JANVRIN, JOHN, homme d’affaires, homme politique, officier de milice et juge de paix, né le 29 août 1762 à Sainte-Brelade, île de Jersey, fils de Brelade Janvrin, marchand, et d’Elizabeth de Lecq ; le 16 décembre 1799, il épousa à Saint-Hélier, île de Jersey, Esther Elizabeth Filleul (1780–1864), et ils eurent trois fils et huit filles ; décédé le 22 décembre 1835 à Sainte-Brelade.

John Janvrin appartient à la famille Valpy, dit Janvrin, qui obtient en 1826 des autorités britanniques la permission de ne porter que le nom de Janvrin. Cette famille jersiaise a une longue tradition maritime. Commerçants, marins, capitaines de navires, armateurs, certains d’entre eux ont fait du commerce avec l’Amérique du Nord dès le xviie siècle. En 1783, et peut-être même un peu avant, deux des frères de John, sous la raison sociale de Philip and Francis Janvrin and Company, fondent un établissement de pêche au sud du Cap-Breton, à la bourgade acadienne d’Arichat, dans l’île Madame. Au même moment, les Janvrin se lancent en affaires aux îles de la Madeleine, peuplées aussi par des Acadiens. Cette entreprise maritime, à laquelle John sera bientôt associé, fonctionnera une vingtaine d’années. Vers 1790, ils s’implantent en Gaspésie, dans la baie de Gaspé plus précisément.

John, le plus jeune des trois frères, est le seul à venir résider sur le continent nord-américain. Il y restera pendant plusieurs années. Il dirige d’abord l’établissement de l’île Madame où il s’installe vers la fin des années 1780. Il devient probablement agent principal de la Philip and Francis Janvrin and Company en Amérique du Nord. Mais, peu après son installation, il fonde sa propre entreprise, la John Janvrin and Company, et s’occupe du commerce du poisson et du commerce de détail au Cap-Breton. En octobre 1792, un recensement signale sa présence à Arichat, à titre de marchand lié aux pêcheries de l’endroit. Plus tard, il y exploitera un chantier naval et possédera des navires de commerce, notamment le cutter Providence en 1806.

Le 17 mars 1794, Janvrin se fait concéder une île d’environ 1 500 acres, juste à l’ouest de l’île Madame. Il y organise un établissement de pêche (Janvrin Harbour) où il séjourne un certain temps avant de retourner à Arichat. Au fil des ans, il vendra ou louera à des pêcheurs divers lopins de terre dans cette île, baptisée île Janvrin par ses descendants. Vers 1894, le gouvernement néo-écossais en reprendra possession.

Le 16 mai 1795, le lieutenant-gouverneur du Cap-Breton, William Macarmick*, accorde à la John Janvrin and Company le permis d’occupation de l’île Bernard, petite île d’une quarantaine d’acres située au nord-est de l’île Madame, près de la bourgade de D’Escousse, avec l’autorisation d’ériger des bâtiments et de faire de l’exploitation commerciale. Cependant, Janvrin semble s’occuper très peu de cette île. Au début des années 1820, elle sera concédée à un pêcheur de l’endroit, John Joyce, qui la réclamait en alléguant que Janvrin ne s’y était jamais établi.

À la suite de ses frères ou en collaboration avec eux, John tente d’exploiter une pêcherie aux îles de la Madeleine. En 1798, il ne peut compter que sur trois pêcheurs seulement. En fait, ce sont les Américains qui occupent presque toute la place. Quelques années plus tard, la pêcherie et le magasin de Janvrin seront saisis par le seigneur de l’endroit, Isaac Coffin*.

Même si John dirige sa propre entreprise et que Philip et Francis en viennent vite à avoir leurs propres agents à Arichat, les trois frères Janvrin continuent de faire des affaires ensemble. John détient une part dans la compagnie de ses frères et tous les trois sont actionnaires ou associés de plusieurs firmes marchandes, particulièrement de firmes jersiaises. En 1799, ils exploitent un navire de commerce, le Lottery, et, pendant les guerres napoléoniennes, ils arment des navires en course. À cette époque, une autre société, la Janvrin and Durell, exploite un comptoir de pêche sur la côte sud de l’île de Terre-Neuve.

Parmi les entreprises familiales des Janvrin, c’est la Philip and Francis Janvrin and Company qui demeure la plus importante. Vers 1820, elle est une des principales compagnies de pêche du Cap-Breton. Elle possède plus de 600 acres de terre, des magasins, des entrepôts et des quais à Arichat et à Little Arichat (West Arichat), dans l’île Madame, et à l’île Petit-de-Grat, au sud-est de l’île Madame. En Gaspésie, c’est la firme marchande la plus importante après la Charles Robin and Company [V. Charles Robin], dont les Janvrin sont aussi actionnaires. Elle est établie à Grande Grave (Grande-Grève), au bassin (havre) de Gaspé, à Pointe-Saint-Pierre et à l’île Bonaventure. À chacun de ces endroits, elle approvisionne les pêcheurs locaux, achète leur morue et, grâce à son système de crédit, les tient dans un état constant d’endettement qui lui est profitable.

Pendant son long séjour dans la région du Cap-Breton, Janvrin occupe plusieurs fonctions de prestige. Ainsi, dans les années 1790, il siège au Conseil exécutif de l’île. Il est longtemps lieutenant-colonel de milice et juge de paix. Mais il retourne régulièrement à Jersey où il s’est marié en 1799 à une jeune fille issue d’une famille marchande. En 1800, tout comme ses frères, il est membre de la chambre de commerce de l’endroit.

Vers 1815–1817, Janvrin retourne vivre dans son île natale. De 1817 à 1820, il est constable à Sainte-Brelade. Outre ses diverses affaires commerciales, il s’intéresse de plus en plus aux activités bancaires et au courtage. Il a alors des intérêts à Londres et, dans la correspondance, on parle de la « John Janvrin & Co. de la ville de Londres ». Il est aussi associé à la firme de courtage londonienne DeLisle, Janvrin, and DeLisle.

Dans les années 1820, John Janvrin remet à son fils aîné, John, la gérance des affaires du Cap-Breton, puis, le 22 décembre 1835, il meurt à Sainte-Brelade à l’âge de 73 ans. Entre-temps, John fils semble avoir relancé les affaires familiales. Le 5 février 1829, il a acheté pour £1 200 les installations de la Philip and Francis Janvrin and Company à Arichat, où il s’est installé définitivement, et, en 1836, il peut expédier deux millions de livres de morue au Brésil. Quant aux affaires des Janvrin en Gaspésie, elles passent en 1837 aux mains du petit-fils de Francis, Frederick. Même si celui-ci acquiert d’autres propriétés, il vendra entre 1841 et 1855 toutes les installations de pêche de sa compagnie sur la côte de Gaspé. Au fil des ans, la famille Janvrin s’est mise à délaisser ses affaires commerciales pour se lier au domaine bancaire et à celui du courtage à Londres et à l’île de Jersey. C’est dans ce secteur d’activité qu’elle concentrera vers le milieu du xixe siècle ses énergies et son capital.

Marc Desjardins

L’auteur tient à remercier Roch Samson, Marguerite Syvret et feu Keith Matthews pour les nombreux renseignements inédits qu’ils ont aimablement fournis. Cette documentation est actuellement la possession de l’auteur.  [m. d.]

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Marc Desjardins, « JANVRIN, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 nov. 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/janvrin_john_6F.html.

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Auteur de l'article:    Marc Desjardins
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    28 novembre 2024