JOE, SYLVESTER (Joseph Sylvester ou Silvester), guide micmac de Terre-Neuve ; circa 1822.

Sylvester Joe fut le guide de William Eppes Cormack* lorsque celui-ci traversa à pied l’île de Terre-Neuve à l’automne de 1822, devenant ainsi le premier Blanc à accomplir une telle traversée. Cormack, qui appelait habituellement son guide « mon Indien » dans son journal, indiqua que son nom était Joseph Sylvester ou Silvester, mais les noms de famille et les prénoms sont souvent inversés chez les Micmacs de Terre-Neuve. Le nom Sylvester n’existe pas comme patronyme chez eux, tandis que celui de Joe est assez courant ; il est donc probable que l’explorateur fut induit en erreur.

Il semble que Cormack conçut le projet de ce voyage vers le début de 1822. La côte de Terre-Neuve était connue des Européens depuis longtemps, mais il en était autrement de l’intérieur, qui était rocheux, montagneux et couvert de forêts, de lacs et de hautes terres dénuées de végétation. Les Micmacs, qui s’étaient établis à Terre-Neuve au xviiie siècle, étaient avec les Béothuks, tribu vivant au nord-est de l’île, les seules personnes qui connaissaient les régions sauvages de l’intérieur. En Sylvester Joe, Cormack obtenait les services d’un « fameux chasseur de la côte sud-ouest de l’île » qui allait être pour lui un guide digne de confiance. Cormack aurait eu beaucoup de mal à trouver son chemin et, en vérité, il n’aurait probablement pas survécu, n’eût été l’habileté de son compagnon micmac.

En juillet 1822, les deux hommes firent à titre d’essai une excursion d’environ 150 milles, au cours de laquelle ils franchirent à pied la distance aller et retour entre St John’s et Placentia. Puis, le 30 août, ils firent voile vers la baie Trinity. Débarqués du côté est, ils entreprirent leur marche à partir d’un endroit situé près de la localité actuelle de Clarenville. Il leur fallut trouver eux-mêmes leur chemin. « Aucune des personnes qui habitent ici ou dans les environs, comme dans d’autres régions de Terre-Neuve, disait Cormack, n’ont pu nous donner quelque renseignement sur l’intérieur [de l’île], car elles ne se sont jamais éloignées de l’eau salée, si ce n’est pour chasser les animaux à fourrure et pour se procurer le bois nécessaire à la construction des navires et des bateaux de pêche. »

Le 10 septembre, Joe et Cormack avaient déjà escaladé la côte recouverte de forêts et avaient atteint l’intérieur des terres, où Cormack baptisa le mont Sylvester en l’honneur de son guide, toponyme qui existe toujours. Ils avançaient péniblement et, un mois plus tard, le 10 octobre, Cormack nota qu’ils « éprouvaient durement, depuis quelque temps, les effets d’un effort excessif et continuel, de l’humidité et d’une alimentation irrégulière ». Joe, qui ne voyait à l’horizon que des épreuves et la possibilité d’une rencontre avec les Béothuks, suggéra alors qu’ils se dirigent droit vers le sud pour gagner son domicile de la baie d’Espoir. Mais Cormack, qui était un personnage très singulier, voulait à tout prix presser le pas. Parmi ses papiers, on retrouve un contrat, rédigé dans les régions intérieures de Terre-Neuve, dans lequel il promet à Joe des récompenses, notamment des provisions et un voyage en Europe, à condition qu’il l’accompagne jusqu’à la baie St George, sur la côte ouest.

Le 12 octobre, ils rencontrèrent au lac Meelpaeg le chasseur montagnais James John et sa femme, une Indienne micmaque ; comme ceux-ci ne parlaient ni l’anglais ni le français, Joe servit d’interprète afin de leur expliquer le but qu’ils poursuivaient et d’obtenir des renseignements pour la suite de l’expédition. Les voyageurs apprirent qu’un autre groupe de Micmacs se trouvait « au premier grand lac vers l’ouest » ; ils ne firent la rencontre de ce groupe que le 18 octobre, après avoir connu de sérieuses difficultés au cours d’une tempête. Joe fit office d’interprète une fois de plus, et ils apprirent alors qu’il leur serait possible d’atteindre la baie St George en dix jours. Cormack fit alors ce commentaire : « L’idée que les Indiens se font d’une route ne signifie pas grand-chose d’autre, pour les Européens, que la possibilité d’atteindre, vivant, un endroit éloigné ; et j’envisageai, à partir de leurs informations, beaucoup de souffrances avant de pouvoir arriver à la baie St George. »

Onze jours plus tard, en effet, Joe et Cormack trouvèrent sur leur route un autre groupe de Micmacs, qui leur apprit qu’ils étaient encore à 60 milles de leur destination. Ils choisirent parmi ces Indiens un autre guide, du nom de Gabriel, et ils atteignirent le littoral de la baie St George au début de novembre, après un voyage excessivement difficile qui avait duré presque deux mois. « Les fatigues et les ravages étaient tels, disait Cormack lui-même, que des hommes engagés, ou des partisans de quelque sorte que ce soit, ne les auraient pas endurés. »

Sylvester Joe passa l’hiver à la baie St George avant d’aller retrouver ses amis et sa famille à la baie d’Espoir le printemps suivant. Depuis lors, aucun document n’a fait mention de lui et on ignore ce qu’il est devenu.

John Hewson

Pour une liste des différentes éditions du journal de William Eppes Cormack, on consultera la bibliographie de la biographie de ce dernier publiée dans DBC, 9. L’édition la plus accessible est celle qui parut dans l’ouvrage de Howley, Beothucks or Red Indians. Dans son article, « Guides to Newfoundland », Newfoundland Quarterly (St John’s), 75 (1980), no 4 : 17–23, G. M. Story fait un sérieux effort pour franchir la barrière culturelle et démontre comment le projet de Cormack a pu être perçu par son guide micmac. Frank Gouldsmith Speck, dans Beothuk and Micmac (New York, 1922 ; réimpr., 1981), commente la coutume des Micmacs de Terre-Neuve qui fait que Sylvester Joe est connu des historiens sous le nom de Joseph Sylvester.  [r. h.]

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John Hewson, « JOE, SYLVESTER (Joseph Sylvester, Joseph Silvester) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/joe_sylvester_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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