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JONES, sir LYMAN MELVIN (il commença à signer Melvin-Jones dans les années 1890), homme d’affaires et homme politique, né le 21 septembre 1843 dans le canton de Whitchurch, Haut-Canada, fils de Norman Jones, fermier, et de Theresa Jane Patterson ; le 21 février 1866, il épousa Huldah Stephens, du canton de Tecumseth, Haut-Canada, puis le 3 juillet 1872, Louise Irwin (décédée en 1920), et de ce second mariage naquit une fille ; décédé le 15 avril 1917 à Toronto.
D’ascendance écossaise et galloise, Lyman Melvin Jones abandonna la dure vie de fermier en 1868 pour aller tenir un magasin général à Clarksville (Beeton, Ontario), avec son frère David Allanson*. En 1873, notamment pour se garder en forme par le travail en plein air, il se fit engager comme commis voyageur et réparateur par une entreprise d’instruments aratoires dont il devint par la suite associé, la A. Harris, Son and Company de Brantford [V. John Harris*]. Après la construction d’un chemin de fer entre le Minnesota et le Manitoba [V. James Jerome Hill], son employeur l’envoya à Winnipeg mettre sur pied une succursale qui desservirait l’Ouest. Celle-ci ouvrit ses portes en 1880.
Avec sa vigueur coutumière, Jones prit d’assaut à la fois le milieu des affaires et la scène municipale de Winnipeg. De 1882 à 1886, les ventes conclues par son bureau représentaient environ 40 % des ventes de la Harris au Canada, ce qui impressionnait beaucoup ses supérieurs. Élu au conseil municipal de Winnipeg en 1886, il se signala par son travail au comité des finances. Il fut maire en 1887–1888 et vice-président du Bureau de commerce de Winnipeg en 1887. Malgré sa passion pour la vie municipale, il accepta sans hésiter, le 25 janvier 1888, le poste de trésorier provincial dans le nouveau gouvernement libéral. Il devint l’un des quelques conseillers du premier ministre Thomas Greenway* sur les questions ferroviaires. Sa présence apaisait grandement le milieu des affaires, qui tenait à être représenté. Élu pour la première fois en mars 1888 au cours d’une élection partielle dans la circonscription de Shoal Lake, il remporta la victoire aux élections générales de juillet dans North Winnipeg.
Nommé en 1888 directeur général de la Harris, Jones démissionna du cabinet en mai 1889 et retourna à Brantford, mais il conserva son siège de député jusqu’en 1892. Diverses autorités lui attribuent l’excellence de la lieuse de la Harris, qui permit à l’entreprise de renforcer sa position face à sa grande rivale, la Massey Manufacturing Company. Après la fusion des deux sociétés en 1891, Jones assuma la direction générale de la Massey-Harris Company, dont le siège social était à Toronto. Il supporta malaisément la présidence de Hart Almerrin Massey*, qui mourut en 1896, mais il put donner plus librement cours à ses ambitions sous l’autorité moins rigide des fils de Massey, Walter Edward Hart* et Chester Daniel. Peu porté à déléguer des pouvoirs mais très bien coté comme « expert en machinerie », il participerait de plus en plus aux activités commerciales de l’entreprise en Europe, en évinçant quelques vétérans de la Massey.
Une fois que le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier, élu à Ottawa en 1896, eut commencé à envisager une réduction des tarifs douaniers, Jones, alarmé par la perspective de voir s’intensifier la concurrence américaine, se lança dans une virulente correspondance avec Laurier et Clifford Sifton*, député fédéral du Manitoba et ministre de l’Intérieur. En même temps, en faisant valoir qu’il avait transformé la Massey-Harris en une entreprise libérale et accru de beaucoup les relations commerciales entre le Canada et l’étranger, il se mit à réclamer un poste de sénateur. « Je le veux », déclara-t-il à Sifton en 1900 ; l’année suivante on le lui accorda, sans doute pour le calmer.
En mars 1903, après le départ de Chester Daniel Massey, Jones fut élu président de la Massey-Harris, dont il était toujours directeur général. Dans les 11 années suivantes, il aurait à faire face à la pénétration croissante du marché canadien par les Américains, à des hauts et des bas dans ses finances personnelles et à la perspective déconcertante du libre-échange. Sous sa direction, la Massey-Harris continua lentement de mettre au point une gamme complète de machines agricoles, dont des moteurs à essence, mais, peut-être à cause des coûts et des marchés, Jones ne s’intéressa pas, semble-t-il, au tracteur à essence, pourtant révolutionnaire. Il veilla surtout à ce que l’entreprise étende son réseau de succursales dans l’Ouest canadien et puisse s’approvisionner régulièrement en acier. (Il faisait partie du conseil d’administration de l’un des principaux fournisseurs, la Nova Scotia Steel and Coal Company Limited.) En 1910, lorsque la Massey-Harris acheta la Johnston Harvester Company de Batavia, dans l’État de New York, on crut qu’elle cherchait à s’implanter sur le marché américain, mais Jones n’y songeait pas sérieusement. L’usine de fonte malléable de la Johnston avait une plus grande valeur pratique.
Bien que le libre-échange l’ait préoccupé, comme la plupart des manufacturiers canadiens, Jones ne fit pas partie des groupes influents de libéraux mécontents et d’hommes d’affaires de l’Est canadien qui s’opposèrent à l’entente internationale déposée en janvier 1911. Il tenta de conjuguer ses sentiments protectionnistes et sa loyauté envers le Parti libéral, et dissimula son inquiétude, car il savait de toute manière que, pour ce qui était de la machinerie agricole, l’entente prévoyait une réduction des droits de douane dans de rares cas seulement. Dans le but de détourner les critiques de la Massey-Harris, il expliqua dans des périodiques de l’Ouest que l’entreprise pratiquait de faibles prix et réalisait peu de bénéfices dans cette région, mais ses efforts furent contrés facilement. Jones avait beau très bien comprendre l’agriculture dans les Prairies, il saisissait très mal le sentiment qui régnait dans cette région, à savoir l’appui au libre-échange et l’opposition au crédit. Aux élections de 1911, qui furent remportées par les conservateurs, il travailla pour les libéraux dans Brantford, dans l’Ouest et partout où il pouvait compter sur du personnel de la compagnie. La même année, le gouvernement Laurier avait recommandé que Jones, impérialiste notoire, soit créé chevalier, sans aucun doute parce qu’il avait fait un don pour la nationalisation des plaines d’Abraham à Québec. En 1914, année où il rompit finalement avec le Parti libéral en raison de sa politique commerciale, il reçut du gouvernement français une autre récompense qu’il convoitait, la Légion d’honneur.
Après le début de la Première Guerre mondiale, la production de la Massey-Harris et ses ventes en Europe chutèrent. L’entreprise ouvrit une fabrique d’obus en 1914 et inaugura à Dulwich (Londres) une maison de convalescence pour les soldats canadiens, Kingswood. La publicité de la maison de convalescence fut soigneusement conçue de manière à donner de la Massey-Harris l’image que Jones, vice-président du Fonds patriotique canadien, voulait qu’elle ait en ces temps de guerre. Jones ne vécut pas assez longtemps pour remettre l’entreprise dans l’état où elle était avant les hostilités.
La survivance d’un mode de gestion autocratique issu du xixe siècle à la Massey-Harris empêcha sir Lyman Melvin Jones de faire tout ce qu’il rêvait pour installer solidement l’entreprise dans le xxe siècle. Cet homme imposant, au visage orné d’une moustache cirée, pratiquait le culte de sa personne ; il avait ajouté un trait d’union à son nom dans les années 1890. Clubiste assidu, membre de l’église presbytérienne St Andrew, il aimait recevoir dans sa résidence torontoise, Llawhaden, et montrer à ses invités ses talents de conteur. Au Sénat, il tenait un discours moralisateur sur la « conscience » des entreprises. Par contre, dans les réunions de conseil d’administration, il rejetait du revers de la main toute responsabilité concernant l’endettement des fermiers de l’Ouest et, à Toronto, il ne s’occupait guère des relations patrons-ouvriers. Sa correspondance politique révèle plus de flagornerie et de souci de ses propres intérêts que de sagacité partisane ; Laurier le manœuvrait aisément. Ses contemporains de l’Est canadien le surestimaient en lui attribuant « une personnalité extraordinairement forte » et un flair infaillible en affaires. À vrai dire, s’il avait eu un caractère différent, il aurait pu accomplir bien plus.
AN, MG 26, G ; MG 27, II, D15 ; MG 32, A1.— AO, RG 22-305, no 33693 ; RG 80-27-2, 63 : 244.— Manitoba, Legislative Library (Winnipeg), Biog. scrapbooks, B5 : 192 ; B6 : 203.— Ontario Agricultural Museum (Milton), Massey-Ferguson Arch.— PAM, GR 1662 ; MG 12, E.— Varity Corporation (Buffalo, N.Y.), Massey-Harris Company Limited, board of directors, minutes, 1902–1903.— Beeton World (Beeton, Ontario), 19 avril 1917.— Manitoba Free Press, 1886–1889, 16 avril 1917.— World (Toronto), 16, 19 avril 1917.— CPG, 1889–1892.— Merrill Denison, Harvest triumphant : the story of Massey-Harris, a footnote to Canadian history (Toronto, 1948).— W. G. Phillips, The agricultural implement industry in Canada ; a study of competition (Toronto, 1956).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).
David Roberts, « JONES (Melvin-Jones), sir LYMAN MELVIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jones_lyman_melvin_14F.html.
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Auteur de l'article: | David Roberts |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 1 décembre 2024 |