un important barrage d’artillerie, il passa à l’attaque en trois points différents. Au poste défendu par la section de mitrailleuses du caporal Kaeble, la résistance fut vraiment héroïque. « Aussitôt que le barrage eut levé par-dessus la première ligne, racontent les documents officiels, environ cinquante ennemis s’élancèrent vers son poste. À ce moment-là toute sa section moins un homme avait subi des blessures. Le caporal Kaeble sauta alors par dessus le parapet et tenant sa Lewis à la hanche, tira chargeur après chargeur en direction des rangs ennemis et quoiqu’il fût plusieurs fois blessé par des fragments d’obus et de bombes, il ne cessa de tirer et c’est ainsi que par sa détermination il arrêta net l’offensive ennemie. Finalement, tout en continuant de tirer, il tomba à la renverse dans la tranchée, mortellement blessé. Étendu sur le dos, il tira ses dernières cartouches par dessus le parapet vers les Allemands en train de regagner leurs lignes. Enfin, avant de s’évanouir, il cria aux blessés qui l’entouraient : « tenez bon les gars, ne les laissez pas passer. Il nous faut les arrêter. »
Transporté à l’hôpital, le caporal Joseph Kaeble mourut de ses blessures le lendemain soir. Il fut inhumé par la suite au cimetière communal de Wantequin à environ sept milles à l’ouest d’Arras. Décoré de la médaille militaire, il reçut également la croix de Victoria, la plus haute distinction britannique. Il fut le premier militaire canadien de langue française à recevoir cet honneur. Aujourd’hui des rues, des bâtiments et même un mont portent son nom et conservent sa mémoire.
AN, RG 150, Acc. 1992–93/166, boîte 4994.— ANQ-BSL-GIM, CE1-25, 5 mai 1892.— Arch, de la Régie du Royal 22e Régiment (Québec), Dossiers hist. du personnel, 7444 (Joseph Kaeble).— London Gazette, 16 sept., 7 oct. 1918.— La Patrie, 10 juill. 1918.— Le Progrès du Golfe (Rimouski, Québec), 20 déc. 1918, 15 févr. 1935.— L’Amicale du 22e Inc. (Québec), 1 (1947), no 9 : 5 ; 2 (1948), no 6 : 11 ; 7 (1953), no 5 : 13 ; 8 (1954), no 10 : 21 ; 10 (1956), no 3 : 2 ; 13 (1959), no 3 : 3 ; 18 (1964), no 11 : 4.— Centenaire : Joseph Kaeble, 1892 ; Sayabec, 1992 ([Sayabec, Québec, 1992]).— Joseph Chaballe, Histoire du 22e bataillon canadien-français [...] (Montréal, 1952).— La Citadelle (Québec), 10 (1974), no 4 : 3.— J.-P. Gagnon, le 22e bataillon (canadien-français), 1914–1919 ; étude socio-militaire (Québec et Ottawa, 1986).— Micheline [Kaeble] Hébert, Joseph Kaeble : croix Victoria ([Saint-Hubert, Québec], 1992).— Léopold Lamontagne, les Archives régimentaires des Fusiliers du Saint-Laurent (Rimouski, 1943), 149–152.— G. C. Machum, Canada’s V.C’s ; the story of Canadians who have been awarded the Victoria Cross [...] (Toronto, 1956).— Nicholson, CEC.— Noms et Lieux du Québec : dictionnaire illustré, sous la dir. de la Commission de toponymie du Québec, (Québec, 1994), 305.— J. G. Scott, « Uncommon valour : Canadian winners of the Victoria Cross », Esprit de corps (Ottawa), 4 (1994), no 4 : 30s.— Valiant men : Canada’s Victoria Cross and George Cross winners, John Swettenham, édit. (Toronto, 1973).
Jacques Castonguay, « KAEBLE, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kaeble_joseph_14F.html.
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Auteur de l'article: | Jacques Castonguay |
Titre de l'article: | KAEBLE, JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 28 novembre 2024 |