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JOSEPH, ABRAHAM, commissionnaire, banquier et homme politique, né le 14 novembre 1815 à Berthier-en-Haut (Berthierville, Québec), troisième fils de Henry (Harry) Joseph*, propriétaire de navires et commerçant, et de Rachel Solomons (Solomon), fille de Lucius Levy Solomons* ; le 18 novembre 1846, il épousa Sophia David, petite-fille d’Aaron Hart*, de Trois-Rivières, et ils eurent cinq fils et huit filles ; décédé le 20 mars 1886 à Québec et inhumé à Montréal au cimetière de la synagogue Spanish and Portuguese.
Abraham Joseph reçut de ses parents une éducation rigoureuse, selon les principes et traditions du judaïsme, mais on a très peu de données concernant sa formation scolaire, sauf qu’il étudia à l’académie de Berthier où il se classa premier de sa promotion en 1828. Deux ans plus tard, la famille, qui comptait neuf enfants, quitta Berthier-en-Haut pour aller s’établir à Montréal. En 1832, Henry Joseph et son fils aîné moururent le même jour du choléra, et, dès lors, Jacob, l’aîné des fils survivants, décida d’utiliser le prénom de son père et fut connu par la suite sous le nom de Jacob Henry. Il hérita de son père l’important commerce d’importation de tabac à fumer et à priser, qui avait été mis sur pied plus de 30 ans plus tôt par la famille Solomon, et l’exploita conjointement avec Abraham et leur mère. Le tabac provenait des États-Unis où ils se rendaient régulièrement faire les achats. En 1836, Abraham déménagea à Québec pour y prendre charge des intérêts de la compagnie et, le 1er avril 1837, il devint associé de l’entreprise dans laquelle il détenait le cinquième des intérêts. En 1844, le commerce à Montréal portait la raison sociale H. Joseph and Company, « manufacturiers en gros et importateurs de tabac, 144 rue Saint-Paul ». En 1851, le bureau de Québec était inscrit dans l’annuaire de la ville sous le nom de A. Joseph and Company, « marchands généraux », et, en 1854, on pouvait y lire « commerçants de tabac, agents généraux et commissionnaires, quai Napoléon ». Le 31 mars 1859, l’association fut dissoute, Jacob Henry continuant seul à Montréal tandis qu’Abraham prenait la direction de la compagnie à Québec.
Joseph avait aussi des intérêts dans le transport maritime et, avec son frère Jacob Henry et son cousin Theodore Hart, il était propriétaire de la barque Benjamin Hart, construite à Québec en 1839. De plus, Joseph participa, en 1861, à la reconnaissance juridique de la Compagnie de navigation du Saint-Laurent, dont il sera président en 1879–1880, et il s’intéressa activement pendant plusieurs années à la Compagnie d’assurance maritime de Québec (fondée en 1862) et à la Compagnie des remorqueurs du Saint-Laurent (1863), y occupant les postes de président, de membre du conseil d’administration et, par la suite, de vice-président, au moins de 1867 à 1873. En 1866, il fut nommé membre du conseil d’administration provisoire de la British American Steamship Company, entreprise qui se proposait de faire le transport postal hebdomadaire entre Québec et Pictou, Nouvelle-Écosse ; cette compagnie constituait une tentative de certains marchands de Québec de mettre sur pied un service de navigation qui assurerait un lien avec les Maritimes au moment où les colonies britanniques nord-américaines étaient sur le point de s’unir. En 1871, il fut nommé membre du conseil d’administration de la Compagnie des steamers de Québec et des ports du golfe (active à compter de 1867), et il en faisait toujours partie lorsqu’elle devint la Compagnie des steamers de Québec en 1880.
Joseph participa aussi activement au développement des sociétés financières de la ville de Québec. Il fit sa première expérience dans ce domaine avec la Banque de district de Québec, une petite banque d’épargne fondée en 1847 par 40 membres du monde des affaires de Québec, aussi bien anglophones que francophones. Puis Joseph devint membre du conseil d’administration, de 1854 à 1858, et ensuite président, de 1859 à 1865, de l’Union Building Society spécialisée dans les hypothèques et le financement à long terme de biens immobiliers. En 1860, il fut élu membre du conseil d’administration de la Banque nationale, qu’il avait contribué à fonder deux ans plus tôt [V. François Vézina] ; il demeura, avec six autres collègues, membre du conseil d’administration pendant 14 ans. Il démissionna en 1874 pour devenir président de la Banque de Stadacona à laquelle on avait accordé un capital de $1 000 000 au moment de sa reconnaissance juridique en 1873.
Afin de protéger ses intérêts commerciaux, Joseph devint membre du Bureau de commerce de Québec en 1848. Son élection à la présidence de cet organisme en 1863 témoigne du rôle important qu’il jouait dans le monde des affaires de la ville. Au cours de son mandat, il présida le dîner du 15 octobre 1864 offert aux délégués des colonies de l’Atlantique à la conférence de Québec. Selon le Quebec Mercury, Joseph déclara dans son discours « que les marchands de Québec [...] désiraient sincèrement des changements à la situation présente – qu’ils souhaitaient une union commerciale complète – qu’ils voulaient l’abolition des tarifs douaniers inégaux et hostiles qui existaient dans plusieurs provinces [... Ils désiraient] une union commerciale qui resserrerait les liens, et sous un seul drapeau. » À la mort de son épouse en 1866, il refusa d’être réélu président du Bureau de commerce de Québec ; cependant, il en demeura membre actif et il devait accéder à la vice-présidence de la Chambre de commerce de la Puissance (fondée en 1873), poste qu’il occupa de 1876 à 1878.
Joseph ne participa jamais à la politique provinciale. En 1837, même s’il jugeait Louis-Joseph Papineau* « dans sa vie privée [...] comme une assez bonne personne, sans arrogance aucune », il s’engagea volontairement dans la Québec Light Infantry au début de la rébellion et obtint le rang de major avant de démissionner en 1839. Le 27 septembre 1846, il fut nommé juge de paix et, en janvier 1847, magistrat. Il s’occupa aussi de politique municipale. Élu membre du conseil municipal de Québec en 1854, comme représentant du quartier Saint-Louis, il fit partie des comités de la voirie, de l’aqueduc ainsi que des finances. À deux reprises, en 1858 et en 1860, il tenta sans succès d’accéder à la mairie, après quoi il se retira de la politique. En 1856, il devint vice-consul de Belgique à Québec (son jeune frère Jessé était consul à Montréal depuis 1850), poste qu’il conserva jusqu’à sa mort. Il était aussi membre de la Société de St George, dont il fut président en 1855–1856.
À la fin des années 1860, Joseph était devenu un homme d’affaires prospère de Québec, propriétaire d’un commerce d’épicerie en gros spécialisé dans les aliments importés et le whisky. Ses principaux clients étaient les compagnies de transport maritime, les unités de milice et les épiciers de la campagne. Toutefois, la dépression économique qui débuta en 1874 l’éprouva grandement. La Banque de Stadacona perdit $75 000, à cause de mauvaises créances, et dut puiser à même ses réserves et diminuer ses dividendes de 6 p. cent en 1876 et de 2 p. cent en juin 1879. Un mois plus tard, la banque liquidait ses biens à la demande des actionnaires qui reçurent tous plein remboursement. En 1878, l’entreprise de Joseph avait aussi connu des transformations : deux de ses fils, Montefiore et Andrew Cohen, prirent la direction du commerce, et la raison sociale devint A. Joseph and Sons. Ses deux fils continueront de diriger les affaires après la mort d’Abraham. Au cours de la même année, à l’âge de 63 ans, celui-ci démissionna de nombreux conseils d’administration, mais il conserva ses intérêts dans le domaine bancaire et du transport maritime. Il fut aussi, à plusieurs reprises, après 1871, président de la Compagnie des mines d’or de Léry. Il possédait également des biens assez considérables, surtout dans la ville de Québec. À son décès en 1886, la Gazette de Montréal rapporta que la mort avait emporté un des « plus vieux citoyens » de la ville de Québec, qui « serait difficilement remplaçable dans le monde des affaires et les groupes sociaux ».
Abraham Joseph a tenu un journal de 1834 à 1876 qui fournit maints renseignements sur la vie politique, économique et sociale à Québec durant cette période. On le retrouve aux APC, ainsi que d’autres documents sur la famille Joseph, dans MG 24, 161. Les renseignements d’ordre généalogique nous ont été fournis par la Bibliothèque publique juive, Montréal. [a. r. w.]
AC, Québec, Minutiers, E. G. Meredith, 29 mars, 31 mai 1886, 13 janv., 26, 27 mai, 18 juin, 6 déc. 1887, 28 avril 1891.— ANQ-M, Minutiers, G. D. Arnoldi, 6, 25 avril 1836 ; I. J. Gibb, 6 avril 1837.— Canada, Statuts, mars–août 1873, c.66, c.73, c.108 ; 1880, c.62.— Canada, prov. du, Statuts, 1847, c.113 ; 1861, c.99 ; 1862, c.71 ; févr.–mai 1863, c.59.— Gazette, 22 mars 1886.— Quebec Daily Mercury, 17 oct. 1864.— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose), II : 274s.— Quebec directory, 1847–1886.— The Jew in Canada : a complete record of Canadian Jewry from the days of the French régime to the present time, A. D. Hart, édit. (Toronto et Montréal, 1926).— E. C. Woodley, The house of Joseph in the life of Quebec : the record of a century and a half (Québec, 1946).— Martin Wolff, « The Jews of Canada », American Jewish year book (Philadelphie), 27 (1925–1926) : 154–229.
Annette R. Wolff, « JOSEPH, ABRAHAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/joseph_abraham_11F.html.
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Auteur de l'article: | Annette R. Wolff |
Titre de l'article: | JOSEPH, ABRAHAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |