JARVIS, MUNSON, marchand et homme politique, né le 11 octobre 1742 à Stamford, Connecticut, fils aîné de Samuel Jarvis et de Martha Seymour ; le 4 mars 1770, il épousa Mary Arnold, et ils eurent trois fils et une fille, les deux derniers de ces enfants étant nés à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick ; décédé le 7 octobre 1825 à Saint-Jean.

Munson Jarvis était orfèvre à Stamford quand la Révolution américaine éclata. Son père et lui étant d’« ardents loyalistes », ils furent convoqués plusieurs fois devant des comités révolutionnaires en 1775 et 1776. Finalement lui-même fut, selon ses propres termes, « condamné publiquement comme ennemi de la Liberté de l’Amérique et partisan obstiné de la cause ministérielle ». En août ou septembre 1776, il s’enfuit à l’île Long, dans l’état de New York, où il recruta pendant quelque temps des hommes pour le Prince of Wales’s American Régiment. Il se lança ensuite en affaires à New York.

À la fin de la révolution en 1783, les perspectives d’avenir de Jarvis étaient sombres. Après avoir perdu son père, le 1er septembre 1780, et connu bien d’autres malheurs, il devait affronter une épreuve de taille avec d’autres loyalistes de New York, il allait s’embarquer pour Saint-Jean. Il laissait derrière lui, sans grand espoir d’être indemnisé, des biens immobiliers estimés à £375 et d’autres effets valant approximativement £225. Par la suite cependant, le gouvernement britannique créa la commission chargée d’examiner les réclamations des loyalistes, à laquelle Jarvis put présenter un état de ses pertes. Le 25 octobre 1787, apprenant que l’étude de son dossier était retardée, il écrivait tristement à son frère William*, en Grande-Bretagne : « Le vieux proverbe dit que Faute de grives, on mange des merles, mais dans le cas présent nous pourrons nous compter chanceux d’obtenir même moins que cela. » Toutefois, il n’était pas homme à se complaire dans les regrets ni à faire marche arrière. Quelques loyalistes avaient déjà regagné leur foyer, mais Jarvis lui-même notait à ce propos : « dans l’ensemble, ceux qui sont partis étaient de pauvres diables [...] Très peu de gens de quelque importance nous ont quittés. » Son opinion sur la révolution n’avait pas changé. À ses yeux, c’était « un des événements les plus iniques et les plus funestes qui ait jamais eu lieu ». « Nous nous sommes bien battus (dans l’ordre temporel), et si nous n’avons pas vaincu les treize États unis, nous tenons en échec un des grands (je ne dirai pas bons) alliés, le démon et toutes ses œuvres. »

En 1788, au moment où Jarvis faisait cette remarque, il était déjà solidement établi au Nouveau-Brunswick avec sa famille. Il avait reçu le lot no 87 à Parrtown (Saint-Jean) dès son arrivée dans la colonie et avait fait l’acquisition du lot no 17 le 20 avril 1787. Même s’il n’appartenait pas à l’élite loyaliste, il était loin d’être démuni. Il siégea comme échevin au conseil municipal à compter de sa création, le 18 mai 1785, jusqu’au 20 avril 1790. Défait quand il tenta pour la première fois d’entrer à la chambre d’Assemblée en 1789, il remporta l’élection partielle tenue en 1804 dans la circonscription du comté et de la ville de Saint-Jean pour remplacer Edward Sands, qui avait été invalidé. Entre-temps, il était devenu l’un des piliers de la congrégation anglicane Trinity ; il avait participé à sa fondation, et il servit successivement comme membre du conseil paroissial et marguillier. Le 24 mai 1803, il fut le quatrième à s’inscrire sur la liste des membres fondateurs du premier club social de Saint-Jean, qui se réunirait à l’Exchange Coffee House.

À l’aube du xixe siècle, Jarvis était l’un des plus grands entrepreneurs du Nouveau-Brunswick et contribuait ainsi à la croissance remarquable qui allait faire de Saint-Jean l’un des principaux entrepôts de l’Amérique du Nord britannique. Peu après son arrivée dans la ville en 1783, il avait ouvert une quincaillerie, ce qui était une initiative fort judicieuse dans une période de développement comme celle-là. Saint-Jean et Fredericton étaient en construction, comme d’autres villes et villages ; fermiers, forgerons et bûcherons avaient aussi besoin de matériel. Dès 1787, Jarvis expédiait « des clous, du verre, de la bière et de la peinture » à Fredericton et recevait des peaux en échange. Quand il entrevit que la phase de construction était sur le point de s’achever, il s’empressa de rajuster son tir. « Nos marchands, écrivait-il à son frère William en 1788, semblent donner au commerce une orientation passablement différente de celle qu’il a eue jusqu’à maintenant, c’est-à-dire la construction de navires. »

Ce ne fut pas simplement sous l’effet de la chance que Jarvis s’intéressa aux besoins des transporteurs et aux possibilités du commerce. Dès 1783, il avait acheté le brick Lively pour faciliter ses opérations commerciales. Au cours des trois décennies qui suivirent, sa compagnie créa un réseau transocéanique qui reliait l’Angleterre, les Antilles et les États-Unis et pénétrait à l’intérieur du Nouveau-Brunswick par la rivière Saint-Jean et ses affluents. Jarvis dirigeait l’entreprise à partir de son établissement de South Market Wharf, au pied de la rue King à Saint-Jean. Son frère Samuel, qui habitait toujours Stamford, était son principal associé aux États-Unis tandis que William, qui devint en 1792 secrétaire et registraire de la province du Haut-Canada, fut son premier représentant en Angleterre. Tous les produits pour lesquels il existait une demande passaient par son entrepôt, y compris les esclaves. Le 15 juillet 1797, il vendit Abraham et Lucy à Abraham De Peyster* pour la somme de £60.

Au fil des ans, Munson Jarvis prit ses deux fils aînés comme associés : avec Ralph Munson, il forma la Munson Jarvis and Son, qui cessa ses activités en 1810, puis avec ce dernier et William il mit sur pied la Munson Jarvis and Company, laquelle fut dissoute en 1812. Apparemment, au moment de sa mort, seul William était son associé. Son plus jeune fils, Edward James*, étudia le droit et devint juge en chef de l’Île-du-Prince-Édouard en 1818.

Carl M. Wallace

APNB, MC 1156.— Conn. State Library (Hartford), Indexes, Barbour coll., Stamford vital records, 1 : 59, 173–174 ; 2 :140.— Musée du N.-B., Jarvis family papers ; Saint John, reg. of voters, 1785–1869.— PRO, AO 12/2 : 41 ; 12/109 : 180/1412.— Canada’s first city : Saint John ; the charter of 1785 and Common Council proceedings under Mayor G. G. Ludlow, 1785–1795 (Saint-Jean, N.-B., 1962).— Loyalists settlements, 1783–1789 : new evidence of Canadian loyalist claims, W. B. Antliff, compil. (Toronto, 1985).— Royal Gazette (Saint-Jean), 9 oct. 1809, 22 juin 1812.— New-Brunswick Courier, 18 févr. 1826.— The Jarvis family ; or, the descendants of the first settlers of the name in Massachusetts and Long Island, and those who have more recently settled in other parts of the United States and British America, G. A. Jarvis et al., compil. (Hartford, Conn., 1879).— Sabine, Biog. sketches of loyalists.— J. W. Lawrence, Foot-prints ; or, incidents in early history of New Brunswick, 1783–1883 (Saint-Jean, 1883) ; Judges of N.B. (Stockton et Raymond).— MacNutt, New Brunswick.— J. R. Armstrong, « The Exchange Coffee House and St. John’s first club », N.B. Hist. Soc., Coll., 3 (1907–1914), no 7 : 60–78.

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Carl M. Wallace, « JARVIS, MUNSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jarvis_munson_6F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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