JUCHEREAU DE SAINT-DENIS, CHARLOTTE-FRANÇOISE, dite comtesse de Saint-Laurent, fille de Nicolas Juchereau* de Saint-Denis et de Marie-Thérèse Giffard, baptisée à Québec le 4 février 1660, décédée au même endroit le 28 décembre 1732, inhumée le 30.

Le 27 février 1702, avec l’autorisation du roi, elle se porta acquéreur, pour la somme de 41 333#, cours de France, de l’île d’Orléans, vendue par Mgr de Laval en 1675 à François Berthelot, secrétaire du roi ; celui-ci avait obtenu lors de son anoblissement que l’île fût érigée en comté, dit de Saint-Laurent. Charlotte-Françoise Juchereau, devenue propriétaire de l’île, prit le titre de comtesse qu’elle conserva après son mariage avec La Forest [Dauphin] ; elle fit porter le titre de comte à son fils aîné, né Pachot. Cependant, n’ayant pu satisfaire à ses obligations envers Berthelot, elle dut entreprendre de longues procédures, tant au Canada qu’en France, où elle fit plusieurs voyages, et se révéla une plaideuse acharnée. Sa longue lutte devant les tribunaux dura de 1704 à 1713. Ayant épuisé sans succès les moyens judiciaires, elle cessa ses démarches sur l’ordre exprès du roi, qui l’obligea à rentrer au Canada. Cette affaire, dans laquelle Berthelot eut finalement gain de cause, contribua, semble-t-il, à la destitution de Ruette d’Auteuil, beau-frère de la comtesse, qui avait pris, contre Raudot, la défense de cette dernière.

De nombreux actes notariés passés entre 1698 et 1704 montrent que Charlotte-Françoise Juchereau fut une femme d’affaires active et entreprenante. Épouse séparée de biens de La Forest, en 1702, dûment autorisée à agir en son nom, elle continua d’effectuer des transactions de toutes sortes (ventes, achats, prêts, emprunts, fret de navires, contrats de construction), en son propre nom et par personnes interposées, pour des sommes parfois considérables, tout en veillant avec soin aux intérêts de ses enfants. Elle connut néanmoins des embarras d’argent : en 1704, pour rencontrer une obligation envers Pierre Le Moyne d’Iberville, elle dut vendre tous ses biens meubles contenus dans ses propriétés de l’île d’Orléans ; en 1705, elle vendait à René Lepage, seigneur de Rimouski, le fief de la rivière Métis, qu’elle avait hérité de son premier mari.

Le 17 décembre 1680, à Beauport, elle avait épousé François Viennay-Pachot*, seigneur et commerçant, veuf de Jeanne Avamy ; elle eut de lui 16 enfants. Le 11 novembre 1702, elle se remariait avec le capitaine Dauphin de La Forest.

Charlotte-Françoise se fit une renommée peu flatteuse : Pontchartrain [Phélypeaux] la considérait comme une « femme dangereuse », tandis que Raudot la qualifia de marchande « hautaine et capricieuse », qui se croyait tout permis comme comtesse. « On lui aurait peut-être pardonné sa vanité et l’usurpation de son titre de comtesse, ajoutait-il, si au moins elle avait payé son achat. »

Antonio Drolet

Charlevoix, Histoire de la N.-F., I : 465.— Jug. et délib., passim.— RAC, 1899 : 205s.— Tanguay, Dictionnaire, I : 328, 457.— P.-G. Roy, La famille Juchereau Duchesnay (Lévis, 1903), 135–138.— P.-B. Casgrain, Une autre maison Montcalm à Québec (1759), BRH, VIII (1902) : 329–340.— Ignotus [Thomas Chapais], Notes et souvenirs, La Presse (Montréal), 5 et 19 avril 1902.— É.-Z. Massicotte, Les Juchereau Duschesnay, BRH, XXXVIII (1932) : 409.— P.-G. Roy, La famille Viennay-Pachot, BRH, XXI (1915) : 336–342.

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Antonio Drolet, « JUCHEREAU DE SAINT-DENIS, CHARLOTTE-FRANÇOISE, dite comtesse de SAINT-LAURENT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/juchereau_de_saint_denis_charlotte_francoise_2F.html.

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Auteur de l'article:    Antonio Drolet
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    28 novembre 2024