KABURAGI, GORO, ministre méthodiste, rédacteur en chef et éditeur d’un journal ; né vers 1854 dans le comté de Katori, préfecture de Chiba, Japon ; il épousa Kaoru Ishiwara, et ils eurent au moins un fils ; décédé le 14 mai 1926 à Nagoya et inhumé au village de Yamakura, préfecture de Chiba.

Les antécédents de Goro Kaburagi étaient assez différents de ceux de la plupart des immigrants canadiens d’origine japonaise – principalement des agriculteurs, des pêcheurs et des journaliers. On croit qu’il appartenait à la classe des samouraïs. Il avait fréquenté le collège impérial de foresterie de Tokyo et la Northwestern University à Evanston, dans l’Illinois. Grâce à son excellente maîtrise de l’anglais, il fut d’un immense secours aux immigrants japonais de l’Amérique du Nord.

Admis au ministère méthodiste en 1879, Kaburagi dirigeait une assemblée de fidèles de l’Église méthodiste épiscopale à Columbus, dans l’Ohio, lorsque, en 1896, la Japanese Christian Endeavour Society l’invita à exercer auprès des immigrants japonais de la Colombie-Britannique. La société, qui l’année précédente avait ouvert une mission à l’angle des rues Pender et Abbott, à Vancouver, avait vite compris la nécessité d’avoir un ministre qui parlait le japonais. Elle avait donc pressenti Kaburagi, qui fit probablement un court séjour au Japon avant de se mettre en route pour le Canada en août 1896. Peu après s’être mis à la tâche en 1897, Kaburagi trouva « difficile » de diriger une mission indépendante et s’adressa à l’Église méthodiste du Canada, qui accepta de l’aider. Trois lots urbains situés à l’intersection des rues Jackson et Powell, à Vancouver, furent achetés en 1903. L’église Japanese Methodist (par la suite église unie Powell Street) fut consacrée en septembre 1906. Le bâtiment comportait des classes pour les cours du soir et, aux étages supérieurs, des dortoirs pour célibataires de sexe masculin.

Parallèlement à son activité de prédicateur, Kaburagi aida les membres de sa communauté dans sa lutte en faveur des droits civils. En 1895, l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique, en modifiant le Provincial Voters’ Act, avait privé du droit de suffrage les Japonais, les Chinois et les immigrants des Indes orientales. Du même coup, ceux-ci avaient perdu le droit de voter aux scrutins municipaux et fédéraux parce que la liste provinciale des électeurs servait aussi en ces occasions. Plus encore, vu que l’inscription sur la liste électorale était un critère d’admission dans certains secteurs de la fonction publique provinciale et dans de nombreuses professions, les Japonais et les autres se trouvaient, dans les faits, exclus de nombreux domaines d’emploi. Kaburagi était l’un des animateurs du groupe qui envoya Tomekichi Homma devant les tribunaux en 1900 pour contester la loi. La Cour suprême de la Colombie-Britannique et la Cour suprême du Canada conclurent que, en adoptant la modification en question, le Parlement provincial avait outrepassé ses pouvoirs constitutionnels, mais le comité judiciaire du Conseil privé annula ces décisions en 1902.

Dans le courant de la même année, avec l’aide du consul du Japon, Kaburagi ouvrit une école élémentaire pour enfants d’origine japonaise. Cet établissement, qui employait deux instituteurs formés au Japon, prit en 1906 le nom de Vancouver Japanese School. On y suivait le même programme que dans les écoles du Japon et l’on y donnait, en plus, des cours d’anglais.

En vue de faire connaître ses convictions religieuses et sociales à un plus grand nombre d’immigrants japonais, Kaburagi avait lancé en juillet 1897 le Bankuba Shuho (l’Hebdomadaire de Vancouver). Rebaptisé Kanada Shinpo (Nouvelles du Canada) en novembre 1903, ce périodique devint, le 1er mars 1904, le premier quotidien japonais au Canada. Kaburagi y exerçait à temps plein la fonction de rédacteur en chef. Le journal prêchait la tempérance, combattait les jeux de hasard et la prostitution – fléaux très répandus parmi les immigrants japonais – et encourageait ceux-ci à s’intégrer à la majorité. Apprendre l’anglais, quitter la communauté de la rue Powell, consommer de la nourriture occidentale, fréquenter l’église et concurrencer comme des égaux les travailleurs de race blanche, tels étaient les moyens préconisés pour atteindre ces objectifs. Sous le régime des « patrons », les premiers immigrants qui se débrouillaient assez bien en anglais étaient devenus placeurs de main-d’œuvre : ils fournissaient des employés japonais à bas salaire aux entreprises dirigées par des Blancs. Peu à peu, ces placeurs en étaient venus à constituer l’élite de la communauté japonaise. De plus, ils étaient très proches du consulat du Japon à Vancouver. Pacifiste et défenseur de l’égalité de tous les peuples, Kaburagi s’opposait au nouvel impérialisme qui prenait corps au Japon depuis que ce pays était sorti vainqueur de la guerre de 1904–1905 contre la Russie. Il était donc en désaccord avec le consulat, qui soutenait cet impérialisme. En 1907, le consulat appuya le lancement d’un autre journal japonais, Tairiku Nippō/Continental News afin de contrer l’influence du Kanada Shinpo. Au milieu de cette année-là, en plus de ses différends avec le consul, Kaburagi eut des démêlés avec son assemblée de fidèles à cause de ses positions pacifistes. Il perdit sa place de ministre et fut remplacé par le révérend Yoshi Ono. Certains de ses amis quittèrent l’église avec lui, dont le jeune frère de sa femme, le docteur Meinosuke Ishiwara, médecin populaire qu’il avait encouragé à venir à Vancouver.

En dépit de ces revers, Kaburagi continua d’exprimer ses idées dans le Kanada Shinpo. En outre, il prit des dispositions pour réaliser l’un de ses rêves, créer un jardin japonais sur un lot de trois acres à l’angle de la 21e rue et de l’avenue St George, dans North Vancouver. Un jeune étudiant chrétien, Senji Yamamoto, passa l’été de 1907 à diriger une équipe qui défricha le terrain. Apparemment, le jardin ne fut jamais aménagé.

Au dire de Yamamoto, Kaburagi et sa femme habitaient une « maison de style tout à fait occidental » au 428 de la rue Cordova Est, tout près de l’endroit où étaient concentrés les commerces de la communauté japonaise. Leur domicile était toujours ouvert aux Japonais, surtout aux jeunes. Yamamoto avait d’abord logé chez les Kaburagi à son arrivée au Canada ; il parle souvent de leur gentillesse dans ses journaux personnels et dans ses lettres à ses parents. Kaburagi influença et aida beaucoup d’autres personnes. Jinsaburo Oikawa – immigrant pionnier originaire de la préfecture de Miyagi qui ferait venir au Canada bon nombre d’habitants de son village et qui fonderait des colonies communautaires dans deux îles du fleuve Fraser – avait fait la connaissance de Kaburagi à bord du navire sur lequel il était venu pour la première fois au Canada. Kaburagi lui avait fait comprendre qu’il devait absolument apprendre l’anglais et avait commencé à lui donner des leçons à bord. Par la suite, il l’assista dans ses transactions foncières.

On sait peu de chose sur ce que Kaburagi fit ensuite, sinon qu’il resta associé au Kanada Shinpo. En 1915, le Canadian Japanese Volunteer Corps fut organisé en vue du service militaire outre-mer [V. Yoichi Kamakura*]. Yasushi Yamazaki, président de la Canadian Japanese Association et rédacteur en chef du Tairiku Nippō, avait persuadé les membres de l’association de parrainer cette unité afin d’« apporter gloire et honneur à la communauté canado-japonaise et de l’aider à conquérir ses pleins droits de citoyenneté ». En mars 1916, après que Kaburagi eut osé mettre en doute l’efficacité du programme, les volontaires vandalisèrent son bureau au journal. Il dut demander la protection de la police.

L’affaire n’est pas connue dans tous ses détails, mais apparemment, Goro Kaburagi confia le journal à un collègue et retourna au Japon. Il passa peut-être quelque temps à Vancouver au début des années 1920. Décédé au Japon en 1926, il laissa une succession – constituée notamment de terrains et de numéraire au Canada et au Japon – dont la valeur dépassait les 18 000 $. Bien qu’il ait défendu avec force des idées religieuses, morales et sociales contraires à celles de bon nombre de ses compatriotes, Kaburagi a laissé le souvenir d’un leader influent qui fit beaucoup pour les immigrants canadiens d’origine japonaise.

Midge Ayukawa

BCA, GR-1415, file 11774.— Ken Adachi, The enemy that never was : a history of the Japanese Canadians (Toronto, 1976).— Peter Duus, « The takeoff point of Japanese imperialism », dans Japan examined : perspectives on modern Japanese history, Harry Wray et Hilary Conroy, édit. (Honolulu, 1983).— Roy Ito, Stories of my people : a Japanese Canadian journal (Hamilton, Ontario, 1994).— Kanada Nikkeijin Godo Kyokai shi, 1892–1959 [Histoire des congrégations japonaises de l’Église unie du Canada, 1892–1959] (Toronto, 1961).— Kenneth Matsugu, « A brief history of the Japanese United Church of Canada », dans A centennial legacy : history of the Japanese Christian missions in North America, 1877–1977, Sumio Koga, compil. (Chicago, 1977).— Tadashi Mitsui, « The ministry of the United Church of Canada amongst Japanese Canadians in British Columbia, 1892–1949 » (mémoire de s.t.m., Union College of British Columbia, Vancouver, 1965).— Mark Mullins, Religious minorities in Canada : a sociological study of the Japanese experience (Lewiston, N.Y., et Queenston, Ontario, 1989).— Nakayama Jinshiro, Kanada doho hatten taikan [Encyclopédie des Japonais au Canada] (Tokyo, [1929]).— Nitta Jiro, Mikkosen Suian Maru [le Voyage secret du Suian Maru] (Tokyo, 1979).— P. E. Roy, A white man’s province : British Columbia politicians and Chinese and Japanese immigrants, 1858–1914 (Vancouver, 1989).— Sasaki Toshiji, Yamamoto Senji (2 vol., Tokyo, 1998), 1.— Shinpo Mitsuru, Kanada Nihonjin imin monogatari [Récits d’immigrants japonais au Canada] (Tokyo, 1986).— Shinpo Mitsuru et al., Kanada no Nihongo shinbun : minzoku ido no shakaishi [Journaux canadiens en langue japonaise] (Tokyo, 1991).— Toyo Takata, Nikkei legacy : the story of Japanese Canadians from settlement to today (Toronto, 1983).

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Midge Ayukawa, « KABURAGI, GORO », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/kaburagi_goro_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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