JARVIS, WILLIAM MUNSON, avocat, agent d’assurances et auteur, né le 9 octobre 1838 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, fils de William Jarvis et de Mary Caroline Boyd ; le 14 mai 1861, il épousa à Sussex, Nouveau-Brunswick, Jane Hope Beer, et ils eurent deux fils et une fille, puis le 20 avril 1868, à Saint-Jean, Mary Lucretia Scovil, et de ce second mariage naquirent deux filles ; décédé le 17 septembre 1921 dans cette ville.

William Munson Jarvis était le petit-fils du loyaliste Munson Jarvis*, marchand et homme politique à Saint-Jean. Son père, William Jarvis, lui aussi marchand aisé, le fit sans doute instruire par des précepteurs, conformément à sa position sociale, après quoi il l’envoya à la Saint John Grammar School. Dans cet établissement fréquenté par l’élite, William Munson suivit de 1848 à 1854 un programme exigeant, composé de philosophie naturelle et de langues modernes et classiques. Apparemment, il excellait en grec, en latin et en mathématiques. À compter de la fin des années 1850, il appartint à la Church of England Young Men’s Society. Dès 1860, il faisait aussi partie d’un cercle de jeunes gens qui se réunissaient régulièrement pour des conversations et des débats, le Chatham Club.

De 1860 à 1864, Jarvis établit les assises de sa vie personnelle et professionnelle. En mai 1861, un mois après avoir été reçu attorney, il épousa Jane Hope Beer. Dans un texte poignant, écrit après la mort précoce de sa femme, il raconte avec émotion leur lune de miel. Ce voyage, d’une durée de deux mois, les avait menés à New York, aux chutes du Niagara et enfin à Charlottetown, où ils avaient rendu visite aux enfants de feu son oncle Edward James Jarvis*. De retour à Saint-Jean, les jeunes mariés s’installèrent dans la maison où Jarvis avait passé son enfance. Sa mère, les trois sœurs et quelques-uns des neveux de celle-ci y vivaient également. Pourtant, Jarvis ne commença à se faire bâtir une maison qu’en 1863, l’année où il devint barrister. À Noël 1864, il emménagea dans cette nouvelle demeure de Portland (Saint-Jean) avec sa femme et leurs deux enfants. Leur bonheur fut de courte durée. Peu après la naissance d’un troisième enfant en 1866, Mme Jarvis mourut. Elle avait exprimé le souhait que son « petit » s’appelle Frank, à quoi Jarvis avait répondu que l’enfant devrait porter aussi le nom de Hope, comme elle.

Veuf à 27 ans, Jarvis laissait à sa mère, plus toute jeune, et à la sœur de feu sa femme, Eleanor (Ellen) James Beer, une grande part des soins requis par les enfants. À la veille de mourir, sa femme lui avait également demandé de leur trouver une autre mère. En 1868, il épousa Mary Lucretia Scovil. Trois ans après, il appartenait au conseil de Portland ; plus tôt dans l’année, il avait rédigé la charte en vertu de laquelle cette ville avait été érigée en municipalité. Il avait recommencé à être heureux. Puis, à nouveau, ce fut le drame : sa femme mourut prématurément en 1873. Il ne se remarierait jamais. Avec l’aide de domestiques et de membres de sa famille, il élèverait seul cinq enfants.

La vie professionnelle de Jarvis reflète les événements de son temps. Jeune homme à l’époque du raid fénien de 1866, il avait appartenu à la milice volontaire, et il atteindrait le grade de lieutenant-colonel. Vers 1875, la Liverpool and London and Globe Insurance Company en fit son représentant général dans les provinces Maritimes. On ignore laquelle de ses occupations – le droit ou l’assurance – lui rapportait la plus grande partie de son revenu, mais ses connaissances juridiques devaient beaucoup l’aider dans sa profession d’assureur. L’incendie qui ravagea Saint-Jean en juin 1877 survint pendant qu’il était encore en train d’édifier sa carrière et, durant plus de 20 ans, il s’occuperait des répercussions du sinistre. Par exemple, au nom de ses clients, il adressait des requêtes à diverses agences pour l’émission d’obligations qui remplaceraient celles qui avaient été détruites. Il continuait de s’occuper des comptes de placement de tantes et d’oncles, dont certains étaient partis pour l’Angleterre à la suite du désastre. Président du New Brunswick Board of Fire Underwriters dès 1888, il exercerait la même fonction au Bureau de commerce des provinces Maritimes en 1898 et au Bureau de commerce de Saint-Jean en 1902–1903.

Par ailleurs, Jarvis fut un essayiste assez prolifique. Jeune avocat, il avait consacré un texte au droit de propriété du sol et aux débuts de l’histoire territoriale du Nouveau-Brunswick. La plupart de ses essais portent sur l’Église d’Angleterre au Nouveau-Brunswick, plus précisément sur des sujets tels les nominations du clergé, le gouvernement ecclésiastique, le soutien financier aux initiatives de l’Église et les programmes des écoles du dimanche. Toutefois, son thème de prédilection était l’influence du mouvement d’Oxford, qui avait essayé de tracer, pour l’Église d’Angleterre, une voie entre le catholicisme et l’évangélisme. Jarvis, qui était manifestement un homme très religieux, s’intéressait aux différends liturgiques et doctrinaux entre anglicans et catholiques. Pour lui comme pour d’autres, ces débats prirent des proportions critiques en 1880–1881, lorsque des paroissiens de l’église St Paul (Valley), dont Isaac Allen Jack*, désireux de voir une expression « locale de la renaissance de l’Église anglicane », proposèrent d’établir à Portland la chapelle Mission. Jarvis était d’accord avec la protestation officielle envoyée en mai 1881 à l’évêque John Medley* et au révérend John Metcalf Davenport*, à qui l’on avait demandé de desservir cette chapelle. Cependant, l’évêque soutenait le projet, et la chapelle ouvrit ses portes en janvier 1882.

Il est possible que, aux yeux de Jarvis et d’autres fidèles méfiants à l’endroit du mouvement d’Oxford, la chapelle ait d’abord semblé plus catholique qu’anglicane et que, par conséquent, elle ait paru représenter un risque de subversion sur le plan doctrinal. Dans l’un de ses essais, Jarvis s’attaquait à la croyance catholique selon laquelle « l’intercession de la bienheureuse vierge Marie […] supplante pour ainsi dire la médiation de Celui que saint Paul appelle “l’unique médiateur entre […] Dieu et l’homme” ». Il exhortait les catholiques à embrasser l’anglicanisme parce qu’ils y trouveraient leurs « propres prières » traduites en anglais, langue qu’ils comprenaient, et pourraient donc participer plus pleinement aux offices religieux. Jarvis et la plupart des membres du clergé anglican de la ville en vinrent à accepter la chapelle Mission, en partie parce que Davenport déclara publiquement que la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception constituait une corruption doctrinale de la part de l’Église de Rome.

Les témoignages exprimés à la mort de William Munson Jarvis en 1921 révèlent qu’il jouissait de l’estime générale. Peut-être que, dans la petite ville qu’était Saint-Jean à la fin du xixe siècle et au début du xxe, ces commentaires reflétaient l’admiration tacite qu’inspiraient non seulement ses réalisations professionnelles, mais aussi le fait qu’il avait élevé seul ses enfants et connu la douleur de confier son fils Frank Hope au Provincial Lunatic Asylum, où il serait pensionnaire jusqu’à son décès plus de 50 ans après.

Elizabeth W. McGahan

APNB, RS140.— Musée du N.-B. (Saint-Jean), « Family tree of Stephen Jarvis of Huntington, L.I., New York » (ms) ; Jarvis family papers ; Vert. file, circular, genealogy of the Jarvis family.— Saint John Regional Library (Saint-Jean, N. B.), « Biographical data relating to New Brunswick families, especially of loyalist descent », D. R. Jack, compil. (4 vol., texte dactylographié ; copie au Musée du N.-B.).— Evening Times and Star (Saint-Jean), 1921.— Saint John Globe, 1921.— Annuaire, Saint-Jean, 1865–1875.— Biographical review […] of leading citizens of the province of New Brunswick, I. A. Jack, édit. (Boston, 1900).— J. M. Davenport, Messiah (God incarnate) not Messiah’s mother the « bruiser of the serpent’s head » [...] with a concise exposure of Mr. R. F. Quigley’s errors and controversial tactics [...] (Saint-Jean, 1891).— History of the Mission Church of S. John Baptist, Saint John, N.B., 1882–1932 (Saint-Jean, 1932).

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Elizabeth W. McGahan, « JARVIS, WILLIAM MUNSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jarvis_william_munson_15F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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